« On n’arrivera pas à sauver tout le monde »
Le Québec a connu mardi sa plus forte progression de morts depuis le début de la pandémie : 75 nouveaux morts ont été répertoriés en une journée. Alors que la situation demeure difficile dans les CHSLD, le gouvernement suit de près 41 résidences où il y a davantage de cas de COVID-19. « On ne pourra pas sauver tout le monde », a toutefois prévenu François Legault, alors qu’il appelle des enseignants, des médecins et des organismes en renfort dans le réseau.
Les 75 nouvelles victimes de la COVID-19 portent le total à 435 morts au Québec. Il s’agit – et de loin – des 24 heures les plus mortelles dans la province. Une triste statistique qui n’est pas étrangère à la situation critique vécue dans plusieurs CHSLD et résidences pour aînés, particulièrement vulnérables au nouveau coronavirus. À ce jour, 9 personnes mortes sur 10 au Québec étaient âgées de 70 ans et plus. La province compte désormais 14 248 cas déclarés de la COVID-19, soit une hausse de 691 ; 936 personnes sont hospitalisées (+ 57), dont 230 (+ 4) aux soins intensifs.
François Legault a de nouveau reconnu mardi que la situation dans les CHSLD est « difficile ». « Peut-être qu’on ne s’attendait pas à autant de personnes infectées. C’est un virus qui frappe très fort. Dans certains cas, du personnel qui n’avait même pas de symptômes a probablement infecté des résidants », a-t-il affirmé, expliquant pourquoi les résidences pour personnes âgées étaient si durement frappées. « Il faut comprendre qu’on n’arrivera pas, malheureusement, à sauver tout le monde. Le gros problème est vraiment dans les CHSLD », a-t-il ajouté. Québec a visité ces derniers jours l’ensemble des 2600 résidences pour personnes âgées de la province. De ce nombre, 41 sont dans un état « plus critique », où la situation sera suivie de près. Une liste des résidences à risque sera publiée chaque jour. « On savait d’emblée que ce serait impossible, ici comme ailleurs dans le monde, d’éviter tous les cas. Et, malheureusement, cette population-là qui est très fragile est touchée par le virus », a noté le directeur national de santé publique, Horacio Arruda.
François Legault a convenu mardi que « la situation s’est beaucoup détériorée dans les dernières semaines » sur le plan des effectifs dans les CHSLD. À l’heure actuelle, 1250 employés du réseau sont absents, a-t-il dit, « soit [parce qu’ils] sont infectés, soit [parce qu’ils craignent] d’être infectés ». « On a besoin de gens qui ont toutes sortes de formations médicales, que ce soient des médecins de famille, que ce soient des médecins spécialistes, que ce soient des infirmières. Il faut venir combler cette pénurie, ce manque, entre autres, de préposés aux bénéficiaires dans les CHSLD. Et on a besoin de tout le monde », a dit le premier ministre. Québec répertorie aussi les entreprises d’économie sociale qui donnent des soins aux patients pour qu’elles viennent travailler d’urgence dans les CHSLD.
Québec demande « à tous les enseignants » qui « connaissent les soins de santé » de se porter volontaires pour donner un coup de main dans les CHSLD. Le ministère de la Santé et des Services sociaux s’est donné le pouvoir, vendredi dans un arrêté ministériel, de réquisitionner « toute personne » employée des commissions scolaires et des collèges. « Je fais surtout appel à leur sens du devoir. On a besoin d’eux autres », a précisé le premier ministre, citant les professeurs en sciences infirmières ou en soins médicaux dans les centres de formation professionnelle et dans les cégeps. À la suite de la publication de l’arrêté ministériel, Québec doit fournir un guide d’application aux directions des établissements. Selon nos informations, le personnel n’a pas encore été réquisitionné de façon officielle par les CIUSSS, qui évaluent leurs besoins. Pour les étudiantes en sciences infirmières, la priorité est toujours donnée à la diplomation.
Dans un contexte de manque criant de personnel, Québec a aussi convenu de permettre aux proches aidants de revenir prodiguer des soins à compter de jeudi. « On veut que ça soit des personnes qui ont quand même une expérience, qui l’ont déjà fait, des personnes aussi qui sont connues des établissements », a prévenu François Legault. Chaque proche aidant devra obtenir un test négatif de la COVID-19, utiliser les équipements médicaux de protection appropriés et ne pas se tenir près des autres patients, a expliqué le premier ministre mardi. Les proches aidants sont « des gens qui allaient régulièrement, avant la pandémie, offrir soit de l’alimentation, de l’hydratation ou de l’hygiène, a ajouté le Dr Arruda. Il y a à peu près 10 % des gens en CHSLD qui ont ce genre d’aidants naturels ». Les Québécois qui ont un membre de leur famille dans un CHSLD, mais qui n’étaient pas proches aidants avant le début de la pandémie, ne pourront pas les visiter, alors que les interdictions de visites sont maintenues dans toutes les résidences.
Québec continue ses discussions avec les fédérations des médecins spécialistes et omnipraticiens pour que leurs membres prêtent main-forte dans les CHSLD, les résidences pour personnes âgées et les ressources intermédiaires. Les médecins pourraient venir « combler cette pénurie, entre autres, de préposés aux bénéficiaires », a indiqué le premier ministre mardi. La ministre de la Santé, Danielle McCann, a par ailleurs ajouté que les discussions portaient aussi sur le rôle que pourraient occuper les médecins spécialistes, qui sont moins sollicités qu’à l’habitude avec le délestage de plusieurs activités dans les hôpitaux. « Ils offraient par exemple d’appeler les familles. […] Actuellement, on est en train de s’organiser. Moi, je pense qu’il y a un rôle pour les médecins spécialistes, en complémentarité ou en collégialité avec les médecins de famille », a-t-elle précisé. À la Fédération des médecins spécialiste, on se dit prêt à travailler avec les médecins omnipraticiens « mais il faut définir l’apport de chacun ». Du côté de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, on assure que les membres ont été déployés de façon à assurer la couverture complète des services médicaux en CHSLD. Déjà, 450 médecins de famille ont été redéployés dans les CHSLD et les résidences.