« Un entraîneur, c’est un entraîneur »

Tennis Canada et la Banque Nationale feront la promotion de l’égalité des genres au tennis

Les femmes ne représentent que 10 % des entraîneurs des trois centres de tennis régionaux canadiens. Et seulement 21 % des joueurs adultes de niveau compétitif.

Les chiffres de ce type, Tennis Canada compte les effacer.

L’organisation annoncera ce lundi que son partenaire Banque Nationale et elle collaboreront au cours des 10 prochaines années à une stratégie de promotion de l’égalité des genres au tennis.

Quelques embauches en ce sens ont déjà eu lieu ces derniers temps – l’ex-numéro 3 mondiale Nathalie Tauziat, notamment –, mais l’essentiel des programmes, le concret, ne sera pas connu avant l’an prochain.

« On travaille très fort depuis six, sept mois sur un plan qui sera présenté en 2022 », indique Séverine Tamborero, directrice des clubs de la haute performance et du développement des 10 ans et moins chez Tennis Canada.

Cela dit, la campagne « Filles. Set. Match. », élaborée par l’agence Sid Lee, sera lancée dès cette semaine. Bianca Andreescu, nommée ambassadrice du programme, en fait partie.

Les chiffres cités précédemment sont les moins reluisants. Parmi ceux que nous a transmis Tennis Canada, les plus près de l’atteinte de l’équité sont – du côté organisationnel – les 31 % de femmes parmi ses officiels et – en ce qui a trait au sport compétitif – les 39 % des joueurs juniors que constituent les filles.

Mais il n’y a pas que le tennis. Or, une étude menée par l’organisme Femmes et sport au Canada, en collaboration avec la Fondation Bon départ de Canadian Tire, a démontré qu’une fille sur trois abandonne le sport à la fin de l’adolescence. Chez les garçons, c’est plutôt un sur dix.

Peut-être plus frappant encore : 62 % des adolescentes canadiennes ne pratiquent aucun sport.

« On a un groupe de femmes au sein de Tennis Canada et l’erreur qu’on ne voulait pas faire, c’est de rentrer dans l’émotivité », fait valoir Séverine Tamborero.

Il fallait donc d’abord recueillir des données précises. Le plan en découlera.

Pour juger de l’efficacité des mesures qui seront adoptées, comme le chantait Patrick Bruel, rendez-vous dans 10 ans.

Le stéréotype tenace

La stratégie prendra forme autour de trois axes. D’abord, on souhaite que la voix des femmes soit aussi présente que celle des hommes.

« Des blogueuses aux commentatrices de la télévision, en passant par les directrices de tournois, le nombre d’heures de présentation des tournois féminins et la couverture des tournois », nous écrit le service des communications de Tennis Canada.

Et la fédération veut donner l’exemple en visant la parité à cet égard avec ses partenaires de diffusion.

Mais s’immiscer dans des décisions de gestion des diffuseurs, n’est-ce pas un peu difficile à appliquer ?

« Oui, tout à fait, admet Mme Tamborero. Mais je pense que Tennis Canada peut avoir une influence. J’ai hâte et j’espère même qu’on va pousser ça en disant : “Pourquoi pas une femme qui va commenter le match des hommes aussi ?” »

Les deux autres piliers, les plus intéressants, peuvent devenir, d’une certaine façon, des vases communicants : la professionnalisation et le cheminement de participation.

Le premier vise à assurer une représentation paritaire dans tous les rôles clés chez Tennis Canada et dans le milieu : du conseil d’administration aux cadres supérieurs en passant par les responsables de tournois, les entraîneurs et les officiels.

Séverine Tamborero occupe ses fonctions actuelles depuis environ sept ans. Elle se souvient de commentaires à son égard au tout début.

« Le regard des gens et les parents qui me disaient : “Wow, c’est super intéressant, une femme qui est à la tête du développement des 10 ans, on n’a pas vu ça.” Et je trouvais ça bizarre. Je me demandais pourquoi les gens avaient cette réaction-là. Mais, comme j’ai souvent dit : “On ne peut pas être ce qu’on ne peut pas voir.” Je me rends compte que je démontrais que c’était possible d’être à du haut niveau, même en tant que femme entraîneuse », relate l’auteure de Casser le moule, qui porte sur les préjugés dans le sport.

Pour elle, « l’axe professionnalisation » consiste donc, pour ce qui est du coaching, à donner de réelles possibilités aux femmes de s’y épanouir. Et ce, à tous les niveaux.

« On a toujours ce stéréotype des femmes qui sont bonnes avec les petits. Il faut aussi qu’on montre qu’on est capables de faire le travail dans ce fameux haut niveau. Là, on peut créer des occasions pour des femmes à de hauts niveaux. Pour moi, c’est ça, le changement, souligne l’entraîneuse. J’ai hâte qu’on dise qu’on est un entraîneur de haut niveau et non une entraîneuse féminine ou qu’on mette un terme en avant. Un entraîneur, c’est un entraîneur, et j’espère qu’on va arriver là dans quelques années. »

Augmenter le bassin

Les portes s’ouvrent progressivement. Des cas de nominations majeures au baseball, au basketball et au football l’ont récemment démontré.

Plus il y aura de femmes dans le sport, plus le bassin de bonnes candidates pour les plus hauts échelons deviendra important. D’où l’intérêt de l’angle appelé « cheminement de participation ».

« C’est, à mon avis, le plus important, soulève Mme Tamborero. Si on veut avoir plus de jeunes femmes entraîneuses et de voix, ça prend plus de jeunes filles qui jouent. Et le défi sera de ne pas juste les amener sur un court de tennis, mais de les garder aussi. »

Au chapitre de la rétention, le tennis fait du bon boulot, analyse cependant la directrice des clubs de la haute performance. Idéalement, il faut maintenant aller chercher davantage de volume.

Une question de culture

Parmi les sports professionnels, le tennis est probablement le plus égalitaire pour les athlètes. On n’a qu’à penser aux bourses en Grand Chelem, qui sont maintenant les mêmes que chez les hommes. Mais il y a encore du chemin à parcourir.

« Est-ce qu’on doit continuer de se battre pour prouver qu’on a un produit qui est aussi bon que les hommes ? La réponse est oui. Il y a des défis partout, que ce soit au golf, au tennis, au soccer. »

— Séverine Tamborero

Elle évoque, par exemple, le fait que ce sont toujours les finales masculines qui sont présentées le dimanche, plus favorable aux cotes d’écoute que le samedi.

Pour ce qui est de la représentativité féminine parmi les entraîneurs, l’enjeu n’est pas propre au Canada, dit-elle.

« La raison est simple. On arrive à un moment donné où soit la femme se dit : “Je ne vais pas appliquer pour ce poste-là parce que c’est sûr que c’est un gars qui va l’avoir”, soit elle fonde une famille et ce n’est pas toujours bien vu dans le haut niveau parce qu’on a la perception que la femme ne voyagera pas, par exemple.

« Aussi, comme je disais plus tôt, il y a le parcours. Si, chaque fois qu’une femme, que ce soit une ancienne joueuse ou une jeune, arrive et qu’on lui dit que la seule possibilité, c’est de travailler avec les petits, qu’on ne lui donne pas la chance de travailler à du haut niveau, ça fait que ces femmes-là ne continuent pas. Donc, c’est une roue qui tourne. »

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