Itinérance à Montréal

Plus de 1500 personnes abandonnées dans la rue cet hiver

L’hiver et ses froids se sont installés. Mille six cent vingt-trois places pour les personnes en état d’itinérance sont dites suffisantes. Pourtant, sur le terrain, les organismes communautaires décrient l’horreur de la situation. Il n’y a, dans les faits, nulle part où les diriger par manque de places d’urgence accessibles et disponibles. Les personnes en état d’itinérance sont abandonnées dans la rue.

Les chiffres accessibles du dernier recensement de 2018 faisaient état de 3149 personnes itinérantes. Depuis, tous s’entendent pour dire que leur nombre a augmenté drastiquement. Même en se basant sur ces vieux chiffres qui ne représentent pas la réalité de 2023, la démonstration mathématique reste éloquente…

Comment peut-on être convaincu que 1623 places sont suffisantes alors qu’il reste 1526 personnes dehors ? De plus, la grande majorité de ces 1623 places, originalement consacrées à l’hébergement d’urgence, a été convertie en hébergement de transition, permettant aux personnes d’y demeurer pendant plusieurs mois ; une mesure essentielle dans un processus de transition vers la stabilisation. Mais par conséquent, l’occupation de ces places sur une plus longue période force les personnes toujours dans la rue à y rester plus longtemps.

De ce nombre, il y a aussi les places en haltes chaleur, version minimaliste de l’hébergement d’urgence, mais vitales en ultime recours ; c’est une place sur un matelas quand on est chanceux, sinon c’est sur une chaise ; et si la chaise est autour d’une table, on a la chance de pouvoir y poser sa tête.

Il reste alors, pour les 1526 personnes n’ayant pas gagné à la loterie des places, de survivre à l’hiver dans la rue, dans les stations de métro et les salles d’attente des urgences d’hôpitaux.

Mais là, c’est du temps volé, car on finit par les déloger.

Alors, où sont les places en lits d’urgence pour toutes les personnes qui ne sont pas en lits de transition ou aux haltes chaleur ?

La vraie question

Là est la VRAIE question. Tous les différents acteurs du milieu communautaire et les personnes itinérantes décrient l’horreur de la situation alors que l’hiver s’est installé. Je me souviens de l’horrible douleur ressentie quand mes pieds ont « décongelé » un hiver, après avoir joué dehors trop longtemps ; je n’arrive pas à imaginer ce qu’elles peuvent endurer… jour après jour.

Un lit d’urgence doit être consacré et réservé uniquement à une personne en situation d’urgence immédiate. Et le besoin est criant ; il y a urgence que les instances gouvernementales prennent action, en offrant une réponse adéquate et concrète. Le milieu communautaire ne peut pas tout porter. Abandonner les lits d’urgence, c’est abandonner les plus démunis ; une tentative de rendre l’itinérance inconfortable jusque dans l’absence de réponse aux besoins primaires et vitaux…

Pourquoi ? Ne sont-ils pas, elles et eux, des citoyennes et des citoyens ?

Tout le monde devrait pouvoir dormir au chaud et en sécurité ; le tout en respectant les besoins spécifiques et la sécurité des personnes sans leur imposer la mixité, notamment les femmes.

Les intervenantes et intervenants en itinérance sont épuisés par l’impuissance de n’avoir comme réponse à donner que de rester dehors. Car, croyez-moi, ça fait mal de dire à quelqu’un de rester dehors.

En cri du cœur, j’invite les décideurs, en ultime tentative de sensibilisation et de conscientisation, à venir vivre cette impuissance douloureuse dans nos ressources, à recevoir les demandes d’une place en lits d’urgence d’une de ces 1526 personnes, avec comme unique réponse à lui offrir de rester dehors… encore cette nuit ! Le communautaire ne peut et ne doit pas tout porter, et ne devrait surtout pas être le messager quotidien d’une réponse aussi horrible et inhumaine.

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