« Il est important aujourd’hui de rappeler que notre Assemblée nationale est située en territoire huron-wendat », a déclaré en septembre Philippe Couillard.
L’Assemblée nationale et la ville de Québec sont en territoire huron-wendat, la Chambre des communes et Ottawa ont été construits sur le territoire des Algonquins. La ville de Montréal, elle, est disputée par les Mohawks et les Hurons-Wendats.
Mais avant que Justin Trudeau, Philippe Couillard, plusieurs ministres et Denis Coderre commencent certains de leurs discours en précisant qu’ils se trouvent en territoire autochtone non cédé, rares étaient les Québécois à le savoir.
Mais que signifient ces reconnaissances ? « Juridiquement, elles ne nous lient pas », répond Mylène Gaudreau, attachée de presse de Geoffrey Kelley, ministre québécois des Affaires autochtones.
« On le fait par respect. Ce que cela veut dire, c’est que l’on reconnaît que les autochtones étaient là avant nous. »
— Mylène Gaudreau
À Ottawa, Sabrina Williams, attachée de presse de Carolyn Bennett, ministre fédérale des Relations Couronne-Autochtones, relève que de telles reconnaissances se font surtout en présence d’autochtones ou lors d’annonces les touchant. « On essaie d’être précis, d’évoquer une communauté en particulier, mais comme un territoire est parfois disputé entre diverses communautés, ce n’est pas toujours possible. »
De fait, comme l’illustrent bien les textes d’historiens publiés pendant quatre jours dans les pages éditoriales de La Presse+, à la fin du mois de septembre, les consensus sur ces questions sont difficiles et les documents historiques, pas toujours clairs ou faciles à trouver.
Avant les discours, « quand des aînés [autochtones] sont présents, quand il y en a qui sont présents, on les consulte », dit Mme Williams.
L’Université Concordia a quant à elle mis en place une politique en bonne et due forme sur la question et élaboré une formule d’usage à prononcer le plus souvent possible par le personnel. « Nous reconnaissons que l’université est située en territoire autochtone, lequel n’a jamais été cédé. Nous reconnaissons la nation Kanien’kehá : ka comme gardienne des terres et des eaux sur lesquelles nous nous réunissons aujourd’hui. Tiohtiá:ke/Montréal est historiquement connu comme un lieu de rassemblement pour de nombreuses Premières Nations […]. »
Qui a ouvert le bal ? Les personnes interviewées n’ont pas pu le dire, mais certaines ont émis l’hypothèse que cela remonte peut-être à Paul Martin.
« Une nouvelle attitude »
Chose certaine, « ces reconnaissances témoignent d’une nouvelle attitude à l’égard des autochtones », dit Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.
C’est qu’il n’y a pas que ces reconnaissances en début de discours. Il y a ce pin, ajouté au drapeau de Montréal pour symboliser les peuples autochtones. Il y a ce discours historique, prononcé en mohawk, en juin, à la Chambre des communes par le député libéral Marc Miller. Il y a Julie Payette qui, le jour de son installation comme gouverneure générale, a prononcé quelques mots en algonquin. Il y a ces prières autochtones, souvent récitées en ouverture d’événements politiques.
Il y a aussi ces cours de langues autochtones qui sont de plus en plus nombreux et suivis, non seulement par des autochtones, mais beaucoup par des non-autochtones.
« L’an dernier, on a créé le cours Introduction aux mondes autochtones. Quarante étudiants se sont inscrits. Cette année, il y en a plus de 100 », relève Laurent Jérôme, professeur de l’UQAM notamment spécialisé dans les questions de patrimoine autochtone.
Il ne s’agit pas seulement d’un intérêt, « mais d’un réel engouement pour les questions autochtones », croit Laurent Jérôme.
Digérée, la crise d’Oka et toute la haine qu’elle a charriée de part et d’autre ? En tout cas, pour l’instant, on semble être passé à une autre étape, peut-être propulsée par le mouvement Idle No More et « marquée par une internationalisation des luttes autochtones », dit M. Jérôme.