Restez. Chez.  Vous.

À lire et à entendre les critiques et reproches des derniers jours au Québec, on pourrait être porté à croire que c’est le gouvernement, et lui seul, qui a le pouvoir de faire monter et descendre les courbes de la COVID-19.

« Le message n’est pas clair ! »

« Les bars doivent être fermés ! »

« Les codes de couleur sont inutiles ! »

« Ah ! Si seulement le gouvernement pouvait nous imposer des consignes simples et cohérentes pour qu’on sache enfin quoi faire ! »

Mais en se plaignant constamment des virgules des consignes et de la faiblesse des interdictions gouvernementales, on en oublie l’essentiel : ce ne sont pas les règles qui font rempart au virus, ce sont les comportements !

Autrement dit, ce n’est pas l’État qui, ultimement, a le pouvoir d’éloigner la menace. C’est nous.

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Au Québec, pour des raisons culturelles et historiques, nous nous appuyons énormément sur le gouvernement. Comme nous le faisions avec l’Église à une autre époque.

Du coup, on en vient à transformer ce qui vient d’en haut en parole d’évangile par laquelle passe notre salut.

Les sondages confirment les uns après les autres que c’est au Québec qu’on a ainsi le plus confiance en l’État.

C’est ici, selon les données récoltées notamment par Google, qu’on a le plus respecté le confinement lorsqu’il nous a été demandé.

C’est aussi ici qu’on a suivi les points de presse du gouvernement avec le plus d’assiduité.

En témoigne le fait que les Québécois ont commencé à porter plus fréquemment le masque à la seconde où ils ont vu le premier ministre François Legault en porter un lui-même lors de la conférence de presse du 12 mai dernier*.

Bref, nous sommes « dociles », pour reprendre l’expression de la ministre Geneviève Guilbault… à condition que le message prononcé du haut de la chaire soit livré sans faille.

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Mais cette propension à nous fier à un État omniprésent et bienveillant nous incite ainsi à porter une attention démesurée aux détails des règles, des consignes, des interdictions, comme s’il s’agissait des Dix Commandements.

Est-ce cinq ou six personnes pour un rassemblement privé ? De deux ou de trois adresses ?

À deux mètres et avec un masque ?

Et à défaut de clarté sur chaque point, chaque jour, on hurle. Comme si les règles devaient être gravées dans le roc pour qu’on sache quoi faire. Comme si on ne pouvait se satisfaire d’un message plus large à adapter selon nos circonstances.

On l’a vu cette semaine. Partout, on a reproché la confusion du message gouvernemental, alors qu’il était limpide au-delà d’imprécisions sans conséquence.

Évitez les contacts sociaux. Point.

C’est ce qu’a dit Mme Guilbault lundi lorsqu’elle a demandé qu’on « limite en partie notre vie sociale ».

C’est ce qu’a dit M. Arruda le lendemain lorsqu’il a enjoint à population d’« éviter des soupers avec des gens extérieurs à la maison ».

C’est ce qu’a répété M. Legault jeudi lorsqu’il nous a invités à « limiter les contacts, surtout dans les maisons ».

Et c’est ce qu’a confirmé M. Dubé vendredi en demandant qu’on « annule les BBQ, les partys, les soupers » pour les 28 prochains jours.

Pas sorcier. Restez. Chez. Vous.

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C’est trop facile de rejeter la faute de la prévalence du virus sur nos dirigeants, sur « le gouvernement » ou sur le manque de clarté des règles.

Il faut se rappeler que c’est nous, individuellement, qui décidons de nous laver les mains ou pas. De voir des amis ou pas. De fréquenter des bars, des restaurants, des boutiques ou pas.

Que ces derniers soient ouverts ou fermés, que le last call soit à 23 h ou à minuit, ce n’est pas ça qui va faire la plus grosse différence. C’est notre comportement.

Oui, bien sûr, l’État dirige le réseau hospitalier. Il chapeaute les autorités de santé publique. Il contrôle à la fois le message et la police. Il a donc un grand rôle à jouer dans la lutte contre le virus.

Mais au-delà de la réponse collective, au-delà du travail des institutions, il y a la responsabilité individuelle dont on parle trop peu au Québec.

Et cette responsabilité, elle est plus importante aujourd’hui qu’elle l’était durant la première vague.

Dans l’urgence, au printemps dernier, on y est allé en effet de mesures coercitives larges et strictes imposées à tous sans discrimination. On a fermé les écoles, les commerces, les restaurants, puis on nous a forcés à rester confinés. On a accepté.

Or, le contexte a changé. La transmission est maintenant communautaire. Tous les groupes d’âge sont touchés. Toutes les régions sont frappées à des degrés divers. Ce qui commande une réponse plus ciblée des autorités… qui amène forcément des règles plus nuancées, compliquées et même parfois variables.

Autant l’effort était collectif lors de la première vague, alors qu’on était tous dans le même bateau à suivre les mêmes règles, autant cette fois la situation demande un effort individuel et une grande autodiscipline.

À nous d’agir en conséquence.

* Selon le volet québécois de l’étude iCARE (International assessment of COVID-19-related attitudes, concerns, responses and impacts in relation to public health policies), mené conjointement par l’UQAM et l’Université Concordia.

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