PROTECTION DE LA JEUNESSE
Les enfants aussi ont besoin d’un ange gardien

« Ouvrez vos cœurs et vos oreilles », a lancé Régine Laurent il y a quelques semaines pour alerter la population du Québec – tout en interpellant le gouvernement – quant aux effets de la pandémie sur les enfants les plus vulnérables.

Quoi de plus normal, direz-vous ! Régine Laurent préside la commission spéciale créée dans la foulée de la mort d’une fillette de 7 ans à Granby. Et elle a le tempérament nécessaire pour faire, s’il le faut, rentrer un cercle dans un carré.

Mais arrêtons-nous un instant pour réfléchir à une question dont la réponse est troublante : si Régine Laurent n’avait pas été là, qui serait monté au créneau pour défendre ces enfants avec autant de fougue et un tel retentissement ?

Personne.

Et l’heure est venue de remédier à ce problème.

La commission présidée par Régine Laurent a mis un terme à ses audiences la semaine dernière. Elle présentera ses ultimes recommandations au gouvernement Legault d’ici novembre. Elles s’annoncent aussi nombreuses et pertinentes que les problèmes sont divers et complexes.

Parmi ces recommandations, il faut espérer que la commission profitera de l’occasion pour demander à Québec de donner une voix aux jeunes. L’idée serait de trouver une personne dynamique et inspirante pour les défendre ; un ange gardien, en quelque sorte. Et de le faire le plus rapidement possible.

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Si quelqu’un avait mis son poing sur la table pour défendre les intérêts des enfants avec fermeté ces dernières années et si Québec avait accordé à cette personne suffisamment de ressources et de pouvoir, nous ne frôlerions peut-être pas autant la catastrophe.

Il y a lieu de croire que la détérioration des services de protection de la jeunesse, mais aussi de ceux offerts aux jeunes et à leurs familles en amont (en prévention), aurait pu être freinée.

Hélas, c’est le contraire qui s’est produit.

Le rapport de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) sur l’état des services de protection de la jeunesse, publié en février dernier, a démontré à quel point la situation est aujourd’hui désastreuse.

Tout comme les aînés du Québec, les jeunes les plus vulnérables ont été des laissés-pour-compte de la réforme de la santé libérale, qui a mené à la création des CISSS et des CIUSSS et, par conséquent, à une plus grande centralisation. L’hospitalocentrisme a été aussi toxique pour les CHSLD que pour les divers acteurs du réseau de la protection de la jeunesse.

Et même avant ces changements, la liste des problèmes structurels et des ratés du système qui est censé prendre soin de nos jeunes n’arrêtait pas de s’allonger.

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La suggestion de créer un poste qui s’apparenterait à celui de directeur national de la protection de la jeunesse, doté d’une indépendance semblable à celle du Protecteur du citoyen, a été faite par certains témoins entendus par la commission Laurent. Sa présidente y a fait écho à plusieurs reprises.

Cette très bonne idée mériterait de faire son chemin alors que la commission prépare son rapport final.

D’autres, ailleurs au pays, ont eu cet éclair de génie avant nous. Le Nouveau-Brunswick, par exemple, a mis sur pied un Bureau du défenseur des enfants et de la jeunesse en 2013. Québec pourrait s’en inspirer.

L’idée serait de couvrir un champ d’action complémentaire à celui de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, dont le travail, inestimable, n’a pas été suffisant pour changer la donne ces dernières années.

Une partie du travail d’un éventuel défenseur des jeunes ne figure pas au mandat de cette commission, qui, par ailleurs, manque de moyens pour mener à bien toutes ses ambitions quant au sort de nos jeunes.

Notons aussi que les sorties publiques de la CDPDJ (elle a sonné l’alarme, elle aussi, depuis le début de la pandémie), pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons, n’ont pas toujours l’écho souhaité.

Enfin, Québec obtiendra bientôt de la commission présidée par Régine Laurent un plan d’action détaillé pour mieux protéger nos enfants. Nommer un ange gardien serait aussi une excellente façon de venir à bout des obstacles qui, forcément, se dresseront sur le chemin des espoirs de changement.

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