Paris

Quand baisser la limite de vitesse permet de rouler plus vite

Et si baisser la limite de vitesse sur les voies rapides permettait de réduire la congestion ? C’est le pari que la Ville de Paris dit avoir remporté, en réduisant de 10 km/h la limite de vitesse et en multipliant les radars photo sur son boulevard périphérique. Le nombre d’accidents a significativement diminué, les riverains ont noté une baisse du bruit… et les automobilistes, paradoxalement, roulent plus vite. À Montréal, une baisse de la limite n’est pas envisagée, mais l’implantation de radars photo est à l’étude. Explications sur l’expérience parisienne et leçons pour la métropole québécoise.

VITESSE EN HAUSSE

En janvier 2014, la capitale française a réduit de 80 à 70 km/h la limite de vitesse sur les voies rapides la ceinturant. Alors que de nombreux automobilistes craignaient de voir leurs allées et venues traîner en longueur, c’est précisément le contraire qui s’est produit. Le matin, la vitesse moyenne observée sur le « Périph’ » est passée de 32,6 km/h en 2013 à 38,4 km/h l’an dernier, une amélioration de 18 %. À l’heure du retour à la maison, les voitures roulent en moyenne 12 % plus vite.

MATER L’EFFET ACCORDÉON

Comment expliquer ces résultats ? En baissant sa limite de vitesse, Paris dit avoir réduit l’« effet accordéon ». Ce phénomène survient quand les voitures freinent et accélèrent à répétition dans un bouchon de circulation. L’apparition des accordéons est souvent liée à un problème de conception des entrées et sorties des autoroutes, dit Ottavio Galella, un spécialiste en circulation chez Consultants Trafix. Les autos n’ont pas suffisamment d’espace pour décélérer ou accélérer et finissent par freiner brusquement pour ensuite accélérer. Cette « friction » finit par se traduire en bouchons dans les autres voies.

BAISSE DES ACCIDENTS

La baisse de la limite de vitesse sur le Périph’ a aussi amené une réduction de 15 % en un an du nombre d’accidents. Le nombre de blessés a même atteint son plus bas niveau en 10 ans, indique la préfecture de Paris. Cette diminution est d’autant plus marquante qu’elle va à contre-courant de la situation qui prévaut sur le reste des routes de la région parisienne. On a en effet observé une légère hausse des accidents en Île-de-France au cours de la dernière année. Encore une fois, c’est la réduction de l’effet accordéon qui serait salutaire.

PLUIE DE CONTRAVENTIONS

À lui seul, l’abaissement de la limite de vitesse n’aurait peut-être pas entraîné d’aussi bons résultats. Pour s’assurer que les automobilistes respectent la nouvelle signalisation, Paris a fait passer de 7 à 16 le nombre de radars photo sur son boulevard périphérique. Ceux-ci ont dressé 461 600 constats d’infraction en 2014, contre 138 000 en 2013, soit 3,5 fois plus. En comparaison, le ministère des Transports (MTQ) du Québec dispose en ce moment de 18 radars photo sur l’ensemble du réseau provincial.

LEÇONS POUR MONTRÉAL

La région de Montréal aurait tout intérêt à s’inspirer de l’expérience parisienne, estime Ottavio Galella, de Consultants Trafix. Une réduction de la vitesse à 60 km/h sur l’autoroute Métropolitaine, entre les autoroutes 15 et 25, pourrait aider à réduire la congestion dans ce secteur bien connu pour ses bouchons. « Ce corridor se prêterait à une révision de la vitesse. Ça offre un potentiel intéressant d’amélioration de la sécurité », dit Ottavio Galella. Ce spécialiste en circulation souligne que Montréal a déjà misé par le passé sur des réductions des limites de vitesse, notamment sur le pont Champlain en 1987 et sur le boulevard Notre-Dame Est en 2005.

PLUS DE RADARS POUR MONTRÉAL ?

Sans avoir à baisser la limite de vitesse, le MTQ pourrait déjà obtenir de bons résultats sur l’autoroute Métropolitaine en faisant respecter celle déjà en place, estime Félix Gravel, du Conseil régional de l’environnement. « J’ai rarement vu les gens respecter la limite, sinon aux heures de pointe, où c’est finalement la congestion qui nous oblige à rouler moins vite. Déjà, si on baissait la vitesse réelle, comme par des radars, ça pourrait avoir un impact positif », dit-il. C’est à l’étude, confirme-t-on au bureau du ministre des Transports, Robert Poëti, qui a annoncé en octobre l’ajout de 38 cinémomètres aux 18 déjà en place sur l’ensemble du réseau québécois. « Nous sommes en discussion sur des sites potentiels à Montréal. La possibilité du Métropolitain n’est pas exclue », indique une porte-parole, Anne-Catherine Couture.

BRUIT EN BAISSE

Les effets de la baisse de la limite de vitesse ne se limitent pas au nombre d’accidents. Les 100 000 Parisiens vivant à proximité du Périph’ ne l’ont peut-être pas remarqué, mais la mesure a aussi entraîné une baisse du bruit. L’impact est surtout audible la nuit, la baisse se chiffrant à 1,2 dBA (mesure du bruit ambiant en décibels) tandis qu’elle est de 0,5 dBA le jour. Cela peut sembler minime, mais pour obtenir le même résultat sans abaisser la vitesse, il faudrait réduire du quart le nombre de véhicules circulant sur le boulevard périphérique. Pour atténuer davantage le bruit, Paris installe en ce moment un revêtement phonique sur son boulevard afin d’absorber une partie du bruit.

POLLUTION EN BAISSE

La baisse de la limite de vitesse pourrait aussi contribuer à améliorer la qualité de l’air, croit Paris. La capitale française estime que la mesure pourrait permettre de réduire de 5 % l’émission de polluants par les véhicules en améliorant la fluidité de la circulation. Son bilan pour l’année 2014 ne chiffre toutefois pas les résultats à ce chapitre, les études à ce sujet étant toujours en cours. Les gains possibles pour Paris sont importants puisque, à lui seul, le Périph’ représente 20 % des émissions de particules fines dans la capitale française.

LE PÉRIPH’ EN CHIFFRES

35 km

Longueur du boulevard qui ceinture Paris

16

Nombre de radars photo sur le boulevard périphérique, soit un tous les deux kilomètres en moyenne

326

Nombre de panneaux à messages variables informant les automobilistes de l’état de la circulation sur le Périph’

112

Nombre de caméras surveillant la fluidité de la circulation sur le boulevard périphérique

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