Votes dans la FAE

Deux syndicats d’enseignants, deux décisions opposées

Les profs de Montréal et de Laval ont eu de longues soirées d’assemblées syndicales, jeudi, aux issues bien différentes : un syndicat a accepté l’entente de principe conclue avec Québec, tandis que l’autre l’a rejetée.

À Montréal, c’est au beau milieu de la nuit de jeudi à vendredi que les profs membres du plus gros syndicat affilié à la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) ont accepté à 52 % l’entente de principe conclue avec le gouvernement du Québec.

L’assemblée générale virtuelle à laquelle étaient conviés les 9700 membres de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal a été longue et émotive. « Nous avons connu une soirée extrêmement difficile », a résumé à La Presse un enseignant du primaire.

Vers 2 h, dans la nuit de jeudi à vendredi, au terme de près de neuf heures de réunion, les membres ont accepté à 52 % l’entente conclue par leur syndicat avec Québec.

Le taux de participation n’a pas été dévoilé par le syndicat, mais 3386 enseignants ont exercé leur droit de vote au cœur de la nuit. Ces profs travaillent dans les écoles du centre de services scolaire de Montréal et ont, comme tous les membres de la FAE, observé 22 jours de grève sans revenus à la fin de la dernière année.

Dans un communiqué, l’Alliance a pris acte du résultat serré et estimé que l’entente de principe ne « permettra pas de résoudre tous les maux du réseau de l’éducation ».

« Les profs considèrent encore qu’eux et leurs élèves méritent mieux », déclare Catherine Beauvais-St-Pierre, présidente de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal.

Professeure en relations de travail à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Diane Gagné constate que tout n’est pas réglé.

« Le gouvernement et les centrales devront trouver un point de rencontre. La grogne persiste, l’argent n’achète pas tout », dit Mme Gagné.

Les profs de Laval refusent l’accord de principe

À Laval, c’est un tout autre scénario qui s’est joué : le Syndicat de l’enseignement de la région de Laval (SERL) a rejeté à 68 % l’entente de principe conclue avec Québec. Il s’agit du premier syndicat membre de la Fédération autonome de l’enseignement à se prononcer contre l’entente.

Les enseignants de Laval qui ont rejeté l’entente de principe conclue avec le gouvernement sont « restés fidèles aux positions qu’ils avaient au moment de la grève générale illimitée », estime André Arsenault, qui est à la tête de ce syndicat depuis trois ans.

« Lorsqu’on se promenait sur les lignes de piquetage, les gens nous parlaient de la composition de la classe, des conditions de travail, des conditions d’apprentissage des élèves, de l’école publique dans son ensemble. Les membres ont jugé que l’entente ne répondait pas à ces demandes-là. »

— André Arsenault, président du Syndicat de l’enseignement de la région de Laval

C’est, selon lui, ce qui a fait pencher la balance dans le vote de ses membres.

« Le gouvernement a décidé que lorsqu’il ne pouvait pas donner les services nécessaires, il allait donner une prime en argent aux enseignants. Ce n’est pas ça qui va rendre les conditions de travail meilleures, ce n’est pas ça qui va rendre les conditions d’apprentissage meilleures », poursuit-il.

Alors que la FAE et d’autres de ses syndicats affiliés gardent le silence jusqu’à la fin des votes de l’ensemble des membres, le président du SERL a tenu à remettre les pendules à l’heure : l’assemblée est souveraine, dit-il en substance.

Vendredi, des profs de Montréal et de Laval ont déploré la durée des assemblées générales et l’heure tardive à laquelle les votes ont eu lieu.

« C’est l’assemblée générale qui prend la décision », rappelle André Arsenault. « On a essayé de teinter le moins possible notre présentation. On a été neutres pour que les gens puissent prendre leur décision », dit le dirigeant syndical.

La professeure de l’UQTR Diane Gagné explique de son côté que la durée d’une assemblée ne témoigne pas d’une entorse au processus démocratique.

« Ce sont les membres qui doivent demander le vote lorsqu’il s’agit de voter le renouvellement de la convention et l’on doit agir selon les statuts en vigueur, justement pour éviter des tours de passe-passe », dit Mme Gagné.

Le taux de participation des profs du SERL au vote de jeudi est de 41 %. Environ 2700 enseignantes ont voté, sur un total de 6500. André Arsenault estime qu’il s’agit d’un « beau taux de participation », considérant, dit-il, que près de 3000 de ces membres sont à temps partiel ou font de la suppléance.

Reste que les membres de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal ont choisi d’entériner l’entente et qu’avec près de 10 000 membres, ce syndicat pèse lourd dans la balance. Est-ce un dur coup, pour le syndicat des profs de Laval ?

André Arsenault rit quand on lui pose la question, mais refuse d’y répondre. Oui, l’Alliance des profs est « un gros morceau », admet-il.

Les votes des syndiqués affiliés à la FAE se poursuivront la semaine prochaine et jusqu’au 31 janvier. Jusqu’à maintenant, trois des neuf syndicats se sont prononcés. Deux ont voté pour l’entente.

— Avec la collaboration d’Alice Girard-Bossé, La Presse

Entente de principe du Front commun

Les orthophonistes et audiologistes ne s’entendent pas

L’Association québécoise des orthophonistes et audiologistes (AQOA) a pris position vendredi contre l’entente de principe du Front commun.

« Ce qu’on voit à travers cette entente proposée, c’est qu’on ne sent pas que le rôle des orthophonistes et des audiologistes est reconnu à sa juste valeur. C’est ça qui entraîne de la déception », a déclaré à La Presse la présidente du conseil d’administration de l’AQOA, Marie-Philippe Rodrigue.

Les sources d’irritation majeures concernent les augmentations salariales, l’écart entre leurs conditions et celles de leurs collègues spécialistes, ainsi que le remboursement des frais de l’Ordre réservé aux orthophonistes et audiologistes à temps complet.

« Sur la base d’un salaire annualisé, les orthophonistes et audiologistes ont des conditions salariales moindres que celles des enseignants. Les enseignants font un travail colossal et admirable, mais certains orthophonistes et audiologistes ont un bac en enseignement et une maîtrise de plus », dit Mme Rodrigue.

Sur le plan des salaires, le Front commun a obtenu des augmentations de 17,4 % sur cinq ans. Les orthophonistes et audiologistes espéraient une augmentation salariale plus substantielle, afin de rattraper le « retard accumulé ».

Selon l’Association, le manque de valorisation dans le secteur public entraîne un exode du personnel. Déjà, en octobre, il restait 156 postes d’orthophoniste à pourvoir dans le réseau public, ainsi que le rapportait La Presse en novembre. C’est 21 postes de plus qu’à pareille date en 2022.

« Dans l’entente proposée aux enseignants, il y a cette idée d’offrir plus de soutien. De notre côté, on ne ressent pas cette reconnaissance. Ce n’est pas parce qu’on est moins nombreux qu’on est moins essentiels », résume Mme Rodrigue. Elle souhaite que le gouvernement reconnaisse l’importance des interventions réalisées par les orthophonistes et les audiologistes, tant dans le réseau de l’éducation que dans celui de la santé.

De l’amertume

« Les psychologues auront eu des primes d’attraction et de rétention que nous n’avons pas dans l’entente de principe, ce qui donne une petite amertume », dit Marie-Philippe Rodrigue. Elle estime que cette décision soulève des questions sur l’équité dans le traitement des professions au sein du Front commun.

Tous les psychologues des réseaux de la santé et de l’éducation obtiendront en plus une majoration salariale de 10 %, peu importe le nombre d’heures travaillées. Les psychologues qui travaillent cinq jours par semaine bénéficieront d’une prime additionnelle de 6,5 %.

Plus tôt cette semaine, La Presse rapportait que des orthophonistes du réseau public jugeaient la nouvelle entente de principe du Front commun « extrêmement décevante » et s’apprêtaient à voter contre la proposition. Les spécialistes déplorent notamment que Québec envisage de rembourser jusqu’à la moitié des cotisations aux ordres professionnels uniquement aux employés ayant un poste à temps plein.

Cette avancée est insuffisante, estime l’association. « Il est injustifiable de ne pas reconnaître le travail des orthophonistes et des audiologistes à temps partiel alors que les frais annuels sont fixes et obligatoires pour pratiquer la profession », a déclaré l’association dans un communiqué de presse vendredi.

Depuis lundi, les membres du Front commun sont appelés à voter sur l’entente. Plus de la moitié d’entre eux doivent voter pour l’entente pour qu’elle soit acceptée.

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