opinion

COVID-19
Agir collectivement pour sauver des vies

La progression des nouveaux cas, des hospitalisations et des décès liés à la COVID-19 suit une tendance croissante depuis quelques semaines. Les éclosions dans les écoles et les milieux de travail ne cessent d’augmenter. Au 27 novembre, l’INSPQ indiquait que nous vivions la 11e semaine de suite présentant une hausse des éclosions et des cas dans les milieux de travail. Cette tendance à la hausse est inquiétante sur plusieurs plans.

Sur le plan de la population, plusieurs personnes susceptibles de développer des symptômes graves risquent d’être contaminées. La COVID-19 sera responsable à nouveau d’un trop grand nombre de décès. Sur le plan du système de soins, les ressources sont limitées. Notre système de soins est en forte tension. Les nombreuses absences dues aux isolements préventifs ou aux contaminations entraînent une surcharge de travail et un épuisement généralisé des ressources humaines en santé. Plusieurs organisations représentant les travailleurs de la santé ont salué la décision du gouvernement d’annuler les rassemblements à Noël.

Et finalement, sur le plan de l’économie, le risque d’une perte de contrôle pourrait empêcher la reprise de l’économie du Québec pendant encore des mois, sans parler des effets néfastes sur les enfants s’ils devaient être confinés à la maison pendant la période scolaire. Avec cette tendance à la hausse des cas, toutes les conditions étaient réunies pour aller vers une catastrophe si les rassemblements à Noël étaient maintenus.

Pourrait-on faire plus ?

Malgré les mesures qui seront mises en place durant le Boxing Day et l’interdiction des rassemblements pendant les Fêtes, au retour des Fêtes, le virus n’aura pas été neutralisé. Les milieux de travail seront à nouveau envahis et nos élèves du primaire retourneront sur les bancs d’école. La situation à l’international dans les pays auxquels nous pourrions oser nous comparer n’est pas encourageante. Pour ne donner qu’un exemple, la France a dû se reconfiner partiellement en fermant tous les commerces non essentiels et les espaces publics et en instaurant un couvre-feu à 21 h. Étant donné cette tendance à la hausse des cas au Québec, en maintenant les mesures actuelles et sans nouvelles mesures, ne risque-t-on pas d’arriver à un confinement complet en janvier ?

Et si on profitait du congé des Fêtes pour donner un second souffle au Québec et repartir à (presque) zéro en janvier ?

La littérature scientifique nous enseigne que l’incubation du virus et le développement de symptômes peuvent varier entre 2 et 14 jours. Plusieurs personnes sont asymptomatiques (c’est particulièrement le cas des enfants). Ces personnes peuvent devenir des vecteurs de propagation sans le savoir. Les Fêtes sont synonymes de congé pour de nombreux travailleurs et pour les écoliers. Nous avons là une occasion inédite à saisir pour réduire le taux de propagation de la COVID-19. Un arrêt complet, qui ne garderait ouverts que les services essentiels pendant deux semaines, permettrait d’essouffler la propagation du virus. Un ensemble de mesures coercitives a permis à la France de voir son taux de propagation du virus chuter. En Nouvelle-Zélande, après une forte hausse en début d’hiver, le nombre de cas a rapidement baissé cet été (l’hiver pour eux) à la suite d’un confinement musclé.

Nous pensons que ces exemples sont pertinents pour évaluer le potentiel d’une intervention semblable au Québec. Cette « mise sur pause du Québec », pour reprendre les termes utilisés au mois de mars par le premier ministre, permettrait de donner un second souffle à notre système de soins sans engendrer un impact trop négatif sur notre économie, qui fonctionne déjà à plus faible régime pendant les Fêtes. Cette mise sur pause permettrait également de réduire le nombre de décès associés à la COVID-19.

Le congé des Fêtes nous offre la possibilité de réduire la contamination, de donner une chance à notre système de soins, à nos travailleurs de la santé et à notre population vulnérable, tout en minimisant l’impact sur l’économie.

Les études récentes en économie sont sans équivoque : sans contrôle de l’épidémie, il est illusoire de parler de reprise économique. Plusieurs pays l’ont essayé et ont échoué, en particulier cet automne. Il n’y a pas d’opposition entre économie et santé publique si les mesures de contrôle de l’épidémie sont efficaces. La pause des Fêtes offre une fenêtre d’opportunité à un moment où le coût de renonciation est plus faible qu’aux mois de janvier et février. Nous sommes conscients des impacts négatifs potentiels. Mais nous pensons que ces impacts seront encore plus dommageables si nous attendons 2021.

Puisque la preuve est là du double point de vue des sciences de la santé et de l’économie, alors, nous, experts en santé, économie et sciences sociales, estimons que la mise sur pause du Québec pendant les fêtes de Noël du 20 décembre au 3 janvier est la stratégie la plus efficace et la moins coûteuse pour combattre le fléau de la COVID-19 et pouvoir repartir sur de nouvelles bases en 2021.

Profitons du congé des fêtes de Noël pour mettre en pause le Québec et pour repartir sur de nouvelles bases en janvier afin d’affronter les prochains mois d’hiver.

* Francisco Alvarez-Cuadrado, professeur agrégé, département d’économie, Université McGill ; Philippe Barla, professeur titulaire, département d’économique, Université Laval ; François Béland, professeur titulaire, École de santé publique de l’Université de Montréal; Louis-Philippe Béland, professeur adjoint, département d’économie, Université Carleton ; Howard Bergman, professeur titulaire, faculté de médecine et des sciences de la santé, Université McGill; Jacques Bernier, professeur agrégé, Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie, Institut national de la recherche scientifique (INRS), Université du Québec ; Simona Bignami, professeure agrégée, département de démographie, Université de Montréal ; Luc Bissonnette, professeur adjoint, département d’économique, Université Laval ; Régis Blais, professeur titulaire, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Amélie Blanchet-Garneau, professeure adjointe, faculté des sciences infirmières, Université de Montréal ; Roxane Borgès Da Silva, professeure agrégée, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Hafedh Bouakez, professeur titulaire, département d’économie appliquée, HEC Montréal ; Vincent Boucher, professeur agrégé, département d’économique, Université Laval ; Robert Bourbeau, professeur émérite, département de démographie, Université de Montréal ; Isabelle Brault, professeure agrégée, faculté des sciences infirmières, Université de Montréal ; Mylaine Breton, professeure agrégée, département des sciences de la santé communautaire, Université de Sherbrooke ; Hélène Carabin, professeure titulaire, faculté de médecine vétérinaire et École de santé publique de l’Université de Montréal ; Yves Couturier, professeur titulaire, département de travail social, Université de Sherbrooke ; Daniel G. Cyr, professeur titulaire, Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie, Institut national de la recherche scientifique (INRS), Université du Québec ; Maximilien Debia, professeur agrégé, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Eric Déziel, professeur titulaire, Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie, Institut national de la recherche scientifique (INRS), Université du Québec ; Georges Dionne, professeur titulaire, département de finance, HEC Montréal ; Nicolas Doucet, professeur titulaire, Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie, Institut national de la recherche scientifique (INRS), Université du Québec ; Olivier Drouin, professeur adjoint de clinique, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Carl-Ardy Dubois, professeur titulaire, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Laurent Duchastel, directeur du développement professionnel, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Jean-Sébastien Fallu, professeur agrégé, École de psychoéducation, Université de Montréal ; Lambert Farand, professeur titulaire, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Raquel Fonseca, professeure titulaire, département des sciences économiques, ESG UQAM ; Bernard Fortin, professeur titulaire, département d’économique, Université Laval ; Pierre Fortin, Professeur émérite, Département des sciences économiques, ESG UQAM ; Kate Frohlich, professeure titulaire, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Lara Gautier, professeure adjointe, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Luc Godbout, professeur titulaire, département de fiscalité, Université de Sherbrooke ; Paul Gomme, professeur titulaire, département d’économie, Université Concordia ; Stephen Gordon, professeur titulaire, département d’économique, Université Laval ; Claude Guertin, professeur agrégé, Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie, Institut national de la recherche scientifique (INRS), Université du Québec ; Catherine Haeck, professeure agrégée, département des sciences économiques, ESG UQAM ; Réjean Hébert, professeur titulaire, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Maritza Jaramillo, professeure agrégée, Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie, Institut national de la recherche scientifique (INRS), Université du Québec ; Wilfried Koch, professeur agrégé, département des sciences économiques, ESG UQAM ; Tatyana Koreshkova, professeure titulaire, département d’économie, Université Concordia ; Guy Lacroix, professeur titulaire, département d’économique, Université Laval ; Monique Lacroix, professeure titulaire, Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie, Institut national de la recherche scientifique (INRS), Université du Québec ; Robert Lacroix, professeur émérite, département des sciences économiques, Université de Montréal ; Bernard-Simon Leclerc, professeur agrégé de clinique, département de médecine sociale et préventive, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Pierre Lefebvre, professeur titulaire, département des sciences économiques, ESG UQAM ; Jacques Légaré, professeur émérite, département de démographie, Université de Montréal ; Pascale Lehoux, professeur titulaire, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Patrick Leighton, professeure agrégé, faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal ; Justin Leroux, professeur titulaire, département d’économie appliquée, HEC Montréal ; Paul Makdissi, professeur titulaire, département d’économique, Université d’Ottawa ; Alain Marchand, professeur titulaire, École de relations industrielles, Université de Montréal ; Philip Merrigan, professeur titulaire, département des sciences économiques, ESG UQAM ; Pierre-Carl Michaud, professeur titulaire, département d’économie appliquée, HEC Montréal ; Claude Montmarquette, professeur émérite, département des sciences économiques, Université de Montréal ; Bouchra Nasri, professeure adjointe, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Quoc Dinh Nguyen, professeur adjoint de clinique, faculté de médecine, Université de Montréal ; Alain Noël, professeur titulaire, département de science politique, Université de Montréal ; Alain Paquet, professeur titulaire, département des sciences économiques, ESG UQAM ; André-Anne Parent, professeure agrégée, École de travail social, Université de Montréal ; Daniel Parent, professeur titulaire, département d’économie appliquée, HEC Montréal ; Sylvie Perreault, professeure titulaire, faculté de pharmacie de l’Université de Montréal ; Raynald Pineault, professeur émérite, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Pierre Pluye, professeur, département de médecine de famille, Université McGill ; Markus Poschke, professeur agrégé, département d’économie, Université McGill ; Louise Potvin, directrice scientifique, Centre de recherche en santé publique ; Charles Ramassamy, professeur agrégé, Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie, Institut national de la recherche scientifique (INRS), Université du Québec ; Pavel Sevcik, professeur agrégé, département des sciences économiques, ESG UQAM ; Claude Sicotte, professeur titulaire, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Nadia Sourial, professeure adjointe, département de médecine de famille et de médecine d’urgence, Université de Montréal ; Erin Strumpf, professeur agrégée, département d’économie, Université McGill ; Alain Vadeboncoeur, professeur agrégé de clinique, faculté de médecine, Université de Montréal ; Cathy Vaillancourt, professeure agrégée, Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie, Institut national de la recherche scientifique (INRS), Université du Québec ; Jordan Volpato, professeur adjoint, département de médecine de famille et médecine d’urgence, Université de Montréal ; Bryn Williams-Jones, professeur titulaire, École de santé publique de l’Université de Montréal ; Myra Yazbeck, professeure agrégée, département d’économie, Université Ottawa

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.