Cisjordanie

Une étudiante palestinienne abattue par des soldats israéliens

Deux soldats israéliens mettent en joue une femme vêtue d’un niqab à un poste de contrôle. Quelques instants plus tard, la jeune Palestinienne Hadeel al-Hashlamun est abattue. Ces photos percutantes, qui montreraient l’affrontement fatidique, ont fait le tour du monde hier. Même si la mort de l’étudiante de 18 ans a suscité la colère des Palestiniens, il y a peu de chances qu’elle devienne l’Aylan Kurdi du conflit, selon des experts.

Dans la ville de Hébron, poudrière des Territoires palestiniens occupés, la tension était à son comble, hier. Transportant la dépouille de la jeune Hadeel al-Hashlamun, des milliers de Palestiniens ont bruyamment manifesté durant les funérailles. Des violences ont ensuite éclaté entre une cinquantaine de jeunes et l’armée israélienne. Ces nouveaux heurts surviennent une semaine après les affrontements sur l’esplanade des Mosquées, lieu vénéré tant par les juifs que par les musulmans.

L’armée israélienne soutient que l’étudiante palestinienne a été abattue mardi alors qu’elle tentait de poignarder un soldat dans un poste de contrôle de Hébron. Elle voulait alors se rendre rue Shuhada, dans un quartier où résident sous haute protection des centaines de colons israéliens. Pour appuyer ses dires, l’armée a diffusé une photo montrant un couteau sur le sol, près des lieux du drame.

Or, l’organisation palestinienne Youth Against Settlements a remis en question la version des autorités israéliennes, hier, en diffusant une série de photos qui montreraient les derniers instants de la jeune Hadeel. Celle-ci aurait eu peur quand les soldats lui ont demandé de lever son niqab, soutient l’organisation.

Un témoin de la scène cité par Associated Press raconte que la situation, déjà très tendue, a dégénéré quand un soldat a tiré tout juste aux pieds de la Palestinienne. « Au milieu de tous les cris, un des soldats a tiré directement dans sa jambe gauche. Elle est tombée et ne bougeait plus. Après 10 à 15 secondes, il a tiré une autre balle dans sa jambe droite, puis il a tiré quatre ou cinq balles dans son ventre. Dix secondes plus tard, il l’a abattue à bout portant » , a soutenu Abu Eisheh.

UNE MARTYRE ?

Est-ce que ces photos seront suffisantes pour relancer les négociations de paix entre Israël et la Palestine ? Non, estiment deux experts du Moyen-Orient interrogés par La Presse.

« Je pense que, malheureusement, les médias internationaux sont devenus trop habitués à cela. Il y a de telles images régulièrement. Celles-ci ne capteront pas l’attention des gens », explique Bessma Momani, professeure à l’Université de Waterloo, en Ontario.

La mort de Hadeel al-Hashlamun ne sera toutefois pas vaine, espère cependant la fellow senior au Centre for International Governance and Innovation. « Les tragédies impliquant des civils innocents peuvent clairement avoir un impact sur la société palestinienne. »

La jeune victime pourrait certainement devenir une martyre aux yeux des Palestiniens et des partisans de la cause palestinienne, avance Sami Aoun, professeur à l’Université de Sherbrooke et chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand.

« Mais est-ce que c’est un tournant politique ou géopolitique, comme ç’a été le cas pour Aylan Kurdi, l’enfant syrien trouvé sur une plage ? Non. C’est peu probable que ce soit un grand tournant qui pourrait mener à une solution politique. »

— Sami Aoun, directeur de l’Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord

LE VOILE INTÉGRAL

La photo du corps étendu du petit Aylan Kurdi sur une plage a ému l’opinion publique internationale et braqué les projecteurs sur la crise des migrants. Or, il y a peu de chances que les photos de la jeune Palestinienne provoquent une vague de sympathie, notamment en raison de son voile intégral, estime Sami Aoun.

« Au Québec, comme en Europe et dans les sociétés occidentales, le niqab est associé [au groupe État islamique] et au terrorisme. C’est pourquoi la photo n’aura pas de prise sur l’opinion publique occidentale. » Pour cette raison, l’expert du Moyen-Orient croit que le soldat sera probablement blanchi. « Il va pouvoir argumenter qu’il ne savait pas si elle portait des explosifs ou pas sur elle. »

En colère contre l’Autorité palestinienne et sans espoir de paix et de changement, les Palestiniens sont aujourd’hui en proie à un « sentiment de désespoir », selon la professeure Bessma Momani. Est-ce que cela pourrait provoquer une nouvelle intifada ? « La colère palestinienne est réelle, sauf que les conditions pour réussir une intifada ne sont pas réunies comme dans le passé. Mais que la situation explose, c’est possible, très possible, mais sans horizon politique clair », explique Sami Aoun.

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