Mesures sanitaires

Les 18-34 ans en ont assez

Après presque deux ans de pandémie, les Québécois sont toujours prêts à coopérer. Mais ils montrent des signes d’impatience. Surtout les jeunes adultes, qui sont au bord du désengagement, révèle un sondage CROP-La Presse.

Sur une échelle de 1 à 10, la satisfaction des Québécois envers le gouvernement Legault se situe maintenant à 5,9, comparativement à 6,5 il y a un an et à 8,6 au début de la pandémie. Pas de dégringolade généralisée, donc, mais une grogne manifeste des 18 à 34 ans, qui, à 70 %, se disent insatisfaits du gouvernement et sont, en moyenne, plus enclins à enfreindre les consignes sanitaires.

Le sondage CROP demandé par La Presse et réalisé du 14 au 17 janvier témoigne d’un « ras-le-bol certain envers la COVID-19, mais l’adhésion aux mesures sanitaires est encore élevée en général », résume Dominic Bourdages, vice-président de CROP.

« Fatigue accumulée »

Le fait que le taux de satisfaction envers le gouvernement Legault soit maintenant un point au-dessous de la note de passage apparaît normal à Éric Montigny, professeur de science politique à l’Université Laval. « C’est ce que l’on constate aussi dans les autres pays. Un peu partout, il y a eu ce ralliement initial derrière le drapeau, un sentiment qui s’estompe avec la fatigue accumulée. »

« Le message gouvernemental passe encore, poursuit-il. Les gens sont encore prêts à faire un effort. Pas de gaieté de cœur, mais on sent une résilience. »

Cela est pour l’ensemble des personnes sondées, mais le gouvernement Legault aurait tout intérêt à analyser de près les réponses données par les 18 à 34 ans, soutient Claire Durand, professeure de sociologie à l’Université de Montréal et spécialiste des sondages.

« Les jeunes de 18 à 34 ans ne donnent en moyenne que 4,5 sur 10 au gouvernement Legault, alors que ce groupe d’âge a beaucoup voté pour la CAQ. Aussi, de question en question, on voit clairement que ce sont eux qui désapprouvent le plus les interdictions et qui craignent le moins la maladie. »

— Claire Durand, spécialiste des sondages

Au total, 86 % des personnes interrogées se disent d’accord avec l’affirmation : « C’est notre devoir à tous de suivre les règles de la Santé publique. Nous devons tous faire notre part pour arrêter la pandémie. »

Ce taux est un peu moins élevé qu’en 2021 (année où il n’a jamais descendu sous la barre de 91 %), mais il n’y a pas de contestation générale en vue. « C’est loin d’être une chute radicale. Les gens pensent qu’il y a encore un bout à faire avant de se sortir de cette pandémie », estime M. Bourdages.

Liberté réclamée

En conférence de presse jeudi, le premier ministre François Legault a dit sa fierté de voir « le peuple québécois se serrer les coudes » et rester « solidaire ».

Mais lassitude il y a.

Car si les personnes pensent largement qu’il est de leur devoir de respecter les consignes, le pourcentage de celles qui disent les respecter « à la lettre » est un peu plus bas, à 80 %, dans un contexte où une bonne partie de la population a déjà été atteinte par la maladie.

Ici encore, l’exaspération des jeunes est palpable. En toute franchise, un répondant sur deux (49 %) chez les 18 à 34 ans admet qu’il ne peut s’empêcher d’« enfreindre les règles par moments » (au total des groupes d’âge, 34 % sont de cet avis).

Ce sont maintenant 57 % des jeunes de 18 à 34 ans qui croient que « les restrictions dues à la COVID-19 ont assez duré et qu’il est temps que l’on retrouve la liberté » (seulement 36 % des 55 ans et plus étant de cet avis).

Le quart des 18 à 34 ans disent même « ne pas suivre vraiment les règles et ne pas se sentir à risque ».

Et quelles sont les règles, justement ? La professeure Claire Durand fait remarquer qu’en conférence de presse, « l’interdiction des rassemblements dans les maisons n’est presque plus jamais évoquée par le gouvernement ».

Peur moindre face à la maladie

Les inquiétudes face à la maladie elle-même semblent vraiment se dissiper, même si les hôpitaux débordent, qu’il y a du délestage et que le nombre de décès dépasse le sommet atteint l’hiver dernier.

À l’heure actuelle, 58 % des personnes sondées se disent « peu ou pas inquiètes » de contracter personnellement la COVID-19.

Le tiers de la population (31 %) estime maintenant que « la COVID-19 n’est pas plus dangereuse qu’une grosse grippe » (une personne sur deux de 18 à 34 ans est aussi de cet avis).

L’inquiétude des personnes sondées face à la propagation de la COVID-19 au Québec est aussi fortement en baisse, comme en font foi ces 41 % de gens qui se disent « peu ou pas inquiets » de la propagation de la maladie au Québec (seuls 28 % étaient de cet avis en janvier 2021).

En fait, la plus grande inquiétude des gens, ce sont les répercussions sur l’économie du Québec. Exactement comme en janvier 2021, 77 % s’en disent « assez inquiets ou très inquiets ».

Pas de retour à la normale en vue

Les deux tiers des personnes interrogées ne croient pas à un retour à la normale avant un an (35 % l’entrevoyant d’ici un an ou deux, 34 % dans plus de deux ans).

« On sent que les gens ne veulent plus être optimistes et ils en ont assez que leurs espoirs soient déçus », avance Dominic Bourdages, de chez CROP.

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