COP27

L’Égypte tente de masquer sa répression

En accueillant la COP27 sur les changements climatiques, du 6 au 18 novembre, le régime égyptien s’engage dans un ambitieux exercice de relations publiques. Pour relever son défi, il doit toutefois réussir à détourner l’attention de la répression massive qu’il exerce sur sa population depuis des années.

En accueillant des évènements internationaux d’une telle ampleur, les régimes autoritaires cherchent à parfaire leur réputation. Ils tentent de s’afficher comme des partenaires internationaux respectables et s’efforcent de projeter une image de stabilité et de consensus. Or, tenir de tels évènements comporte pour eux des risques. Les nombreux journalistes étrangers présents sont susceptibles de lever le voile sur des tensions intérieures en focalisant leur attention non pas sur l’évènement, mais sur les restrictions politiques et les violations des droits de la personne qui sévissent dans le pays.

Les forces d’opposition comprennent bien cet enjeu et tentent souvent de l’exploiter.

Pour les critiques du régime, l’attention internationale accrue durant ces quelques jours est une bonne occasion de faire entendre leur cause.

Ils ont intérêt à perturber l’évènement, à court-circuiter l’image harmonieuse que le régime tente de transmettre, et à attirer l’attention sur ses contradictions. Comme les autorités ne contrôlent pas les médias internationaux, ces efforts peuvent être efficaces et parvenir à ternir l’image du régime.

Les régimes autoritaires emploient plusieurs stratégies pour prévenir de tels dérapages. Par exemple, ils intensifient la répression en prévision des évènements internationaux. Les autorités emprisonnent notamment les éléments perturbateurs en amont, avant même que ceux-ci aient pu se mobiliser. Cette répression « préemptive » permet au régime non seulement d’étouffer la dissidence, mais aussi de minimiser les risques que les journalistes étrangers soient témoins d’actes répressifs.

Augmentation de la répression

Des chercheurs se sont récemment penchés sur les méthodes employées par la junte militaire en Argentine pour tenter de contrôler son image lors de la Coupe du monde de soccer de 19781. En se fondant sur des données détaillées concernant la localisation et le calendrier des assassinats et des disparitions commis par le régime argentin, ces recherches révèlent une augmentation de la répression dans les semaines précédant les compétitions dans les villes hôtes qui attendaient des journalistes. La répression a presque entièrement cessé durant l’évènement sportif, alors que des journalistes étrangers étaient sur place, pour reprendre après leur départ. Les auteurs concluent que le régime cherchait à dissimuler sa répression et à l’éloigner du regard des médias étrangers.

Ces méthodes demeurent largement utilisées aujourd’hui, notamment lors de conférences internationales comme la COP27 en Égypte.

En préparation de la conférence, les autorités égyptiennes se sont lancées dans une vague d’arrestations⁠2 qui a été vivement dénoncée par des organisations de protection des droits de la personne.

La situation géographique de la conférence confère également un avantage aux autorités : la ville de Charm el-Cheikh est particulièrement difficile d’accès. Elle est située à des centaines de kilomètres des centres urbains, loin des tumultes de la capitale. Les autorités ont créé une zone réservée aux manifestations en marge de la conférence qui exige que les manifestants s’inscrivent auprès des autorités. Les délégations étrangères qui atterrissent à l’aéroport de Charm el-Cheikh risquent donc peu de rencontrer des manifestants.

Le bilan de l’Égypte sur le plan des droits de la personne est loin d’être enviable⁠3. Selon l’organisation non gouvernementale Amnistie internationale, le pays arabe le plus peuplé est arrivé au troisième rang mondial quant au nombre de prisonniers exécutés en 2021. Il est précédé par l’Iran, en deuxième position, et la Chine, qui trône au sommet. Elle devance l’Arabie saoudite, en quatrième position, et la Syrie, au cinquième rang.

Le coup d’État de 2013, qui a joui du soutien d’une importante partie de la population, et qui a mené à l’accession à la présidence du maréchal al-Sissi, a été suivi par une campagne de répression majeure qui a peu de précédents dans l’histoire contemporaine du pays. Le régime compte actuellement des dizaines de milliers de prisonniers politiques et les organisations de défense des droits de la personne dénoncent fréquemment l’usage répandu de la torture dans les prisons égyptiennes. Initialement dirigée contre les islamistes, cette répression s’est élargie pour cibler toute opposition politique, quelle que soit l’idéologie. Ces exactions se passent pour la plupart dans l’ombre, loin du site de la COP27, mais elles n’en sont pas moins bien réelles.

1. Lisez le texte de Cambridge Core (en anglais)

2. Lisez l’article de Jaela Bernstien de CBC (en anglais)

3. Lisez le texte de The Conversation

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