Quand le hockey nous unit

Sentez-vous la fièvre du hockey s’emparer du Québec ? Personne ne semble indifférent face aux performances exceptionnelles du Canadien de Montréal au courant des dernières semaines. Qu’est-ce qui peut expliquer la soudaine poussée de fièvre non covidienne des Québécois pour leur sport national ?

Benedict Anderson, célèbre théoricien des nations et du nationalisme, rappelait l’importance des journaux quotidiens dans le déploiement des sentiments nationaux. Chaque jour, ils étaient ces « best-sellers d’un jour », que tous les membres d’une même communauté parcouraient environ au même moment. Ce faisant, les journaux créaient un effet de communion entre les lecteurs membres de la nation. Même s’ils ne se rencontreront jamais tous et toutes, ils partagent dès lors tout de même une « perspective » similaire sur le monde.

Ici, les séries de la LNH produisent un effet très similaire. Elles jouent cette même fonction de « best-sellers d’un jour ». On sait qui a gagné, sans même devoir regarder la partie, ne serait-ce que par l’intermédiaire des cris et applaudissements qu’on entend par nos fenêtres et balcons ou encore des journaux et réseaux sociaux qui débordent de références aux victoires.

La classe politique québécoise et le sport national

Vous souvenez-vous de la dernière fois où l’entièreté de la classe politique québécoise a été, sourire aux lèvres, unie par un évènement spécial ? Moi non plus !

Depuis quelques jours, vous pouvez apercevoir le premier ministre du Québec, François Legault, et les chefs des oppositions s’afficher fièrement sur les réseaux sociaux pour soutenir « notre équipe » ; l’équipe des Québécois.

Le premier ministre s’est même emparé de l’affaire en mettant au défi ses collègues provinciaux, Doug Ford et Brian Pallister, qui, à la suite de la défaite de leur équipe respective, ont dû prendre une photo ou une vidéo d’eux-mêmes arborant le gilet du Bleu-Blanc-Rouge. Même la tour du CN à Toronto portera les couleurs du Tricolore. Qui l’eût cru ! Évidemment, le point ici n’est pas de dire que nos politiciens utilisent le hockey seulement à des fins de récupération politique, mais simplement qu’ils peuvent difficilement passer outre cette fièvre nationale qui s’installe pour le Tricolore. Eux aussi participent à cette « communion » ! Ils reconnaissent le puissant sentiment qui accompagne ces victoires et s’y joignent pleinement en affichant fièrement « nos » couleurs et en livrant des messages d’espoir. En quelque sorte, cette reconnaissance vient activer un sentiment de fierté nationale.

Fierté et unité dans la différence

Il faut reconnaître que le hockey professionnel, malgré ses importants défauts, rejoint émotionnellement beaucoup de Québécois. Il suffit de parcourir les réseaux sociaux ou d’observer les rassemblements dans les rues de la métropole après la victoire contre les Jets de Winnipeg ou les Maple Leafs de Toronto pour constater l’effet de ces victoires sur la population. Enfin, plusieurs diront que l’équipe québécoise sort gagnante après près de 30 ans de hauts et de bas qui ont fort probablement fatigué de nombreux partisans. Or, le sport préféré des Québécois est maintenant au sommet de sa gloire. Bien que l’équipe ne place plus une tonne de Québécois dans son alignement à cause de l’internationalisation du sport et des règles du repêchage, à l’exception notable du joueur de centre Phillip Danault ou de Jonathan Drouin, celle-ci demeure au cœur de l’identité nationale. Il faut rappeler que le CH a longtemps été une source d’inspiration et d’affirmation nationale pour les Canadiens français et les Québécois. Symboliquement, leurs victoires sont aussi celles de tout le Québec dans l’arène nord-américaine. Comme l’ailier du Canadien Tyler Toffoli le disait si bien il y a quelques jours, seulement « nos » amateurs croient en nous.

Bien que le sport soit une activité nationale somme toute banale, il ne faut pas sous-estimer son effet rassembleur. Pour beaucoup, le sport n’a rien de trivial et représente une part importante de leur identité.

Afficher les couleurs de son équipe préférée, c’est aussi s’afficher soi-même au sein d’un groupe et en opposition à un « autre » groupe.

Les Québécois de toutes les langues, classes sociales ou origines ethniques et de tous les genres s’affichent fièrement derrière les Habs. Le hockey ou le sport en général peut unir les citoyens au-delà de leurs différences. Notre sport national est devenu plus qu’un simple sport. Alors que le déconfinement est enclenché au Québec et que nous pourrons partager des moments avec nos familles et amis, cette occasion de rassemblement par le sport est certainement la bienvenue pour plusieurs. Malgré que les séries ne soient pas encore terminées, nous pouvons déjà dire que le Tricolore a accompli son rôle symbolique dans l’imaginaire national et les Québécois continuent et continueront cette fabuleuse et excitante tradition sportive ancestrale.

Go Habs Go !

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