Immeubles d'habitation

Créer des ponts entre les générations

Les tours d’habitation accueillent naturellement des résidants de tous les âges. Des amitiés se tissent spontanément. Ou pas. Pour susciter des interactions entre les générations, des projets originaux sont mis sur pied.

Échanges entre voisins

Dans certains cas, comme dans le nouvel immeuble locatif Mellem, à Brossard, des liens très forts existent déjà entre des locataires. C’est le cas entre Caroline Julien et Allan Beaupré, qui ont eu leur petite Meghan le 8 septembre et qui comptent dorénavant parmi leurs voisins les parents de la nouvelle maman, Ginette Boisjoly et Christian Julien. Les deux couples s’inscrivent parfaitement bien dans l’atmosphère cherchant à être créée dans le complexe, dont les étages supérieurs sont encore en construction.

« C’est moi qui ai eu l’idée de convaincre mes beaux-parents de venir habiter sur le même étage, indique Allan Beaupré. C’est leur première petite-fille et par un concours de circonstances, ils devaient quitter leur logement. Mais au-delà du plaisir de passer du temps ensemble, j’ai senti une ouverture, au sein du bureau de location, dès que j’ai annoncé que nous attendions un enfant. J’ai été attiré par l’ambiance multigénérationnelle qui voulait être créée. Après avoir signé le bail, on nous a envoyé un formulaire pour savoir ce qu’on aimerait avoir comme activités et comme services. Jamais un propriétaire ne m’a demandé cela. »

Plusieurs des activités prévues ne se mettront en branle que le printemps prochain, mais il est clair dans l’esprit d’Hugo Girard-Beauchamp, président et fondateur de Maître Carré, qui prévoit lancer d’autres édifices locatifs sous l’enseigne Mellem, que les échanges entre voisins de tous les horizons et tous les âges seront encouragés. La première partie de son pari est gagnée, à Brossard, puisque les locataires ont entre quelques semaines et 92 ans (en incluant les deux bébés nés récemment). Mais sa vision est beaucoup plus ambitieuse.

« On n’a rien inventé, admet-il. Par la nature des choses, des voisins deviennent souvent des amis. Notre travail, c’est d’amener les gens à comprendre rapidement leurs affinités. On veut mettre en place des outils qui favoriseront l’engagement des résidants pour créer une communauté. On travaille par exemple avec une application en ce moment qui aide les résidants à savoir ce qui se passe dans l’immeuble et qui leur permet d’échanger entre eux. Récemment, une dame qui avait un chien souhaitait rencontrer d’autres gens avec des chiens, pour faire des dog dates. Les gens embarquent. »

« En demeurant gestionnaires, après la construction de l’immeuble, cela nous permet d’établir une relation avec la clientèle et de travailler davantage à créer une communauté qui se ressemble et s’attire. »

— Hugo Girard-Beauchamp, président et fondateur de Maître Carré

Décloisonner

À la suite de sondages, le Groupe Sélection a constaté que 80 % des gens ont envie de vivre dans des complexes où se côtoient plusieurs générations, révèle Audrey Anne Bouclin, directrice principale, innovation, au sein de l’entreprise. Cette dernière a amorcé un virage il y a cinq ans en s’adressant à un plus large éventail de clientèles dans ses immeubles locatifs de marques Yimby (pour moins de 35 ans), hoop (pour célibataires, couples et familles), Waltz (pour 55 ans et plus) et Sélection Retraite.

Le complexe Espace Montmorency, en construction à Laval, innovera en n’englobant aucun édifice réservé à des personnes retraitées. Les 717 appartements locatifs (auxquels s’ajouteront des locaux de bureaux et commerciaux) seront répartis dans 3 immeubles visant les milléniaux, les familles et les personnes de 55 ans et plus très actives. Chaque immeuble sera doté d’espaces communs destinés à sa propre clientèle. Pour la première fois, d’autres espaces seront également mis à la disposition de tous les locataires.

« On a vraiment une vision intergénérationnelle, qui va se traduire par la création de complexes résidentiels, qui encourageront la mixité, explique Mme Bouclin. À Espace Montmorency, par exemple, il y aura une piscine extérieure chauffée et une terrasse sportive avec des pistes de course et un terrain de jeu, accessible à tout le monde, pour que les plus jeunes et les plus vieux connectent ensemble. Nous avons l’habitude de créer des milieux de vie dans nos complexes pour retraités. Nous pensons favoriser la mise en place d’activités qui plairont aux diverses générations, comme des tournois de pétanque. Comme on l’a vu ailleurs, les gens vont aussi s’impliquer pour nous dire ce qu’ils veulent retrouver comme activités et on va les appuyer. »

Comme en Europe

Le Newman, que Cogir Immobilier construit en collaboration avec Welltower à LaSalle, à proximité du parc Angrignon, se veut également rassembleur. Le complexe englobera des immeubles aux vocations variées (copropriétés, appartements locatifs et appartements pour aînés), qui possèderont chacun leurs espaces récréatifs. Un pavillon comportant entre autres une salle de jeu, un espace de travail partagé, une salle d’entraînement et des allées de quilles sera également à la disposition de tous.

« On a senti une ouverture dans le complexe Humaniti, au centre-ville de Montréal, indique Tina Dostie, vice-présidente, ventes, marketing et service client, chez Cogir Immobilier. Les propriétaires de condo et les locataires se retrouvent dans le café, et ils fonctionnent bien ensemble. On veut aller plus loin au Newman. On s’inspire de ce qu’on a vu en Europe, où les générations cohabitent et se mélangent beaucoup. »

À l'image de la communauté

Dans le milieu social et communautaire, les efforts sont nombreux pour favoriser la cohabitation de divers types de clientèles, souvent à l’intérieur d’un même immeuble. En 2010, dans Ahuntsic, à la faveur de la transformation d’un ancien couvent ayant appartenu aux Sœurs grises, l’aménagement d’une cour intérieure propice aux rencontres intergénérationnelles a attiré l’attention à l’échelle internationale. L’espace vert sert en effet de trait d’union entre Habitat 1460, réservé à des personnes âgées en perte d’autonomie, et la Coopérative Rousselot, créée pour des familles et des petits ménages. La réalisation du complexe avait été confiée à Bâtir son quartier.

« Les projets naissent des communautés, où ils s’implantent, fait remarquer Charles Guindon, agent de développement au sein de l’organisme. L’enjeu, c’est de toujours maintenir les liens avec la communauté et de rompre l’isolement, tout en répondant à différents types de besoins. »

Le projet Convergence Griffintown, qui est porté par l’organisme Espace La Traversée et qui sera réalisé par Bâtir son quartier, se veut particulièrement ambitieux. Encore sur la table à dessin, l’immeuble de 17 étages devrait compter 275 logements destinés à des jeunes familles, des personnes âgées et des personnes à mobilité réduite.

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