Quel bac est le plus payant ?

Il y en aura toujours qui douteront de la pertinence des études. Qui douteront des avantages de sacrifier trois, quatre, voire six années de leur vie pour obtenir un baccalauréat ou une maîtrise à l’université, par exemple.

Une nouvelle étude vient contredire cette impression, encore une fois. Elle conclut que les études universitaires sont non seulement très payantes pour l’individu, mais aussi pour la société en général. Cela dit, attention : les champs d’études ne procurent pas tous les mêmes avantages financiers.

Pour faire leur analyse, les économistes Claude Montmarquette, François Vaillancourt et Brigitte Milord, du CIRANO, ont estimé les coûts associés à l’obtention d’un bac, d’une maîtrise et d’un doctorat, qu’ils ont comparés aux augmentations salariales que procurent de tels diplômes1.

Leurs résultats sont exprimés avec des taux de rendement. Ainsi, il est possible de comparer le rendement qu’on obtient en investissant dans sa formation à celui qu’on aurait, par exemple, en plaçant le même argent dans un certificat de dépôt ou à la Bourse.

Il s’agit de taux annuel de rendement pour l’ensemble de la vie active, soit plus de 40 ans.

Premier résultat : les meilleurs salaires obtenus avec un baccalauréat universitaire, par rapport à un diplôme du secondaire, procurent un rendement annuel composé de 13,6 % pour les hommes et de 16,1 % pour les femmes, selon l’étude.

En comparaison, la Caisse de dépôt et placement a obtenu un rendement annuel moyen de 8,6 % depuis 10 ans.

Autrement dit, pour un jeune du secondaire, il est presque deux fois plus payant d’investir dans sa formation que de placer son argent à la Caisse de dépôt, en moyenne (si cela avait été possible). Wow !

Pour l’ensemble de la communauté, le rendement annuel de voir un des siens obtenir son bac est un peu moindre que le rendement privé de l’individu, mais il se chiffre tout de même à 12,3 % pour les hommes et à 13,1 % pour les femmes, selon l’étude. Il s’agit de la contribution additionnelle au produit intérieur brut (PIB) que procure cette meilleure formation, en quelque sorte.

Selon l’étude, les revenus additionnels qu’obtient un diplômé de la maîtrise par rapport à ceux d’un bac procurent un rendement annuel de 8 %. Ceux d’un doctorat (par rapport à la maîtrise) ont peu d’effets pour les hommes et un rendement de 9,5 % pour les femmes.

Cela dit, quels bacs sont les plus rentables, du point de vue financier ?

Sans surprise, ce sont les études en médecine qui sont de loin les plus rentables, tant pour l’individu (environ 33 % par année) que pour la société (environ 23 %). Cette discipline inclut aussi les dentistes, vétérinaires et optométristes.

Comme leurs études sont plus longues, les revenus de travail de ses titulaires sont comparés aux revenus qu’obtiennent les bacheliers en sciences de la santé, plutôt qu’aux revenus d’un diplômé du secondaire.

Après la médecine (33 %) et les sciences de la santé (26 %), le génie, l’administration ainsi que les mathématiques et l’informatique viennent au sommet, avec des rendements annuels qui oscillent entre 15 et 21 % pour les individus et entre 12 % et 19 % pour la société.

À l’autre bout de l’échelle, le rendement annuel du domaine regroupé arts/sciences humaines est de quelque 1 % pour les hommes et de 6 % pour les femmes, ce qui est plutôt faible. Le rendement social de ce groupe, qui inclut l’histoire, la géographie et la philosophie, notamment, est très semblable au rendement individuel.

Cela dit, il s’agit de moyennes, il y aura toujours des cas particuliers. Et l’étude est incapable de tenir compte de ce qu’elle appelle les externalités positives des études (effets sur la santé publique, sur le civisme, la démocratie, la culture, l’éducation, etc.). Elle ne mesure que les revenus des Québécois qui ont obtenu les diplômes, qu’elle compare aux coûts de leurs études (trois ans de bac en général, quatre ans en génie, par exemple).

Pourquoi est-il plus rentable pour les femmes d’étudier ? Vraisemblablement, parce qu’avec seulement un diplôme du secondaire, la discrimination salariale visant les femmes est plus importante et que l’écart se rétrécit avec l’avancement des études.

L’étude confirme par ailleurs que le rendement des études est assez semblable depuis l’an 2000, en moyenne. Le rendement des études des femmes a toutefois connu une croissance non négligeable.

Et alors, mon verdict ? L’étude est intéressante, mais j’aurais souhaité qu’on compare le rendement par rapport aux diplômés du cégep. L’économiste François Vaillancourt me répond que le manque de données fines de Statistique Canada a rendu la chose impossible. Il m’explique qu’il faut voir l’étude dans le contexte d’un cheminement préuniversitaire au cégep puis universitaire, plutôt qu’une formation technique au cégep.

Autre critique : il me semble que le coût total des études pour obtenir un bac (environ 49 000 $) est un peu trop faible, sachant que les trois quarts de cette facture représentent la perte de revenu des cinq années de travail entre le secondaire et la fin de l’université (environ 37 000 $ sur cinq ans), qui m’apparaît trop petite2.

François Vaillancourt me répond que l’analyse se fonde sur le revenu moyen des diplômés du secondaire pendant cinq ans de Statistique Canada, et non sur le revenu d’un diplômé à temps plein.

Il convient que l’avantage universitaire aurait été moindre en faisant la comparaison avec un revenu à temps plein pour les finissants du secondaire. Mais quoi qu’il en soit, le rendement annuel d’avoir un bac serait certainement demeuré à plus de 10 %, estime-t-il.

Et ce genre de rendement, en fin de compte, démontre le grand avantage d’investir dans sa formation.

1. L’étude porte sur les données de 2015, tirées du recensement de 2016, devenues publiques en 2019.

2. Les chercheurs n’ont pas inclus dans ce coût, à juste titre, les frais de logement et de subsistance, qu’il aurait fallu payer même sans faire d’études.

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