Credit Suisse dans la tourmente
Credit Suisse, qui a financé une partie du miracle économique suisse depuis 1856 et qui a su se hisser dans le club fermé des 30 banques trop importantes pour les laisser faire faillite, a perdu beaucoup de son aura après une série de scandales et d’impairs.
La deuxième banque du pays alpin essuie revers sur revers depuis deux ans et peine à convaincre les investisseurs malgré une lourde restructuration lancée en octobre, au point d’être considérée aujourd’hui comme le maillon faible du secteur bancaire.
Mercredi, à la clôture, elle valait moins de 7 milliards de francs suisses en Bourse.
Bon élève
Pourtant, en 2008, la banque était considérée comme la bonne élève de la finance lorsque la faillite de l’américaine Lehman Brothers avait mis à mal l’ensemble du secteur et poussé de nombreux établissements à appeler l’État à la rescousse.
Si la banque avait elle aussi été exposée aux « subprime », les titres adossés à des créances hypothécaires au cœur de cette crise, elle était parvenue à surmonter la crise sans faire appel à l’État, à la différence d’UBS, sa rivale et numéro un en Suisse, qu’il avait fallu sauver avec l’aide de la banque centrale suisse.
Mais depuis, les rôles se sont inversés. UBS s’est redressée et Credit Suisse est devenue « l’enfant terrible » de la finance, comme l’a décrite David Herro, le coprésident et gérant de portefeuille de la société d’investissement américaine Harris Associates, un de ses actionnaires de longue date qui a récemment jeté l’éponge et vendu l’intégralité de sa participation dans Credit Suisse.
La banque du rail
Créée en 1856 par Alfred Escher, le père du chemin de fer en Suisse, la banque a été un des piliers de l’essor économique du pays. Elle a financé la construction du rail en Suisse, mais aussi des entreprises devenues des poids lourds de l’économie suisse, comme Brown Boveri, l’ancêtre du groupe d’ingénierie ABB, ou Anglo-Swiss Condensed Milk, qui avait fusionné en 1905 avec la société d’Henri Nestlé pour donner naissance au géant mondial de l’agroalimentaire.
Son siège social se trouve à Zurich, sur la prestigieuse place appelée Paradeplatz, à quelques pas de la banque centrale. Fin 2022, la banque, qui prévoit de lourdes suppressions d’effectifs, employait 50 480 personnes. Elle est active aussi bien dans la gestion de fortune que dans la banque de détail en Suisse, la gestion et la banque d’affaires.
Transformation radicale
Mais en octobre, Credit Suisse a annoncé une transformation radicale qui prévoit de séparer la banque d’investissement du reste de ses activités. Elle envisage d’introduire ultérieurement en Bourse cette activité qui représente 30 % de son chiffre d’affaires pour tenter de se redresser après une série de scandales qui ont terni sa réputation.
En mars 2021, la banque a été secouée tour à tour par la faillite de la société financière Greensill, dans laquelle quelque 10 milliards de dollars avaient été engagés, et l’implosion du fonds américain Archegos.
D’autres affaires sont venues ternir encore l’image, dont une concernant des prêts au Mozambique au cœur d’un scandale de corruption et un procès en Suisse d’une ancienne conseillère impliquée dans un réseau de trafic de cocaïne bulgare.
Pertes en milliards
La banque, qui a dégagé l’an passé un chiffre d’affaires de 14,9 milliards de francs suisses, prévoit de se recentrer sur la gestion de fortune, dans la gestion d’actifs et sur sa branche suisse.
Pour 2022, la banque a fait état d’une perte nette de 7,3 milliards de francs suisses (près de 7,4 milliards d’euros) et a prévenu dès février s’attendre encore à une perte avant impôts « substantielle » en 2023.
La banque est de surcroît confrontée à des retraits massifs d’argent de la part de ses clients qui se sont chiffrés à 110,5 milliards de francs au quatrième trimestre.
Credit Suisse reçoit de l’aide de la Banque Nationale Suisse
La banque centrale et le gendarme des marchés financiers suisses ont affirmé mercredi que Credit Suisse satisfaisait aux exigences en matière de capital et de liquidités et qu’il pourrait accéder à des liquidités « en cas de besoin ». Les deux régulateurs du secteur bancaire sont sortis d’un long silence au terme d’une journée qui a vu la valeur en Bourse de Credit Suisse tomber à moins de 7 milliards de dollars et son action chuter à un creux historique à 1,55 franc suisse. Pour la BNS et la Finma, « les turbulences actuelles sur le marché bancaire américain ne suggèrent pas qu’il existe un risque de contagion directe pour les établissements suisses ».
— Agence France-Presse