Mercredi, 16 h 30. Inès Gauthier rentre de l’école à temps pour accueillir chez elle l’équipe de La Presse. Ce soir, elle a un devoir inusité, mais on ne lance pas un livre de recettes tous les jours.
Inès est en quelque sorte tombée dans la marmite quand elle était bébé : avec un père chef cuisinier (Éric Gauthier) et une mère mixologue (Fannie Gauthier), tous deux d’origine française, sa curiosité pour l’univers des saveurs a été nourrie au berceau.
« Pour moi, la bouffe, c’est super important, dit-elle avec enthousiasme. Ça nous rassemble et c’est aussi une occasion de prendre le temps d’apprécier les choses. Cette chocolatine, par exemple, dit-elle en pointant l’assiette remplie de viennoiseries qui nous fait de l’œil, on a mis du temps à la faire. Ce n’est pas rien ! »
De toute évidence, la jeune fille n’est pas du genre à se faire prier pour passer à table, pas plus que pour mettre la main à la pâte, d’ailleurs.
Ses ingrédients préparés, sa recette en tête, la pétillante demoiselle est prête à faire la démonstration de son savoir-faire en toute humilité. Au menu : un poulet à la normande qu’elle présente également dans son livre de recettes sorti hier en librairie.
Alors que le poulet frétille dans la poêle, elle y va de ses conseils. « Surtout, on goûte toujours ce que l’on sert. » Et puis, on se garde une place pour improviser. « Tu es plus poivré ? Mets plus de poivre. C’est pour toi ! Tu vois, là, j’ai oublié d’assaisonner en faisant revenir mon poulet. Mais c’est pas grave. Je vais en mettre plus dans la sauce », lance-t-elle avec désinvolture.
Les repas, c’est sacré
« Le week-end, plutôt que de passer mon temps sur un écran et de gâcher mon cerveau, moi, je cuisine. » Aussi à l’aise au fourneau que dans ses baskets, Inès coupe ses ingrédients, jette un coup d’œil à la préparation, la hume, la goûte. Elle a ce rapport à la nourriture qui ne se situe pas tant sur le plan de la gourmandise que dans le plaisir des sens, observe son père.
Petite, elle s’amusait à deviner à l’odeur les plats mitonnés pour le repas, relève-t-il. Maintenant, elle cherche à en déceler les ingrédients. « Sentir les ingrédients. Les toucher. Elle a toujours eu envie de découvrir de nouvelles choses, ce qu’on a alimenté en l’initiant à différentes saveurs. »
Chez les Gauthier, la cuisine est de toute évidence l’endroit où palpite le cœur de la maisonnée. « L’heure des repas, c’est sacré, chez nous, souligne la jeune fille. Déjeuner, dîner, souper : c’est tous les repas, sans exception. On s’assoit tous ensemble et on discute. C’est ce qui nous unit. »
Le plaisir de partager
Dans le plaisir de manger, il y a le plaisir de partager. Ce n’est pas un hasard si, à 10 ans, elle s’est qualifiée pour participer à l’émission de cuisine pour jeunes La relève. « Je n’avais pas envie d’être une star de la télé, mais de cuisiner avec des chefs et de partager ma passion », explique la jeune fille.
Quand elle a su qu’elle avait été sélectionnée, elle a entrepris d’apprendre les techniques de base en cuisine : lever les filets de poisson, apprendre les découpes de viandes et les cuissons, préparer les gâteaux… « Je lui ai dit : je ne te ferai pas de cadeau ! », raconte son père, qui a dirigé l’entraînement. « Il y a eu des pleurs, des rires. C’était dur », se souvient la jeune fille, qui lui a ensuite confié avoir passé ses plus beaux moments avec lui.
« Elle ne s’est pas rendue en finale, mais elle a touché le cœur des téléspectateurs et le mien. »
— Le chef Hakim Chajar, l’un de ses mentors à l’émission de TVA
Aujourd’hui, Inès espère toucher le public avec son livre de recettes qui met de l’avant des plats qu’elle aime et qui sont essentiellement inspirés de sa famille. Ses parrains, les chefs Chuck Hughes, Hakim Chajar et Laurent Godbout, lui ont aussi fait cadeau de quelques recettes. Et bien sûr, il y a des concoctions de son cru, comme les suçons au chocolat, les bâtonnets de cheddar passés au gaufrier ou les cookie shots au Nutella.
On y trouve des recettes plus attendues et d’autres qui étonnent, comme les rillettes aux maquereaux – « c’est facile et c’est tellement bonnnnnn ! » –, les sardines grillées, le risotto aux champignons, plusieurs plats de poisson. Autant d’aliments qui font normalement fuir les plus gourmands jeunes cuisiniers.
« Il y a beaucoup de livres de recettes faciles pour les enfants. On n’a pas voulu que ce soit le cas. J’espère que les gens – jeunes ou moins jeunes – vont aimer les recettes, qu’ils auront envie de les recréer en y ajoutant leur touche personnelle. Et qu’ils vont s’amuser. Il faut s’amuser ! »
Son poulet à la normande terminé, Inès dépose fièrement le poêlon au centre de l’îlot et en prend une bouchée. « Oh ! C’est réussi. Vous allez adorer, dit-elle en goûtant. Vous en voulez une bouchée ? » Certainement. (Et c’est effectivement succulent !)
Cuisine avec Inès
Inès Gauthier
Les éditions Goélette
132 pages
Ses conseils
C’est important de bien placer ses doigts – en pattes d’araignée [replier les phalanges] – quand on coupe pour ne pas se blesser.
Il faut connaître et savoir utiliser les bons ustensiles.
Si ça chauffe trop fort, on ne panique pas : on retire tout simplement la casserole du feu.
Surtout, on goûte en cours de préparation. On ne sert pas à ses invités ce qu’on n’aime pas soi-même.