Le secteur aérien « en chute libre »

Le ministre Marc Garneau en quête de solutions

OTTAWA — Le secteur aérien enregistre des pertes évaluées à au moins 600 millions de dollars par mois au pays depuis le début de la pandémie de COVID-19 – une crise sans précédent qui mène le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, à lancer un appel à tous pour trouver des solutions qui permettraient à l’industrie de se relever.

Air Canada perd l’équivalent de 500 millions de dollars par mois. WestJet accumule l’encre rouge à un rythme de 100 millions par mois, a appris La Presse de sources sûres. Ces deux transporteurs ont mis à pied des milliers d’employés, annulé des liaisons régionales et cloué au sol une partie de leur flotte. Pour leur part, Porter, Sunwing et Air Transat ont suspendu ou réduit considérablement leurs opérations.

La forte turbulence financière que doivent affronter ces compagnies, alors que le nombre de voyageurs a chuté de près de 95 %, a un effet domino sur les aéroports et toutes les entreprises qui font partie de la chaîne d’approvisionnement dans le secteur de l’aérospatiale.

Les aéroports, grands et petits, n’ont plus les sources de revenus découlant du trafic aérien. Certains pourraient avoir de la difficulté à payer pour des travaux aussi élémentaires que l’entretien des pistes d’atterrissage. Dans plusieurs municipalités, les aéroports représentent un moteur essentiel du développement économique, souligne-t-on à Ottawa.

Le clouage au sol de plusieurs des appareils fait en sorte que l’entretien usuel est moins fréquent et que l’on achète moins de pièces pour les réparations de toutes sortes – un contexte qui nuit aux entreprises de l’aérospatiale qui sont situées en grande partie au Québec.

Résultat : « Le secteur aérien est en chute libre », a laissé tomber une source gouvernementale, soulignant du coup les lendemains difficiles à tout ce secteur, même après qu’on aura trouvé un vaccin contre la COVID-19. « Il faudra rebâtir la confiance des voyageurs après cette crise. »

Récemment, l’Association des industries aérospatiales du Canada (AIAC) a publié une enquête qui démontrait que plus de 95 % de ses membres fonctionnent « à une fraction de leur pleine capacité ou ont carrément interrompu leurs activités depuis le début de la pandémie ». Pis encore, plus de la moitié (60 %) ont mis à pied des travailleurs tandis que 76 % comptent le faire au cours des six prochains mois. Dans l’ensemble, on prévoit une baisse du chiffre d’affaires de l’ordre de 40 % en 2020.

Appel à tous

Face à cette situation, le ministre Garneau a lancé une invitation à tous les élus de la Chambre des communes de lui soumettre leurs idées d’ici au 21 octobre. Ces idées pourraient jeter les bases d’un éventuel plan pour soutenir le secteur.

« La pandémie de COVID-19 a eu un impact immense sur tous les aspects de l’économie canadienne, mais peu d’industries ont été plus négativement touchées que le secteur aérien. Le Canada est un pays vaste et le transport aérien est essentiel pour rattacher les collectivités canadiennes, qu’elles soient grandes ou petites.  »

— Marc Garneau, ministre des Transports, dans une note à ses collègues des Communes

« L’accessibilité de toutes nos régions est plus importante que jamais, les liaisons aériennes sont essentielles au développement de l’économie régionale. C’est pourquoi nous nous sommes engagés dans notre dernier discours du Trône à soutenir les liaisons aériennes régionales. Beaucoup d’entre vous m’ont contacté afin de partager vos idées sur ce sujet, j’invite maintenant tous les parlementaires à le faire », ajoute le ministre dans cette note obtenue par La Presse.

Aide massive ou annonces ciblées ?

Dans une entrevue accordée au réseau CBCNews, mercredi, le jour même où la compagnie WestJet annonçait qu’elle suspendait « indéfiniment » ses activités à Moncton et à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, le premier ministre de la province, Blaine Higgs, a soutenu avoir obtenu l’assurance du ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, que le cabinet fédéral accoucherait d’un train de mesures sous peu.

Depuis plusieurs semaines, les compagnies aériennes, les industries du secteur de l’aérospatiale, des syndicats et certains des partis de l’opposition pressent le gouvernement Trudeau à présenter un plan d’aide directe au secteur aérien.

Selon des informations obtenues par La Presse, le gouvernement Trudeau est peu enclin à emprunter cette voie, bien que d’autres pays comme les États-Unis, la France, l’Allemagne et le Japon l’aient fait au cours des derniers mois.

En coulisses, on explique que la crise causée par la pandémie continue d’évoluer et qu’une aide directe à ce secteur augmenterait la pression pour que le gouvernement vienne également à la rescousse d’autres secteurs comme le tourisme et l’hébergement.

« Notre gouvernement travaille avec ardeur afin de mettre en œuvre des solutions qui offriront au secteur aérien le soutien dont il a besoin afin de continuer d’offrir aux Canadiens le transport aérien sécuritaire, abordable et efficace sur lequel ils dépendent pour faire affaire et voyager à travers le pays », a indiqué dans un courriel Amy Butcher, la directrice des communications du ministre Garneau.

« Nous continuons d’être en contact avec tous nos partenaires dans le secteur aérien et nous suivons de très près la situation du secteur aérien qui a été lourdement touché. Pendant cette phase importante de récupération suite à la pandémie, toute mesure qui porte sur le voyage aérien sera annoncée en temps et lieu », a-t-elle ajouté.

Inquiétude chez les employés de Transat

En l’absence d’une reprise du nombre de voyages, Air Transat aura besoin d’un moins grand nombre d’agents de bord dans ses avions, ce qui se traduira par de nouvelles mises à pied, déplore le syndicat qui représente ces derniers. Dans un communiqué publié vendredi, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a souligné que l’effectif passerait sous la barre des 160 agents de bord en novembre, alors qu’on en comptait environ 355 en août dernier, dans la foulée de la relance progressive des activités du transporteur aérien. Air Transat compte environ 2000 agents de bord « en temps normal », a souligné le syndicat. La plupart sont en congé forcé à cause de la pandémie de COVID-19. D’après le syndicat, la base de Vancouver d’Air Transat sera complètement fermée jusqu’à nouvel ordre. Par ailleurs, le SCFP a interpellé le gouvernement Trudeau en le pressant de déployer un système de dépistage rapide de la COVID-19 dans les aéroports du pays.

— La Presse Canadienne

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.