Vieillir en santé, c’est aussi l’affaire des municipalités

Le 29 septembre dernier, la Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal appelait à un engagement de la métropole envers la santé des aînés. Dans son discours inaugural, le premier ministre Legault invite à des changements en profondeur au Québec, sachant que le nombre de personnes de 75 ans et plus va doubler d’ici 20 ans. Le contexte électoral municipal est l’occasion de rappeler le rôle essentiel des municipalités en matière d’aménagement pour assurer un vieillissement actif et en santé de leur population et d’en appeler au leadership de celles et ceux que nous nous apprêtons à élire.

L’aménagement convivial de nos villes et villages est un des volets essentiels au maintien des personnes âgées dans leur communauté. Avec l’avancée en âge, se déplacer à pied ou en transports collectifs est souvent la seule option pour accomplir ses tâches quotidiennes et s’épargner l’isolement. Cependant, au Québec, l’aménagement urbain conçu en fonction de l’automobile n’est pas favorable aux déplacements actifs, particulièrement pour les aînés qui sont plus vulnérables.

Ainsi, près de la moitié des piétons morts des suites d’une collision routière sont des personnes âgées de 65 ans et plus. Les obstacles au confort et à la sécurité de leurs déplacements à pied sont nombreux : distances vers les services du quotidien trop longues pour leur capacité de marche, trottoirs discontinus ou absents, temps de traverse des feux piétons trop court aux intersections, manque de visibilité, absence de bancs pour se reposer en chemin, faible canopée qui transforme l’espace urbain en véritable îlot de chaleur en été, déneigement approximatif des trottoirs l’hiver, etc.

Offrir des aménagements permettant aux aînés d’aller faire leurs courses à pied ou de faire une marche jusqu’au parc pour se détendre ou y accompagner leurs petits-enfants en toute sécurité induit des conditions favorables à un vieillissement actif et en santé.

Des milieux de vie adaptés permettent le maintien d’une bonne santé physique, ce qui réduit les risques de souffrir de maladies chroniques, et améliore la santé mentale en favorisant l’autonomie, la participation à la vie publique et l’inclusion.

Permettre la mobilité active des aînés est aussi l’occasion de lutter contre les changements climatiques en offrant un cadre bâti résilient. En plus d’être des usagers vulnérables de la route, les aînés sont davantage touchés par les aléas dus aux dérèglements climatiques tels que les épisodes plus fréquents de canicule et de gel et dégel. Les interventions favorisant les déplacements actifs et l’utilisation de l’espace public contribuent à des milieux et des modes de vie plus durables. Diverses démarches répertorient les nombreuses pistes de solution d’aménagement à la portée des administrations municipales.

Il faut toutefois une vision globale et porteuse ainsi qu’une forte volonté politique pour anticiper les résistances et faire valoir que le partage de l’espace public, actuellement majoritairement consacré à la voiture, est nécessaire.

Aspirons à des maisons des aînés situées près de tout et entourées d’un environnement apaisé, plutôt que d’artères infranchissables engendrant une fracture sociale. Une large partie du public de même que les professionnels de l’aménagement ne sont d’ailleurs plus à convaincre, puisque créer des milieux de vie sécuritaires et plus verts pour les aînés profite également à toute la population. L’engagement des administrations locales est incontournable afin d’assurer une cohérence des interventions et d’intégrer collectivement un réflexe aîné qui permettra de réaliser un Québec pour tous les âges, tel que l’énonce le titre du plan d’action 2018-2023 du gouvernement du Québec.

Nous commençons tout juste à sentir les impacts du vieillissement de la population et ceux-ci se feront sentir encore longtemps. D’ici 2066, près de 30 % de la population sera composée de personnes de 65 ans et plus, c’est donc dire que toute personne en âge de voter aujourd’hui subira les bouleversements de ce phénomène au moment d’atteindre le statut d’aîné. Aménager des milieux de vie répondant aux besoins des aînés d’aujourd’hui, c’est également prendre soin des aînés de demain. En abordant cet enjeu à la mesure de leurs compétences, les futurs élus et élues de nos municipalités peuvent contribuer à l’effort collectif global. Le Québec pourra ainsi prétendre à vieillir en santé.

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