Filière québécoise des batteries

Québec et Ottawa offrent 300 millions à General Motors


Bécancour — 
On a maintenant une idée de ce qu’il faut mettre sur la table en subventions pour attirer de grands acteurs de la filière des batteries : 210 millions. Alors que d’autres projets sont attendus, ce n’est pas tout le monde qui aura droit au même traitement que General Motors (GM), assurent Québec et Ottawa.

Annoncée en grande pompe, lundi, la création de la « Vallée de la transition énergétique », qui regroupe les villes de Bécancour, Trois-Rivières et Shawinigan, a finalement permis d’en savoir un peu plus sur le complexe envisagé par Ultimum CAM. Il s’agit de la coentreprise formée par le constructeur automobile établi à Detroit et son partenaire, la multinationale sud-coréenne POSCO.

Cette usine, qui doit fabriquer des matériaux de cathodes – le pôle positif d’une batterie lithium-ion que l’on retrouve dans un véhicule électrique – coûtera plus de 600 millions. Déjà sorti de terre, ce complexe aura droit à des prêts totalisant 300 millions des gouvernements Legault (151,87 millions) et Trudeau (147 millions).

« On est en train de bâtir une nouvelle industrie avec des milliers d’emplois payants, a affirmé le premier ministre François Legault, en point de presse. On va créer de la richesse avec des emplois mieux payés qui vont payer plus d’impôts au gouvernement du Québec. Le calcul se fait au cas par cas. »

Le gouvernement Legault s’est tourné vers le prêt-subvention, un outil qu’il préconise, pour convaincre GM et POSCO, qui avaient annoncé leurs couleurs il y a un peu plus d’un an. Si des seuils sont respectés en matière de maintien d’emplois au cours de la décennie suivant la mise en service de l’usine, 134 millions de l’aide consentie par Québec se transformeront en subvention. De son côté, Ottawa est prêt à renoncer à la moitié de son prêt.

Grand déploiement

Dans le parc industriel et portuaire de Bécancour – l’endroit privilégié par Québec pour développer la filière des batteries –, l’artillerie lourde avait été déployée pour confirmer les ambitions du géant de l’automobile ainsi que la création d’une nouvelle zone d’innovation.

En plus du ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, participait à l’évènement, à l’instar de la présidente-directrice générale de GM Canada, Marissa West, des dirigeants de POSCO, ainsi que de l’ambassadeur de la République de Corée, Woongsoon Lim. La conférence de presse se tenait sur le chantier de l’usine, en bordure de l’autoroute 30.

Il s’agira de la première usine de cathodes qui démarrera au pays. La production doit débuter en 2025. Les cathodes représentent environ 40 % du coût d’une cellule de batteries. La production de Bécancour se retrouvera dans des batteries qui alimenteront le Chevrolet Silverado EV, le GMC Hummer EV et le Cadillac Lyriq.

« Nous avons continué à négocier avec les gouvernements et notre partenaire après l’annonce de notre lettre d’intention », a dit Mme West, invitée à dire pourquoi plus de 12 mois s’étaient écoulés avant la confirmation. « Il y avait beaucoup de choses à régler, mais comme vous pouvez le constater, cela n’a pas freiné la construction. »

Depuis décembre dernier, GM et son partenaire sont propriétaires d’un terrain d’une superficie estimée à 3,75 millions de pieds carrés (348 189 m2) dans le parc industriel. Depuis l’autoroute 30, une structure en acier de trois étages est déjà bien visible.

Ce n’est pas fini

Les gouvernements Trudeau et Legault n’ont pas fini d’annoncer des sommes pour de grandes entreprises qui viennent s’implanter en territoire québécois. Une autre multinationale, le géant chimique allemand BASF, a aussi annoncé son intention de venir fabriquer des cathodes en territoire québécois. Ford devrait également s’ajouter à cette liste.

À cela s’ajoutent les démarches en cours pour attirer un cellulier, le chaînon manquant dans l’écosystème que souhaite mettre en place le gouvernement Legault. La fabrication de cellules constitue la dernière étape avant l’assemblage d’une batterie lithium-ion.

La facture de ce type de projet se compte généralement en milliards de dollars. Il faudrait alors délier les cordons de la bourse. Après avoir vu le gouvernement Trudeau offrir jusqu’à 13 milliards en subventions à Volkswagen pour l’usine de batteries qui sera érigée par la multinationale allemande en Ontario, M. Legault a profité de la présence de M. Champagne pour laisser entendre qu’il s’attendait à un retour d’ascenseur.

« J’ai très bien vu ce qui s’est passé en Ontario. On aimerait cela avoir un cellulier et être traités équitablement.  »

— François Legault, premier ministre du Québec

Interrogé à trois reprises afin de savoir si le gouvernement Trudeau réservait un traitement équitable au Québec comparativement à l’Ontario, M. Legault a opté pour la prudence.

« On l’espère et on va travailler fort pour que le Québec soit traité équitablement avec l’Ontario, a répondu le premier ministre. Les discussions sont en cours, il est trop tôt pour répondre. »

Par ailleurs, dans un contexte où les volumes d’énergie disponibles sont appelés à être limités, une usine de fabrication de cellules, ce qui demande énormément d’énergie, ne pourrait pas démarrer du jour au lendemain, a prévenu M. Fitzgibbon. Les promoteurs de tels projets devront être « patients », s’ils sont réellement intéressés, a-t-il souligné.

200

Nombre de personnes qui travailleront pour la coentreprise de GM et POSCO dans l’usine

Source : General Motors

2002

GM avait fermé son usine d’assemblage de Boisbriand à l’été 2002. Avec son usine de matériaux de cathode, le géant américain revient au Québec.

Source : gouvernement du Québec

Une zone d’innovation, qu’est-ce que ça veut dire ?

La Vallée de la transition énergétique sera la troisième zone d’innovation reconnue par le gouvernement après DistriQ à Sherbrooke et Technum Québec à Bromont. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Un rassemblement

La zone d’innovation vise essentiellement à stimuler la recherche et les avancées dans le créneau de l’électrification des transports. L’objectif est de rapprocher les entreprises avec le secteur de l’éducation pour tisser des liens. « Cela veut dire mettre ensemble la recherche et la commercialisation de la recherche, affirme M. Legault. C’est ce qui nous manque au Québec. Du côté des brevets, on a beaucoup de travail à faire. De voir des universités avec de grandes entreprises ici, je pense que c’est gagnant-gagnant. »

Trois thèmes

Par transition énergétique, on parle essentiellement de trois thèmes. Il s’agit de la filière des batteries, de l’électrification des transports ainsi que de la production d’hydrogène vert. Reste à voir si les projets et les initiatives seront lancés de manière équitable ou si un secteur en particulier sera privilégié. En plus de GM, Air Liquide (hydrogène), Vale (nickel), Nouveau Monde Graphite, FLO (bornes de recharge), Nemaska Lithium (hydroxyde de lithium) et BASF (cathodes) sont des entreprises qui font partie de la zone d’innovation.

8 millions

La zone d’innovation obtient une enveloppe de 8 millions pour démarrer. Une somme de 5 millions sera destinée au Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies. Il devra définir des « priorités de recherche » et mettre en place de nouvelles chaires de recherches axées ainsi que des programmes de bourses et de subventions de recherche. Trois millions sont aussi accordés à la Vallée de la transition énergétique. Cet organisme sera aux commandes de la zone d’innovation en matière de gouvernance. Son conseil d’administration comptera 15 membres qui proviendront d’une multitude de secteurs.

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