Réplique

Si l’école était importante

L’auteur s’adresse à Patrick Lagacé et réagit à sa chronique du 28 septembre sur l’utilisation du logiciel de correction Antidote1

Bonjour M. Lagacé, je lis vos chroniques avec beaucoup d’intérêt. Vous m’impressionnez chaque fois par la facilité avec laquelle vous semblez maîtriser la langue, conjuguant accessibilité et finesse. Pour ma part, bien que mon travail consiste en bonne partie à écrire chaque jour, cet exercice demeure, malgré les nombreuses années à exercer ma profession, douloureux.

Je choisis bel et bien le mot douloureux. En effet, mon parcours scolaire est parsemé d’extrêmes. Je me souviens encore de mon enseignante de cinquième année du primaire qui ne pouvait comprendre que j’obtienne une note de 45 % en français et de 95 % en mathématiques. Au primaire, j’ai toujours détesté le français ! Dans ma tête d’enfant logique et rationnel, les contradictions apparentes de cette langue écrite me paraissaient tordues et incroyablement inutiles. Pourquoi le son « é » devait-il s’écrire d’autant de façons ? Pourquoi chaque règle n’en était-elle finalement pas une, puisque chacune avait des exceptions ? Et encore là, pas toutes les règles ! Ce n’est qu’il y a quelques années que j’ai compris la différence entre des règles et des régularités. Pour vrai, merci à ma conjointe, orthopédagogue, qui m’a fait prendre conscience de cette différence. Ça a changé ma vie ! Enfant, je ne comprenais pas la logique de notre langue.

Ce n’est qu’à partir de la cinquième secondaire que j’ai commencé à entrevoir un certain intérêt pour cette langue riche et colorée. C’est la passion d’un enseignant qui a su nous en faire découvrir sa beauté et sa richesse. Mais on s’entend, j’avais une bonne dizaine d’années d’aversions et surtout d’apprentissages à rattraper. Je suis passé au travers de mes études collégiales et universitaires grâce à la qualité irréprochable de la langue de ma mère et, surtout, j’en suis infiniment reconnaissant, à sa patience légendaire à lire, relire, corriger et relire encore mes écrits. Je ne savais pas écrire !

J’ai amorcé ma carrière d’enseignant tant bien que mal, très conscient de cette faiblesse de ma part. Chaque fois stressé à l’idée d’écrire au tableau, me demandant si j’allais faire des fautes de français.

Évidemment, j’ai développé mes stratégies : « Je vous mets au défi de détecter mes erreurs de français au tableau. Je veux vérifier votre capacité à les reconnaître ! » Chaque fois que mes élèves en soulevaient : « Je te félicite ! Bravo pour cette vigilance ! » Je ne vous dis pas à quel point j’étais stressé d’écrire aux parents.

Ma carrière m’a finalement conduit vers la conseillance pédagogique. Accompagner des collègues, les aider à cheminer dans leur profession, leur permettre de s’améliorer. Vous imaginez le stress que je vivais. J’ai également eu le privilège de me joindre à des équipes d’écriture des programmes au ministère de l’Éducation. C’est là que j’ai véritablement appris à écrire. Par la coécriture. En réfléchissant avec des collègues, en me posant des questions, en tentant de formuler une même phrase de nombreuses fois jusqu’à ce qu’elle semble avoir le même sens pour tout le monde. C’est à cette époque que j’ai découvert Antidote. Quelle merveille ! Je pouvais enfin me concentrer sur les idées et cesser de me stresser avec les accords et la grammaire. Plus encore, cette application a grandement contribué à mon apprentissage de la langue. Elle m’a fait découvrir de nombreux anglicismes que je ne savais même pas en être. Elle m’a permis de mieux formuler mes idées, de réduire les répétitions et surtout de mieux écrire.

Je me souviens qu’un de mes collègues, maître incontestable de la langue de Molière, m’avait témoigné de son désarroi à constater que l’utilisation d’Antidote l’avait amené à oublier certaines règles d’écriture qu’il avait toujours sues par cœur. Je lui avais alors répondu qu’au contraire, comme nous le démontrent les neurosciences, le cerveau, lorsqu’il se libère de certaines tâches, peut consacrer davantage d’énergie à d’autres tâches. Son écriture s’en était probablement améliorée puisque son attention pouvait se concentrer en priorité sur les idées.

Revenons à l’utilisation d’Antidote au cégep. En tant que professionnel, je ne pourrais plus me passer de cet outil hors du commun.

Oui, j’en suis dépendant, tout comme je suis dépendant chaque jour de l’électricité et de l’eau courante, tout comme de mes technologies pour communiquer, accéder à l’information, créer et imaginer un monde meilleur et surtout faire en sorte qu’il advienne ! Toutes les technologies actuelles intègrent des fonctions d’autocorrection sous formes variées. Elles leurs sont de plus en plus intrinsèques. Antidote est non seulement l’un des plus puissants outils, mais surtout, par ses nombreuses suggestions, il représente un outil d’apprentissage hors du commun de notre merveilleuse langue. En 2021, la question selon moi n’est pas de savoir si les cégépiennes et les cégépiens devraient avoir droit ou non à ce puissant outil en tout temps, mais bien, est-ce qu’on leur apprend à s’en servir adéquatement ?

Dites-moi, M. Lagacé, vous servez-vous d’Antidote ?

P. S. – Merci, Antidote, pour les suggestions d’enrichissement de ce texte ! Il est maintenant un peu plus lisible, clair et inclusif.

(1) Lisez la chronique de Patrick Lagacé : « Si l’école était importante (18) »

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