La pression s'accentue sur les soins intensifs

Le nombre de cas de COVID-19 dans la province suit jusqu'ici les projections de Québec, mais les patients aux soins intensifs sont beaucoup plus nombreux que prévu. 

COVID-19

Plus de cas que prévu aux soins intensifs

Il y a autant de cas de COVID-19 au Québec que l’avait prévu le ministère de la Santé et des Services sociaux dans ses projections du 16 mars dont La Presse a fait état samedi dernier. Mais il y a quatre fois plus de malades dans les lits de soins intensifs que prévu. Doit-on s’en inquiéter ?

Cas de COVID-19 : projections justes

Selon les projections faites par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), le Québec devait compter 1618 cas de COVID-19 le 25 mars. Il y en a 1629 dans les faits. Le Québec est la province qui compte le plus de personnes infectées au pays, et de loin. Les projections datées du 16 mars concluaient qu’il y aurait un peu plus de 18 000 cas ici d’ici le 21 avril. 

Mais comme La Presse l’écrivait, elles ne tiennent pas compte des mesures de confinement annoncées par le gouvernement. Ce sera toutefois long avant de savoir si les mesures aplatissent la courbe. Les cas de COVID-19 que l’on enregistre jusqu’ici sont des gens qui ont contracté le virus il y a 10 à 14 jours à un moment où le gouvernement avait mis peu de mesures en place, a signalé Benoît Mâsse, professeur titulaire à l’École de santé publique du département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal. 

« Dans les deux prochaines semaines, on va voir si les mesures qu’on a prises ralentissent cette croissance exponentielle [de nouveaux cas]. Il y a un délai » avant de voir des résultats. Rappelons que les projections du MSSS sont le résultat d’une « modélisation de la courbe d’évolution de la population totale infectée par la COVID-19 et du nombre projeté d’hospitalisations ». Ainsi, « des vitesses de propagation du virus ont été déterminées pour chaque jour depuis le temps 0 de la propagation du virus, basées sur les données fournies par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) pour la Chine, la France, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne ».

Moins d’hospitalisations, mais…

Dans ses projections, le MSSS s’attendait à ce que 15 % des personnes infectées soient hospitalisées. Il prévoyait donc 225 hospitalisations pour le 25 mars. Dans les faits, il y a 106 Québécois atteints de la COVID-19 sur un lit d’hôpital – en hausse de 28 en une journée. C’est 6,5 % de l’ensemble des personnes infectées. Il y a toutefois une moins bonne nouvelle. Le Québec a un taux d’hospitalisation par 100 000 habitants parmi les plus élevés au pays. Ce taux s’élève à 1,24, ce qui se compare à celui de la Colombie-Britannique (1,25 en date de mercredi). Il est de 0,56 en Ontario, où 80 personnes infectées sont hospitalisées, et de 0,55 en Alberta, où 24 personnes se trouvent aussi sur un lit d’hôpital.

Plus de personnes infectées aux soins intensifs

Québec s’attendait dans ses projections à ce que 5 % des personnes hospitalisées en raison de la COVID-19 se retrouvent aux soins intensifs. Il prévoyait donc 11 personnes dans cette situation pour le 25 mars. C’est quatre fois plus dans les faits jusqu’à maintenant : 43 Québécois sont aux soins intensifs. Cela représente 40 % de toutes les personnes hospitalisées. Est-ce inquiétant ? « Il faut faire très attention aux calculs de proportion quand on est au début », a répondu le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda. « Les débuts d’estimation sont excessivement difficiles parce qu’on n’a pas atteint la stabilité. » « Si on s’est trompés, puis qu’on en a plus que ce qu’on prévoyait, ce n’est pas ça qui importe », mais plutôt « qu’on soit capables de les traiter », a-t-il ajouté, assurant qu’aucun effort n’était ménagé pour être en mesure d’y arriver.

Aux soins intensifs par précaution

Selon le président de la Société des intensivistes du Québec, le Dr Germain Poirier, les hôpitaux « prennent plus de précautions que moins » avec les malades atteints de la COVID-19. Certains patients se retrouvent donc aux soins intensifs « plus pour surveillance, au cas où » leur situation se détériorerait dans les 24 ou 48 heures. 

« On a fixé des critères pour admettre quelqu’un aux soins intensifs qui sont plus bas qu’à l’habitude. On a fait ça justement pour faire face à ce virus qu’on connaît encore plus ou moins bien », a-t-il expliqué. C’est le cas à l’hôpital Charles-Le Moyne, où il est le chef de service aux soins intensifs. « On a des cas modérés où on se demande de quel côté ça va aller. Alors, comme on a de la place actuellement », ces patients sont admis aux soins intensifs. Cette pratique explique donc en partie le pourcentage élevé de personnes hospitalisées aux soins intensifs.

Capacité aux soins intensifs

Le Québec compte 1100 lits de soins intensifs qui sont occupés à environ 60 % à l’heure actuelle. Cela s’explique par le délestage dans les services de chirurgie et par la réduction du nombre d’accidents graves liée au confinement. Des mesures sont prises pour augmenter cette capacité. « Des chambres sont transformées pour être à pression négative » comme celles aux soins intensifs, a dit le Dr Poirier à titre d’exemple. 

« On a trouvé des respirateurs dans des cégeps, des centres de recherche. Il y a des respirateurs qu’on avait mis au rancart, parce que la date de péremption arrivait, qu’on est en train de sortir et de nettoyer, et ils sont encore bons. » C’est ce qui lui fait dire qu’à l’heure actuelle, le réseau « serait capable de prendre facilement de 1000 à 2000 » patients atteints de la COVID-19 aux soins intensifs.

« L’autre côté de la courbe »

Avec les nombreuses mesures prises jusqu’à maintenant, le nombre de nouveaux cas de Québécois infectés à la COVID-19 finira par diminuer au fil des jours. Mais c’est justement de l’autre côté de la courbe pandémique que se trouve « le plus gros challenge », prévient Benoît Mâsse. 

« Il y aura énormément de pression sur les gouvernements pour qu’ils assouplissent les mesures. On aura de bonnes nouvelles, moins de nouveaux cas, les lits d’hôpitaux se videront et certains feront des pressions pour qu’on relance l’économie. […] Mais si on lève le pied trop rapidement, le virus risque [de se propager] à nouveau et on devra reprendre des mesures du début. » 

Pour mettre fin à la pandémie, a-t-il ajouté, il faut maintenir les mesures de distanciation sociale en place et attendre « deux fois la période d’incubation du virus » une fois le dernier cas détecté. Pour la COVID-19 (de 10 à 14 jours d’incubation), il s’agit d’une période de 28 jours… Un décompte qui ne commence qu’après le dernier nouveau cas, ce qui pourrait arriver dans plusieurs semaines.

Assez de masques ?

Une fois de plus, le premier ministre François Legault a dû rassurer le personnel du réseau de la santé sur la disponibilité des masques de protection. « Je comprends qu’il y a du personnel qui peut être inquiet, puis qui en fait plus que moins, sauf que, comme dans tous les pays du monde, il y a un inventaire limité et on doit s’assurer de ne pas les surutiliser parce que si on les surutilise, à un moment donné, il y a effectivement un plus grand risque d’en manquer », a-t-il dit. Le Dr Horacio Arruda a assuré que les directives appliquées dans le réseau au sujet de l’usage des masques proviennent des recommandations des experts du Comité sur les infections nosocomiales de l’Institut national de santé publique du Québec.

COVID-19

Bénévoles recherchés

Alors que tout le réseau d’organismes d’aide du Québec est fragilisé par la crise, François Legault demande aux Québécois d’aller leur prêter main-forte, entre autres dans les banques alimentaires qui sont surchargées de demandes. « Les gens qui n’ont pas de symptômes, qui ont moins de 70 ans, qui sont disponibles […], qui ont perdu leur emploi. S’il vous plaît, allez faire du bénévolat. C’est important », a lancé le premier ministre. Québec déploie en ce sens un tout nouveau portail où les personnes désireuses de proposer leurs services pourront postuler dans une ressource régionale. M. Legault n’y voit pas un message contradictoire alors qu’il demande à la population de rester à la maison en raison de l’ampleur et de l’urgence des besoins. 

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1 % de décès au Canada

Au Canada, environ 1 % des personnes atteintes de la COVID-19 en meurent et 6 % d’entre elles ont besoin d’être hospitalisées, selon les données révélées jeudi soir par l’administratrice en chef de la santé publique du Canada. Ces statistiques sont encourageantes, selon la Dre Theresa Tam, mais ne doivent pas inciter le public à baisser la garde. « Nous pouvons réduire le nombre de morts en prévenant la COVID-19 dans les populations vulnérables comme les résidants des foyers de soins de longue durée », a-t-elle écrit. Ce taux de mortalité se compare avantageusement à celui d’autres pays : en début de semaine, le taux de mortalité s’élevait à 8,5 % en Italie, 4 % en Chine et 3,5 % en France. Ces données dépendent toutefois largement du nombre d’individus testés sur le territoire de chacun de ces pays.

Des employés de la Santé publique de l'Estrie infectés par transmission communautaire

Une dizaine d’employés de la Direction de santé publique de l’Estrie ont contracté la COVID-19 par transmission communautaire, cette semaine. Ces personnes avaient pour mandat de retrouver celles ayant été en contact avec des patients atteints de la COVID-19 et effectuaient leurs recherches par téléphone, sans rencontrer les usagers en personne.

La dizaine d’employés travaillait dans les bureaux de l’organisation et non sur le terrain. La contamination s’est faite entre collègues.

« Les employés qui ont eu un résultat positif ont des symptômes légers. Aucun d’entre eux n’est hospitalisé. Toutes les personnes qui avaient des symptômes, même minimes, ont été testées dans les 48 dernières heures », a précisé Annie-Andrée Émond, responsable des communications du CIUSSS de l’Estrie–CHUS.

Selon la Direction de santé publique du CIUSSS de l’Estrie–CHUS, les personnes infectées au sein de son équipe n’ont « en aucun cas » été en contact avec les usagers. Il s’agit de membres du personnel chargé des enquêtes et de la recherche de contacts des personnes infectées par le nouveau coronavirus.

Ces cas font partie des 187 cas de COVID-19 confirmés pour la région de l’Estrie en date du 26 mars. Le directeur de santé publique de la région, le Dr Alain Poirier, est considéré comme un contact asymptomatique à la COVID-19 et a pris les mesures qui s’imposent.

« Le Dr Poirier n’a pas de symptômes. Il est en pleine forme, mais comme il a été dans des réunions assis à proximité de personnes infectées, il est considéré comme un contact étroit. Notamment, il n’accordera plus d’entrevues en personne. »

— Andrée Émond, responsable des communications du CIUSSS de l’Estrie–CHUS

« Mes pensées vont aux collègues infectés par le virus et [à] leur famille de même qu’à tous les autres collègues bien portants [qui assurent] nos services », a déclaré le Dr Poirier par voie de communiqué.

L’endroit où la contamination a eu lieu a été confiné. La situation n’entraîne aucune interruption de service et les enquêtes épidémiologiques se poursuivent. L’Estrie est la région comptant le plus de cas confirmés (187) après Montréal (782).

Résidences pour aînés

Québec exige la fin des « frais cabaret »

Québec — Dénoncés par le Réseau FADOQ et d’autres groupes de défense des aînés, les « frais cabaret » dans les résidences privées doivent être suspendus le temps de la pandémie, a annoncé jeudi le gouvernement du Québec.

Plusieurs résidences privées du Québec facturaient jusqu’à 7 $ pour apporter un repas à l’appartement de leurs clients, a révélé La Presse lundi. Or, ces clients de plus de 70 ans devaient rester confinés dans leur chambre selon des directives du gouvernement.

Des aînés moins fortunés devaient donc se résigner à manger leurs repas dans la cafétéria, faute de pouvoir s’offrir le service à leur porte. Mais jeudi, la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, a annoncé qu’une directive claire avait été envoyée afin que les résidences privées cessent ces pratiques.

« Lorsque nous avons été mis au fait que certaines résidences chargent des frais cabaret, la ministre Marguerite Blais a immédiatement demandé de mettre fin à cette pratique pour la période de la COVID-19 », explique dans un courriel son attachée de presse, Marjaurie Côté-Boileau.

La directive aux résidences privées pour aînés les invite à « favoriser la livraison et la prise des repas dans les unités locatives, pour tous les résidants si l’organisation de la RPA le permet. Les frais de livraison de cabaret ne sont plus permis durant la crise de la COVID-19 ».

Le Réseau FADOQ, regroupement d’aînés qui compte quelque 535 000 membres au Canada, avait dénoncé cette pratique dans une entrevue, lundi. « C’est insensé que des résidences pour aînés chargent des frais à l’heure actuelle. On demande aux résidences privées pour aînés de faire preuve de flexibilité et de ne pas stresser les aînés », a expliqué lundi Gisèle Tassé-Goodman, présidente du Réseau FADOQ.

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