Chronique

Un patrimoine en 10 étapes simples

Patrimoine. Le mot impressionne. Il paraît inaccessible au commun des mortels qui doit épargner à la petite semaine en vue de sa retraite.

Mais rassurez-vous. Si le monde de la finance peut être extrêmement complexe, il est tout à fait possible d’accumuler un petit magot sans se compliquer la vie.

« Si on a une approche disciplinée, on peut faire beaucoup de choses avec des règles très simples », explique Sébastien Betermier, professeur de finance à la faculté de gestion Desautels de l’Université McGill.

Voici ses trucs…

1- Ne faites pas l’autruche

Avec la baisse des rendements potentiels et l’augmentation de l’espérance de vie, il faut prendre conscience de l’importance du défi financier que pose la retraite. En gros, « il faut épargner de 10 à 15 années complètes de salaire si on veut vivre de 20 à 25 ans à la retraite avec des revenus équivalant à 60 ou 70 % de son salaire final », évalue M. Betermier. « C’est beaucoup ! » Inutile de jouer à l’autruche.

2- Épargnez tôt

Plus on commence jeune, moins la tâche sera ardue. « Il y a une importance énorme à épargner tôt », insiste le professeur. Le dollar que vous épargnez au début de votre carrière aura quatre fois plus d’impact que celui que vous mettrez de côté quelques années avant de partir à la retraite, en tenant compte d’un rendement annuel de 4 à 5 %.

3- Mode automatique

Pour épargner sans douleur, automatisez vos cotisations, ne serait-ce qu’avec un petit montant chaque semaine pour commencer. Les employeurs offrent différents outils, dont le nouveau régime volontaire d’épargne-retraite (RVER). Sur l’internet, plusieurs conseillers robots permettent aussi de faire de l’épargne systématique.

Mais pour le professeur Betermier, il faudrait aller encore plus loin en développant des outils permettant aux épargnants de visualiser en temps réel les effets bénéfiques de l’épargne sur leur retraite future. Cela motiverait les épargnants, un peu comme l’indicateur qui montre le nombre de calories brûlées quand on court sur un tapis roulant.

4- Investissez tous azimuts

Diversifiez, diversifiez, diversifiez ! Cela réduit le risque. Pour une action individuelle, la volatilité est d’environ 50 %. Si le rendement potentiel se situe autour de 8 % par année en moyenne, cela signifie que vous pourriez gagner 58 % une année, mais perdre 42 % la suivante. Avec un portefeuille diversifié, la volatilité baissera autour de 12 à 16 %, si bien que les montagnes russes seront de trois à quatre fois moins épeurantes.

Pour réduire les frais de gestion, optez pour des fonds négociés en Bourse (FNB), qui coûtent 10 fois moins cher que des fonds communs traditionnels.

Et n’oubliez pas que la diversification internationale est particulièrement importante au Canada, où la Bourse est très concentrée dans les ressources naturelles et les services financiers.

5- Couvrir ou pas la devise ?

Toutefois, la diversification à l’étranger vous expose à un autre danger : celui du jeu des devises. Pour un investisseur plus âgé avec horizon limité, la devise peut avoir un impact important. Il est alors préférable d’opter pour un portefeuille couvert contre les fluctuations de change. Mais pour un investisseur à plus long terme, les risques de devises s’annulent sur 5, 10 ou 15 ans. Alors il est moins important de se protéger. Idem si on vit une partie de l’année à l’étranger.

6- Comme un jardin…

Comme un arbre qu’il faut tailler régulièrement, il est important de rééquilibrer son portefeuille pour éviter qu’une catégorie d’actifs prenne trop d’ampleur. Ceux qui ne veulent pas se casser la tête peuvent opter pour un portefeuille à date cible qui adapte automatiquement la répartition de l’actif en fonction de l’âge, car le profil d’investisseur n’est pas le même à 30 ans et à 60 ans.

Le rééquilibrage apporte beaucoup de valeur ajoutée, dit M. Betermier. Il force les investisseurs à vendre les titres qui ont bien performé et à racheter ceux qui traînent la patte, alors que les ménages ont l’instinct contraire.

Ceux qui ont eu le cran d’acheter dans le creux de 2008, alors que les actions étaient en mégasolde, ne l’ont pas regretté. Depuis, le rendement annuel a été de 18 à 20 %, soit le double du rendement affiché sur 50 ans.

7- Maximisez la fiscalité

Si vous investissez à l’étranger, prenez garde à la fiscalité. Par exemple, il faut éviter de mettre des actions étrangères à dividendes élevés dans un compte d’épargne libre d’impôt (CELI), car le pays étranger appliquera une retenue fiscale que vous ne pourrez jamais récupérer au Canada.

Un bon conseiller pourra vous aider à faire une répartition d’actifs efficace en fonction des impôts. « Il y a un coût à avoir un conseiller financier, mais ce n’est rien par rapport au coût de faire une diversification internationale trop rapide », estime M. Betermier.

8- Gardez la recette de base

C’est bien beau, la diversification, mais il ne faut pas exagérer non plus. Laissez à d’autres les fonds spéculatifs, les infrastructures, les produits exotiques, alouette. « J’éviterais à tout prix les produits structurés qui sont assez complexes, qui apportent du risque et qui coûtent très cher de frais qu’on ne voit pas nécessairement, je resterais très simple. »

Et le levier ? Non plus ! Trop risqué. Les ménages ont déjà assez de dettes avec leur hypothèque. Pas la peine d’emprunter pour surinvestir.

9- Pourquoi pas une rente ?

À la retraite, l’achat d’une rente vous procurera une paix d’esprit en vous garantissant des revenus jusqu’à votre mort, même si vous vivez jusqu’à 120 ans ! Pas besoin d’y mettre toute votre fortune. « Par contre, on peut mettre 5, 10 ou 15 %. Ça donnera au moins une base, avec les pensions de l’État », dit M. Betermier.

Il existe aussi des rentes différées qui ne s’activent pas tout de suite. Par exemple, on peut acheter à 65 ans une rente qui commence à l’âge de 80 ans. Voilà une autre solution à petite dose qui permet de se donner une assurance et de ne pas vivre dans l’anxiété de survivre à ses placements.

10- Trouvez un bon conseiller

« Il y a énormément de valeur à trouver un bon conseiller financier », affirme M. Betermier. Il faut prendre le temps de magasiner pour trouver la bonne personne, quitte à en rencontrer plusieurs et à commencer avec un petit capital pour voir comment la relation évolue.

Beaucoup de travailleurs qui bénéficient d’un régime de retraite à cotisations déterminées se retrouvent avec un patrimoine important lorsqu’ils partent à la retraite. C’est une source d’anxiété, car ils n’ont pas pu bâtir graduellement une relation avec un conseiller. Mieux vaut s’y prendre en amont.

Demain dans Vos finances

Lisez notre dossier complet sur la gestion de patrimoine. Au menu, des conseils, un quiz et on répond à la question « mais que fait mon gestionnaire entre nos rencontres ? ».

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