SOLO

Un film d’amour et de liberté

Maquilleur de jour et étoile montante de la scène drag la nuit, Simon (Théodore Pellerin) est un garçon comme les autres. Malgré sa folie et son excentricité, il a besoin d’amour. Toutefois, il le cherche aux mauvais endroits…

Lorsque Simon croise la nouvelle recrue du bar où il performe, Olivier (très bon Félix Maritaud), c’est le coup de foudre ! Amoureux, il va s’éloigner de sa sœur et de ses amis, croyant avoir trouvé à la fois un complice sur la scène et dans la vie. Olivier, d’abord charmant, s’avère un être manipulateur et menteur qui entraînera Simon dans une relation toxique et destructrice.

Après avoir dirigé Chien de garde et Souterrain, deux premiers longs métrages fort réussis, Sophie Dupuis confirme ici son immense talent. Avec un style original et assumé, la réalisatrice filme toujours ses personnages avec empathie, peu importe leur milieu social, leur genre ou leur identité. Il y a quelque chose d’anthropologique dans son approche de la mise en scène ; sa manière de traiter son sujet. Elle plonge dans un milieu qui lui est étranger pour mieux le comprendre. Et surtout, pour l’aimer.

L’art de la drag, c’est bien sûr un monde où la performance, le plaisir et le divertissement sont rois (ou reines) ! Voilà pourquoi cet univers attire bien des réalisateurs au cinéma, de Some Like It Hot à Priscilla, folle du désert. Or, rarement a-t-on vu au cinéma au Québec la scène des bars LGBTQ+, la nuit et sa faune colorée aussi bien rendues que dans SOLO. Le film nous entraîne au cœur des numéros électrisants des drags, grâce à la superbe direction photo de Mathieu Laverdière (un collaborateur assidu de Dupuis). La caméra bouge, saute, virevolte, puis s’attarde à un geste, un détail. Avec maestria.

Dans la peau de Simon, Théodore Pellerin est grandiose. Cet acteur est dans une classe à part. Il nous fait sentir toute la quête, le vertige de Simon dans le moindre regard. C’est une performance exceptionnelle.

Une mention pour la reine mère du bar, Frida, interprétée par Jean Marchand, qui est très émouvant et très juste.

Le désamour

Si SOLO dépeint une part de la réalité et des excès du milieu des drag-queens, c’est d’abord un film sur la liberté de vivre sa vie. Et aussi un film d’amour, plutôt de « désamour ». On voit autant Simon dans son personnage de drag que l’homme derrière la drag-queen. Et Pellerin incarne avec brio l’une et l’autre de ces deux facettes.

En parallèle, le jeune homme vit une relation difficile avec sa mère, Claire (Anne-Marie Cadieux), une célèbre cantatrice qui revient à Montréal après une longue absence. Simon cherche aussi l’amour de cette femme inaccessible, qui a choisi son illustre carrière avant sa famille.

Malheureusement, ce personnage reste trop superficiel pour nous toucher. Le scénario aurait pu approfondir la relation. Dupuis semble aussi avoir manqué d’inspiration pour les personnages secondaires : le père, la belle-mère, la sœur... Bref, les gens qui tournent autour de Simon sont assez unidimensionnels.

Malgré ces maladresses, SOLO reste un film flamboyant, touchant et libérateur. La touche Sophie Dupuis, c’est le mariage de la sensibilité et de la liberté. Cette cinéaste laisse parler son cœur à chaque plan.

Drame

SOLO

Sophie Dupuis

Théodore Pellerin, Félix Maritaud, Alice Moreault

1 h 42

En salle

7,5/10

El Conde

Pinochet en vampire sanguinaire

Le dictateur chilien Augusto Pinochet est un vampire de 250 ans, fatigué par la vie, qui souhaite mettre fin à ses jours après les crises et scandales qu’il a provoqués.

En cette semaine du cinquantième anniversaire du coup d’État qui a porté Augusto Pinochet au pouvoir au Chili, Pablo Larraín présente sur la plateforme Netflix El Conde (Le comte), une histoire de vampires délirante où le dictateur sanguinaire prend les traits d’un vampire vieux de 250 ans.

Lauréat du Prix du scénario au Festival de Venise avec son complice Guillermo Calderón, Pablo Larraín (No, Neruda, Spencer, Jackie) a imaginé un univers fantastique dans lequel le général Pinochet est un ancien royaliste adorateur de Marie-Antoinette, qui a fui la France pendant la Révolution avant de trouver refuge au Chili.

Quelque 250 ans plus tard, miné par les scandales, le dictateur déchu (Jaime Vadell) veut en finir avec la vie. Embauchée par les enfants de Pinochet, qui n’en peuvent plus d’attendre leur héritage, une jeune nonne francophone (Paula Luchsinger) tente de séduire le vieux vampire pour mieux l’exorciser. Alors même que son fidèle serviteur (Alfredo Castro) fomente un complot avec sa femme (Gloria Münchmeyer). Et que l’étonnante narratrice à l’accent britannique finit par intervenir dans le récit.

Cette satire rocambolesque, qui distille un humour noir et décalé, a été tournée en noir et blanc dans une esthétique quasi bergmanienne, avec un soupçon de réalisme magique sud-américain. Comme si Béla Tarr s’abandonnait à un récit purement sardonique ou que Carl Theodor Dreyer avait imaginé une Jeanne d’Arc stratégique et calculatrice.

C’est pourtant à Irréversible de Gaspar Noé que l’on songe spontanément au début du film, en raison d’une scène horriblement violente qui annonce une œuvre gore à souhait. En effet, le sang gicle lorsque des cœurs fraîchement extirpés de corps agonisants sont envoyés au malaxeur, pour un power shake peu ragoûtant, aux propriétés rajeunissantes hors du commun.

La mise en scène de Larraín, minutieuse et soignée, dicte le rythme d’un récit moins contemplatif que les précédentes biographies filmées plus traditionnelles du cinéaste chilien, au sujet de Jackie Kennedy ou de Lady Diana Spencer, notamment. La trame sonore symphonique et lyrique se prête à merveille à cette dystopie particulièrement cynique, doublée d’une fable familiale sur la corruption, l’avarice et la cupidité.

Comédie fantastique

El Conde

(v. f. : Le comte)

Pablo Larraín

Jaime Vadell, Paula Luchsinger, Gloria Münchmeyer, Alfredo Castro

1 h 50

Sur Netflix

7,5/10

A Haunting in Venice

Poirot et les fantômes

Profitant de sa retraite à Venise, Hercule Poirot accepte à contrecœur l’invitation d’une amie romancière à une séance de spiritisme. Lorsqu’un des convives est tué, le célèbre détective doit reprendre du service.

Pour sa troisième fois dans la peau d’Hercule Poirot – en plus d’être de retour derrière la caméra –, Kenneth Branagh dévoile la vulnérabilité de l’infaillible détective. Devant des phénomènes surnaturels, son esprit ultra rationnel est mis à l’épreuve. Il doute, sursaute, est seul à voir et entendre certaines choses. Il est même pris d’un malaise lors d’un interrogatoire.

Depuis que Kenneth Branagh et le scénariste Michael Green adaptent des romans d’Agatha Christie au grand écran, leur traitement de Poirot s’apparente à celui de James Bond ou même à celui d’un superhéros – Michael Green a coécrit Green Lantern et Logan. Aussi mystérieux qu’efficace, le fin limier n’a que pour faiblesses les cicatrices du passé et son humilité. Il est intéressant de le voir déstabilisé par les évènements à l’intérieur d’un palazzo vénitien qui semble hanté, même si ceux-ci tournent quelque peu en rond.

Inspirée du livre Hallowe’en Party – transposé ici au cinéma pour la première fois –, l’histoire comporte des éléments d’épouvante et emprunte un style gothique. Bien que la bande-annonce soit presque celle d’un film d’horreur, l’essence demeure semblable à ce qu’on a vu dans Murder on the Orient Express et Death on the Nile. A Haunting in Venice est, selon nous, supérieur grâce à son ambiance macabre, avec un Poirot plus imprévisible, mais surtout par la variété de ses personnages secondaires.

La distribution d’A Haunting in Venice ne rivalise toutefois pas avec celle (tout étoiles) de Murder on the Orient Express, mais les personnages forment une brochette de suspects/témoins/victimes plus amusante. Tina Fey (Date Night) ajoute de l’humour, Michelle Yeoh (Everything Everywhere All at Once), de l’étrange, Kelly Reilly (Sherlock Holmes), de la fragilité. Les jeunes Emma Laird et Jude Hill sont aussi fort convaincants. Seul Jamie Dornan (Fifty Shades of Grey) n’est pas à la hauteur. Un peu comme Gal Gadot dans Death on the Nile...

Les magnifiques images sont toujours celles du directeur photo Haris Zambarloukos, alors que Hildur Guðnadóttir (Joker, Tár) prend habilement la relève de Patrick Doyle pour la musique.

Tant que le public est en rendez-vous, Kenneth Branagh et Michael Green pourraient poursuivre longtemps leur série d’adaptations des histoires d’Agatha Christie. La formule ne sera jamais renversante, mais elle assez efficace pour divertir bon nombre de cinéphiles.

Thriller

A Haunting in Venice

(v. f. : Mystère à Venise)

Kenneth Branagh

Kenneth Branagh, Tina Fey, Michelle Yeoh

1 h 43

En salle

6,5/10

Autres sorties

Cinquième et dernier volet de la romance entre Tessa et Hardin, et de la franchise After. Quelle sera la destinée du célèbre couple qui a traversé de nombreuses épreuves ?

Drame romantique

After Everything

(v. f. : After : La destinée)

Castille Landon

Hero Fiennes Tiffin, Josephine Langford, Louise Lombard

1 h 33

En salle

Autres sorties

Menacée de mort par des criminels, une jeune mère célibataire américaine, accompagnée de sa fille, demande l’aide de son père, à la retraite aux îles Caïmans.

comédie

The Retirement Plan

Tim Brown

Nicolas Cage, Ashley Green et Ron Perlman

1 h 43

En salle

Notre échelle expliquée

La Presse utilise la notation sur 10. Mais que signifient ces valeurs ? Voici quelques repères pour mieux comprendre notre appréciation d'une œuvre.

0/10 Nul

C’est le genre d’œuvre qui fixe la barre… en dessous de laquelle il est impossible d’aller. Un nadir dans notre vie de critique, à fuir à toutes enjambées.

2/10 Mauvais

C’est une œuvre si ratée qu’elle peut en devenir risible. Ou qui ne parvient pas à exploiter convenablement le filon auquel elle doit son existence.

4/10 Passable

C’est une œuvre en dessous de la moyenne. Peut-être une œuvre attendue qui nous a déçus, ou alors une œuvre qui ne marquera pas nos esprits.

6/10 Bien

Ce n’est pas une grande œuvre, mais elle a des qualités indéniables. Elle nous laissera généralement un bon souvenir.

8/10 Excellent

C’est une œuvre que l’on aura envie de revisiter avec le temps et qui a des chances de se retrouver dans notre liste de fin d’année.

10/10 Chef-d’œuvre

Une nouvelle œuvre peut-elle être classée chef-d’œuvre instantané ? Peut-être, mais très rarement. Une note très élevée indique cependant que cette œuvre s’approche de ce statut.

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