Acériculture

De gestionnaire à sucrière

Natacha Lagarde est tombée dans le sirop d’érable à 33 ans. Une immersion fortuite pour cette ancienne directrice de production de Lévis ayant grandi dans un paysage exempt d’érablières, à Sept-Îles, sur la Côte-Nord.

C’est un élan de curiosité qui, à l’automne 2009, la mène à visiter, avec son conjoint ingénieur rural, une cabane à sucre à vendre à Lac-Etchemin, en Beauce, afin d’en comprendre le fonctionnement. « Au terme de la visite, avec mon sac à dos plein d’insouciance, j’ai lancé à mon chum : “Et si on achetait ?” », raconte-t-elle en rigolant.

Les nouveaux acériculteurs, alors parents de deux enfants pas plus hauts que trois pommes, obtiennent finalement les clés de l’érablière de 4500 entailles située à flanc de montagne… à la veille de la saison des sucres de 2010. Or, ni l’un ni l’autre n’avait à ce jour produit une goutte de sirop d’érable, pas plus qu’ils n’avaient de parenté dans le milieu acéricole vers qui se tourner, comme le veut la coutume. « Je ne pouvais pas appeler ma grand-mère pour lui demander pourquoi mon beurre d’érable restait en coulis », se remémore Natacha Lagarde.

Sept printemps plus tard, l’entrepreneure de 39 ans a pris du galon comme acéricultrice pour Les Sucreries DL. Si son conjoint entretient la forêt en marge de Mecatronic DL, l’entreprise en automatisation industrielle et agricole que possède le couple, Natacha veille à la gestion, à la planification, à la transformation du sirop, au marketing et au développement des affaires. Des tâches qui l’occupent toute l’année durant.

« C’est amusant de produire du sirop d’érable, mais c’est zéro excitant d’envoyer des barils à la Fédération [des producteurs acéricoles du Québec] », fait remarquer l’acéricultrice, qui s’est donné comme mission de promouvoir et de rendre accessible d’un océan à l’autre ce « bonheur en pot » qu’elle a découvert sur le tard.

répandre la bonne nouvelle

« Ce produit exceptionnel, trop souvent tenu pour acquis [dans les régions où le sirop d’érable coule à flots], devrait se retrouver sur toutes les tables », insiste Natacha Lagarde, qui vise notamment le marché de l’Ouest canadien. De cette conviction a découlé la vente exclusivement en ligne du sirop d’érable produit par Les Sucreries DL.

Dans la boutique virtuelle, on peut faire le plein de beurre, de sucre, de caramel et d’autres douceurs de l’érable, mais aussi de vêtements carreautés, d’ustensiles de cuisine et de produits de beauté à base d’élixir doré.

La femme d’affaires mise également sur les médias sociaux pour répandre sa bonne nouvelle. Entre deux gazouillis sucrés sur Twitter, elle alimente le blogue de l’érablière, publie des recettes sur Facebook, illustre une journée d’entaillage sur Instagram. Il semblerait qu’une tendance se dessine : « Les consommateurs veulent connaître les agriculteurs », observe l’acéricultrice, également cofondatrice du blogue Agrimom, une tribune collaborative signée par des agriculteurs pour faire valoir la production agricole.

L’instinct entrepreneur de Natacha Lagarde, nourri par son appétit pour le sirop d’érable, la pousse aussi à courir les activités de réseautage. Parmi les gestionnaires de PME, sa présence ne passe pas inaperçue : l’acéricultrice et conférencière en entrepreneuriat se retrouve bien souvent seule représentante du monde agricole.

Si sa recette peu traditionnelle pour mettre en valeur l’or blond du Québec est, règle générale, bien accueillie, Natacha Lagarde avoue qu’il lui arrive encore de ne pas être prise au sérieux par quelques-uns de ses homologues masculins. « Oui, on peut être en talons hauts et parler de sirop d’érable ! »

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