Pour l’usage des biosolides propres de chez nous

Le traitement des eaux usées municipales sert à retirer les contaminants et à éviter que ces derniers ne soient rejetés dans les cours d’eau causant leur contamination avec les problèmes d’eutrophisation et les autres impacts environnementaux associés.

Une certaine portion des contaminants est littéralement éliminée et dégradée par le processus utilisé, mais une grande portion des éléments nutritifs comme l’azote et le phosphore, la matière organique, les métaux et plusieurs contaminants émergents sont simplement transférés vers les boues d’épuration, appelées biosolides, ou encore « fumier humain ».

Le volume de ces biosolides est immense et leur valeur fertilisante est très précieuse, surtout dans cette période géopolitique tendue où on ne veut pas dépendre d’engrais chimiques importés de pays autocrates et guerriers et où le coût croissant de ces engrais nuit grandement à la profitabilité de nos producteurs agricoles qui subissent déjà de multiples pressions.

Les biosolides offrent potentiellement une solution de rechange verte pour remplacer les engrais chimiques.

Les récents reportages de Radio-Canada à La Semaine verte et à Enquête ont souligné que certains biosolides qui semblent importés des États-Unis étaient contaminés avec des PFAS, aussi appelés contaminants éternels (Forever Chemicals). Ces PFAS sont omniprésents et on en détecte des traces un peu partout. Il faut bien comprendre que les résultats plus inquiétants sur les concentrations de PFAS ne concernent que deux échantillons de biosolides d’origine non confirmée et que plusieurs résultats préliminaires que nous avons dans mon laboratoire pour les biosolides de municipalités québécoises sont très bas, comparables ou plus bas que les niveaux de bruit de fond observés dans des fumiers de ferme ou des composts disponibles commercialement dans les centres jardiniers.

Production locale suffisante

Je pense qu’il est justifié d’interdire l’usage et l’importation des biosolides étrangers, on en produit suffisamment chez nous et il semble de meilleure qualité et avec des niveaux de contaminants comme les PFAS qui semblent beaucoup plus bas et sécuritaires. Il serait très malheureux d’interdire la valorisation agricole des biosolides municipaux québécois, nos agriculteurs ont besoin de ces engrais et l’alternative serait un désastre environnemental. Les biosolides valorisés dans nos sols construisent la matière organique des sols qui agissent ainsi comme puits de carbone et les biosolides remplacent des engrais chimiques qui ont une énorme empreinte environnementale. À l’inverse, les biosolides qui ne seront pas valorisés devront vraisemblablement être incinérés (en utilisant des hydrocarbures pour brûler de la matière organique – avec une empreinte de carbone titanesque).

L’enfouissement des biosolides n’est pas une solution viable avec tous les impacts environnementaux associés, les risques de contaminer la nappe phréatique et les enjeux de disponibilité d’espace dans nos sites d’enfouissement.

Je comprends l’inquiétude du milieu agricole pour qui la santé des sols est essentielle, la solution pour permettre de valoriser les biosolides du Québec est de bien analyser les produits générés dans différentes municipalités pour rassurer autant ceux qui devraient épandre ces biosolides sur leurs sols que les villes qui les produisent et qui ne veulent pas causer de problème environnemental. On peut donc très bien vérifier les concentrations dans les biosolides avant leur valorisation et ainsi éviter les risques de contaminer nos sols en établissant des seuils de PFAS à ne pas dépasser (c’est justement l’objectif d’un projet en cours, réalisé conjointement par le ministère de l’Environnement du Québec et le professeur Sauvé).

Les différents ordres de gouvernement devraient aussi interdire l’utilisation de la famille élargie des PFAS pour éviter que ces produits ne se retrouvent dans nos sols, notre eau, notre air et notre nourriture. Les biosolides les plus contaminés le sont habituellement parce qu’il y a une usine qui produit des PFAS ou qui utilise des PFAS et que les eaux usées de cette usine contaminent tous les biosolides générés dans cette ville. Contrairement aux États-Unis, on a peu de ce genre de procédés au Québec et on peut croire que la majorité de nos biosolides soient sécuritaires, il faut simplement qu’on analyse les diverses sources pour identifier les cas problématiques qu’on pourrait avoir chez nous.

La formule est un peu usée, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain !

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