Bannies des dépanneurs
QUÉBEC — Québec va retirer des dépanneurs et des épiceries les boissons sucrées à haute teneur en alcool, a appris La Presse de sources sûres. Seule la Société des alcools du Québec (SAQ) sera autorisée à vendre ces « mélanges à la bière ».
Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, présentera un amendement en ce sens à son projet de loi visant à dépoussiérer la Loi sur les permis d’alcool et à moderniser la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ). La mesure entrera donc en vigueur après l’adoption du projet de loi, qui doit avoir lieu d’ici la fin de la session parlementaire en juin.
Les dépanneurs et les épiceries ne pourront plus offrir sur leurs tablettes des mélanges à la bière, donc à base de malt, qui contiennent 7 % d’alcool ou plus. Il s’agit des boissons de type Four Loko et FCKDUP qui ont fait la manchette récemment. Il en existe toute une variété : REV UP, Captain Morgan Spiked Brew ou encore Hard Ice X-Tra. Leur teneur en alcool atteint près de 12 % dans certains cas, l’équivalent de quatre verres standards d’alcool dans une canette.
Québec réservera la vente de ces produits à la SAQ, où le contrôle est plus strict pour empêcher la vente aux mineurs. La société d’État aura le choix de les offrir ou non.
Ses succursales disposent déjà de produits similaires ou « prémixés ». Notons que les bières fortes ne sont pas visées par l’interdiction de la vente en dépanneur et en épicerie.
Le gouvernement Couillard prend finalement le dossier en main après avoir renvoyé la balle à Ottawa la semaine dernière. En mission en France, le premier ministre Philippe Couillard faisait valoir que Québec n’avait pas le pouvoir de prohiber les boissons sucrées fortement alcoolisées. Il espérait que Santé Canada se penche rapidement sur ces produits pour en restreindre l’utilisation. La ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois, demandait elle aussi au fédéral de revoir les règles d’homologation.
Les choses ont changé depuis. Lucie Charlebois et Martin Coiteux ont décidé d’aller aussi loin que le permettent les pouvoirs dont dispose le gouvernement québécois.
Limiter l’accessibilité
Québec a entre les mains depuis un peu moins d’une semaine le rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) sur les boissons sucrées à haute teneur en alcool. Commandé à la suite d’une motion adoptée à l’Assemblée nationale l’automne dernier, le rapport recommande entre autres de fixer un prix minimum pour ce type de boisson, selon ce qu’a appris La Presse.
Ce prix serait bien entendu plus élevé qu’à l’heure actuelle, alors que des canettes de 473 ml peuvent se vendre autour de 3 $.
Québec a toutefois voulu limiter encore davantage l’accessibilité de ces boissons pour les jeunes. Il a donc opté pour en interdire carrément la vente en dépanneur et en épicerie. D’ailleurs, l’adolescente Athena Gervais, dont le corps a été retrouvé le 1er mars dans un ruisseau situé derrière l’école secondaire qu’elle fréquentait à Laval, aurait consommé deux canettes de boisson FCKDUP volées dans un dépanneur le jour de sa disparition. Le groupe Geloso a cessé la production du FCKDUP depuis le drame, mais il continue de commercialiser un produit similaire, le REV UP.
Dans un communiqué publié hier matin, Éduc’alcool déplorait qu’à la suite de la mort d’Athena Gervais, Québec et Ottawa s’étaient essentiellement renvoyé la balle. L’organisme a recommandé qu’Ottawa interdise la vente de ces boissons ou alors que Québec les sorte des dépanneurs et des épiceries. Le Parti québécois abonde dans le même sens. « Le geste le plus rapide que nous devrions poser par mesure préventive, c’est d’exiger le retrait pur et simple de ce produit des dépanneurs », a affirmé son porte-parole en matière de santé publique, Sylvain Pagé, en entrevue à La Presse.