L’art de donner
Donner de l’argent, c’est très bien. Mais donner des biens, ça peut être encore mieux.
Par exemple, il est possible de donner en nature à des organismes de bienfaisance, que ce soit des placements (j’y reviens à la prochaine question) ou encore des œuvres d’art, ce qui peut offrir un traitement fiscal encore plus avantageux.
Tout d’abord, vous devrez faire établir la valeur marchande d’objets que vous voulez donner par un évaluateur reconnu. « Pour des œuvres d’art, on peut se tourner vers une galerie bien cotée. Pour des bouteilles de vin rare, vers la SAQ Sélection », cite Karen Bouchard, PDG de la Fondation Québec philanthrope.
Cette évaluation permettra de fixer le montant du reçu à des fins fiscales. Comme pour un don en argent, ce reçu vous donnera droit à un crédit combiné (Québec-Ottawa) de 32,5 % sur la première tranche annuelle de 200 $ de don, puis de 48,2 % sur l’excédent (et même 53,3 % pour les contribuables au taux marginal le plus élevé).
Super ! Mais à qui donner vos tableaux, sculptures et autres trésors ? « Il faut s’assurer d’approcher la bonne institution pour la bonne œuvre », répond Emilie L. Cayer, PDG de la Fondation du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ).
Le Musée dépend énormément des donateurs pour développer sa collection qui compte près de 40 000 œuvres. « On doit compter sur la générosité des gens et sur le flair des donateurs », avoue Mme Cayer.
Mais l’écrémage est essentiel, car l’institution doit ensuite assurer la conservation des œuvres acquises. Le MNBAQ se concentre donc sur des acquisitions stratégiques qui complémentent bien sa collection. Sur quelque 3000 propositions reçues en 2019-2020, il a acquis 252 pièces d’une valeur de 2,2 millions de dollars pour les dons et 800 000 $ pour les achats.
Pour en avoir le cœur net, les donateurs doivent d’abord remplir un formulaire de proposition de don disponible sur l’internet. Le processus, qui peut durer entre trois mois et un an, compte plusieurs étapes : analyse par le comité d’acquisition interne ; évaluation de la condition de l’œuvre ; évaluation de la valeur marchande par un expert indépendant ; recommandation d’un comité consultatif externe ; décision par le conseil d’administration qui donne la bénédiction finale.
Ensuite, une convention de don peut être signée. Mais attention : le don a le même effet fiscal qu’une vente pure et simple. « Il y a une possibilité que ça déclenche des impôts pour le donateur, impôts qui pourraient être épongés par le crédit pour don », explique Me Maude Caron-Morin, associée fiscaliste au cabinet Therrien Couture Jolicœur.
Prenons un exemple. Disons qu’Alain a payé seulement 1000 $ il y a 20 ans pour un tableau qui vaut désormais 25 000 $. Son gain en capital s’élève donc à 24 000 $. Comme seulement la moitié d’un gain en capital est assujettie à l’impôt, il devra payer de l’impôt sur 12 000 $, ce qui déclenchera une facture fiscale de 6000 $ si son taux d’imposition marginal est de 50 %. Mais d’autre part, son crédit sera calculé sur 25 000 $, ce qui lui permettra d’économiser environ 12 500 $ d’impôts.
Cela dit, il n’y a pas d’impôt à payer sur le gain en capital si vous avez donné un « bien culturel » reconnu par la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels. On parle ici de biens (ex. : art décoratif, beaux-arts, archives, instruments de musique, collection audiovisuelle) qui présentent un intérêt exceptionnel pour le patrimoine artistique.
Québec offre d’autres mesures pour favoriser les dons culturels.
Si vous avez fait don d’une œuvre d’art à une institution muséale québécoise, c’est-à-dire à un musée situé au Québec ou une institution muséale reconnue, le montant admissible de votre don peut être augmenté de 25 %, explique Revenu Québec.
Dans la même veine, Québec offre un crédit additionnel de 25 % aux particuliers qui font un premier don important (entre 5000 $ et 25 000 $, en argent seulement) à un organisme œuvrant dans le secteur de la culture d’ici le 1er janvier 2023. En combinant ce crédit (25 %) à celui de base (jusqu’à 53 %), certains donateurs peuvent donc récupérer plus des trois quarts de leur don.
Ça permet d’être doublement généreux !