Français au cégep

Il est « urgent d’agir », selon un rapport

Un élève sur quatre échoue à son premier cours de français au cégep, révèle un rapport produit pour le compte du ministère de l’Enseignement supérieur, qui conclut qu’il est « urgent d’agir » en la matière. Québec envisage déjà de donner des cours de perfectionnement en français aux profs de cégep.

En septembre 2021, la ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque Danielle McCann avait commandé un rapport sur l’état du français chez les cégépiens. Déposé il y a un an, ce rapport a finalement été rendu public vendredi.

La ministre actuelle de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, explique qu’elle voulait communiquer le rapport à ses « collègues des autres ministères ». « Je n’ai jamais eu l’intention de cacher quoi que ce soit », dit-elle.

On y lit notamment que la maîtrise du français est directement liée au taux d’obtention d’un diplôme collégial.

« Les étudiants ayant moins de 75 % à l’épreuve unique de français, langue d’enseignement, de 5e secondaire représentent plus de 40 % des nouveaux admis dans le réseau francophone au collégial depuis 2010 », écrivent les autrices du rapport.

Chez ces élèves plus faibles en français, le taux d’obtention d’un diplôme collégial était de 44 % en 2016. En comparaison, il était de 84 % chez ceux ayant obtenu plus de 75 % à cette épreuve.

« Ça presse. C’est beaucoup d’étudiants qui n’obtiennent pas leur diplôme d’études collégiales parce qu’ils ont abandonné, mais aussi parce qu’ils n’ont pas réussi l’épreuve uniforme [obligatoire pour obtenir ce diplôme]. Comment peut-on laisser ces étudiants sur le carreau ? », demande Lison Chabot, l’une des trois autrices du rapport.

Aux derniers examens ministériels de 2022, les résultats à cette épreuve unique ont chuté presque partout au Québec1.

À Montréal, par exemple, seuls 59,1 % des élèves du centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys ont obtenu la note de passage en juin dernier. Ce taux était de 72,9 % trois ans plus tôt.

Des cours de perfectionnement pour les profs

Québec envisage d’offrir des cours de perfectionnement en français aux profs de cégep, quelle que soit la matière enseignée. Il s’agit de l’une des recommandations du rapport.

« J’aimerais que les enseignants reviennent un peu à cette pratique où on se souciait davantage du français. Je ne dis pas que ça ne se fait pas, mais je voudrais m’assurer que ça se fasse davantage », dit Pascale Déry, qui cite les cours de mathématiques ou de géographie, par exemple.

Les autrices du rapport soulignent qu’en « général, les enseignantes et les enseignants de français et littérature s’identifient davantage à la littérature qu’au français écrit ».

Elles recommandent donc un enseignement « plus systématique du fonctionnement de la langue » dans les cours de français au cégep. « Il ne s’agit pas de faire des feuilles d’exercice de conjugaison », nuance Lison Chabot.

Voilà qui « risque de choquer » ceux qui enseignent cette matière, dit la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ – CSN).

« Le rapport insinue qu’après 11 années de formation au primaire et au secondaire, il faudrait repartir à zéro. C’est comme si on demandait aux profs de mathématiques d’enseigner les tables de multiplication au cégep. Quand on arrive en enseignement supérieur, il faut que la langue soit maîtrisée en amont, pour que l’on puisse bâtir sur des acquis », a commenté sa présidente, Caroline Quesnel.

Des actions concertées

Les autrices recommandent que, quelle que soit la matière qu’ils enseignent, les enseignants prêtent attention à la qualité du français, du primaire à l’université.

« Ça va prendre des actions concertées », reconnaît la ministre Pascale Déry.

« Au collégial, ils maîtrisent la structure de texte, mais là où il y a des lacunes, c’est surtout la portion grammaticale. Tout ce qui est fonctionnement de la langue : la ponctuation, la syntaxe, l’accord de verbes… »

— Pascale Déry, ministre de l’Enseignement supérieur

Le rapport souligne également que malgré « l’omniprésence de l’écrit électronique », « force est d’admettre que son utilisation à des fins pédagogiques n’est pas encore exploitée à son plein potentiel dans le milieu scolaire et que les élèves produisent encore beaucoup de textes de façon manuscrite en classe ».

On ne doit pas se fier « aux machines et aux robots pour écrire à notre place », a commenté la présidente de la FNEEQ par voie de communiqué. « Il faut maîtriser la langue et comprendre comment elle fonctionne », dit Caroline Quesnel.

Une vision partagée par la ministre de l’Enseignement supérieur. « Pour moi, avant d’intervenir avec des logiciels de type Antidote, je veux m’assurer que ces jeunes-là aient les connaissances de base. Pour utiliser ces logiciels, encore faut-il avoir un minimum de jugement critique », observe Pascale Déry.

Le rapport est cosigné par Godeliva Debeurme, professeure retraitée de l’Université de Sherbrooke, Marie-Claude Boivin, professeure titulaire à l’Université de Montréal, et Lison Chabot, directrice des études retraitée du cégep de Beauce-Appalaches.

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Nombre de recommandations contenues dans le rapport du comité d’expertes sur la maîtrise du français au collégial

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