Chine

Le riz et le blé à l’origine des traits de caractère

La culture du riz implique traditionnellement plus de collaboration entre les fermiers que la culture du blé à cause de l’ampleur de l’irrigation nécessaire pour le riz. Des chercheurs chinois et américains viennent de prouver que les traits de caractère liés au riz et au blé, la collaboration et l’individualisme, se transmettent sur plusieurs générations dans les villes modernes.

Seul dans un café

Les chercheurs ont examiné 9000 clients de 256 cafés dans six grandes villes chinoises, dont Pékin, Shanghai et Hong Kong. Dans les deux villes correspondant à la zone traditionnelle de culture du blé en Chine, dans le nord du pays, les clients avaient de 10 % à 30 % plus tendance à être attablés seuls plutôt qu’en groupe. « Nous avons choisi les cafés parce que c’est un lieu fréquenté par la classe moyenne supérieure en Chine », expliquait à la fin avril, en conférence de presse, Thomas Talhelm, de l’Université de Chicago, auteur principal de l’étude publiée dans la revue Science Advances.

« A priori, fréquenter un café n’a rien à voir avec l’agriculture. Ça veut dire que si des traits de caractère plus individualistes ou communautaires s’y retrouvent, c’est une bonne preuve de la transmission intergénérationnelle des particularités culturelles agraires. » Les chercheurs ont vérifié si les participants involontaires à l’étude étaient nés dans la même région, ce qui s’est avéré dans 90 % des cas.

L’épreuve de la chaise

L’autre expérience a été de placer une chaise de manière à entraver le passage dans une douzaine de cafés des six villes étudiées. « Les cultures de type communautaire encouragent l’adaptation aux contraintes, dit M. Talhelm. Nous avons observé que la proportion de gens qui déplacent la chaise pour avoir plus de place pour passer est deux fois plus grande dans les régions individualistes où se cultive le blé, par rapport aux gens des quatre villes de la culture du riz. Il était possible de passer sans déplacer la chaise, mais il fallait se mettre de côté, sur la pointe des pieds. » L’expérience, qui a été faite seulement dans des cafés Starbucks par souci d’uniformité, a donné lieu à des moments cocasses. « Dans un des cafés, à Pékin, il y avait un employé zélé qui passait le balai toutes les 20 minutes. Chaque fois, il poussait la chaise que j’avais mise en travers du passage. À un certain moment, il a commencé à soupçonner que j’étais celui qui mettait sans cesse la chaise sur son chemin. »

Stress

Quelle est l’utilité d’une telle étude ? « Les traits de caractère plus communautaires ou individualistes ont des impacts en psychologie clinique, dit M. Talhelm. On sait que dans les cultures plus communautaires, une bonne manière de diminuer son stress est de s’adapter aux contraintes, alors que dans les cultures individualistes, il faut les contrôler. Cela signifie que la culture dominante d’une société a des impacts sur le type de psychothérapie le plus efficace. »

Employés et autres pays

Les chercheurs ont fait plusieurs contre-vérifications pour étayer leur thèse. « Les employés des cafés avaient beaucoup plus tendance à déplacer les chaises que les clients, 24 % contre 4 %, dit l’économiste de Chicago. Mais ici aussi, il y avait un écart entre les employés des villes de la culture du blé ou du riz. C’est pareil pour les différences entre les hommes et les femmes, qui ont moins tendance à déplacer une chaise qui obstrue leur chemin. » Les chercheurs ont fait la même expérience aux États-Unis et au Japon. Les Américains déplacent une chaise encombrante dans une proportion à peine supérieure à celles des villes de la culture du blé en Chine, alors qu’au Japon, les résultats sont semblables à ceux des villes de la culture du riz en Chine. Les résultats n’étaient pas différents pour Hong Kong, où la culture du riz n’est plus répandue depuis belle lurette. « Les legs agraires persistent dans le monde moderne », dit M. Talhelm.

L’Inde

M. Talhelm et ses collègues de l’Université normale de Pékin et de l’Université de Virginie veulent maintenant faire les mêmes expériences en Inde. « La division entre la culture du blé et du riz en Inde est entre l’Est et l’Ouest, plutôt qu’entre le Nord et le Sud en Chine, dit M. Talhelm. On va pouvoir vérifier que la température ne joue pas un rôle dans ces traits de caractère. »

En chiffres

17 % des Pékinois déplacent une chaise qui entrave partiellement leur chemin dans un café.

6 % des Hongkongais déplacent une chaise qui entrave partiellement leur chemin dans un café.

8 % des Japonais déplacent une chaise qui entrave partiellement leur chemin dans un café.

20 % des Américains déplacent une chaise qui entrave partiellement leur chemin dans un café.

SOURCE : Science Advances

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