Théâtre

47 ans de marionnettes

Mercredi soir au Théâtre Outremont, plusieurs artisans du milieu de la marionnette ont rendu hommage à André Laliberté, directeur artistique du Théâtre de l’Œil depuis 47 ans. La Presse a parlé à ce pionnier, qui prendra sa retraite à la fin de la saison.

Près de 30 marionnettistes se sont réunis sur scène pour souligner le travail de l’homme de 73 ans, qui a été l’un des principaux artisans du théâtre jeune public au Québec : en plus de diriger le Théâtre de l’Œil, il est aussi le président-fondateur de la Maison Théâtre, véritable institution du théâtre jeunesse à Montréal depuis 1984.

C’est à la suite d’une tragédie – après avoir été heurté par une voiture à l’âge de 13 ans – qu’André Laliberté a découvert ce qui allait devenir la passion d’une vie.

« J’étais hospitalisé à l’Hôpital pour enfants et on nous a présenté un spectacle de marionnettes à fils. C’était un ballet sous-marin, très beau. Je n’avais jamais vu ça de ma vie ! Tout ce que je connaissais aux marionnettes, c’était Pépinot et Capucine, que je voyais à la télé. »

— André Laliberté

La vie l’a mis sur la route de Micheline Legendre, fondatrice du Théâtre de marionnettes de Montréal. Il a travaillé à ses côtés pendant 10 ans, perfectionnant son maniement de la marionnette à longs fils, avant de fonder le Théâtre de l’Œil avec Francine Saint-Aubin, en 1973. « Il y avait un pétillement culturel à l’époque, c’était la naissance du théâtre jeune public, pour ainsi dire. »

Dès le début de la compagnie théâtrale, les fondateurs ont une idée bien précise de ce qu’ils souhaitent, c’est-à-dire favoriser la création d’œuvres nouvelles en ouvrant le plus possible le théâtre à des artisans venus de l’extérieur du milieu de la marionnette.

Et quels artisans ils ont réussi à attirer à travers les années ! Larry Tremblay, Étienne Lepage, Olivier Reichenbach, Martine Beaulne, Catherine Vidal… « Même Michel Tremblay a écrit un spectacle pour nous : Les grandes vacances. Parmi nos 28 créations, c’est le seul spectacle destiné aux adultes de notre théâtrographie », dit André Laliberté. Certaines des créations – Le porteur, notamment – ont été présentées à l’étranger : en Chine, au Japon, en Angleterre, en Allemagne…

Catherine Vidal, que l’on connaît surtout pour ses mises en scène (notamment L’idiot et Les amoureux), a travaillé comme interprète-marionnettiste avec André Laliberté dès 2007, sur le spectacle Ah la vache !. Elle a ensuite assuré la mise en scène du spectacle Le cœur en hiver, signé Étienne Lepage. « Lorsque tu travailles avec André, tu te sens choisi. Malgré sa grande expérience, il a une grande confiance, une tendresse même, pour ceux avec qui il travaille », raconte Catherine Vidal.

« Toute la base de ma formation de manipulation, c’est André qui me l’a apprise. Il a donné le goût de la marionnette à bien des gens, notamment à plusieurs jeunes qui sortaient des écoles de théâtre. »

— Jean Cummings, marionnettiste et concepteur

André Laliberté n’a jamais perdu sa passion pour l’art de la marionnette. Lorsqu’il en parle, sa voix s’illumine. « La marionnette exerce un pouvoir sur le public depuis la nuit des temps. Faire bouger de la matière inerte, donner vie à une histoire à travers une paire de bas ; c’est magique. Ça m’a amusé beaucoup. »

Pour son dernier spectacle à titre de directeur artistique, André Laliberté souhaitait retourner à ses anciennes amours, la marionnette à longs fils, « une technique difficile d’approche qui n’est presque plus enseignée ». C’est ainsi qu’est né le spectacle Les saisons du poulain, qui a reçu un accueil chaleureux de la critique et du public après son passage à la Maison Théâtre, en novembre dernier.

C’est Simon Boudreault qui prendra la relève à titre de directeur artistique du Théâtre de l’Œil.

« André m’a transmis la passion de la marionnette dès ma sortie de l’école. C’est un art qui exige de la patience, car il y a une technique qu’il faut intégrer, puis dépasser à chaque spectacle. »

— Simon Boudreault, futur directeur artistique du Théâtre de l’Œil

Il compte bien marcher dans les traces de son prédécesseur en invitant des auteurs contemporains à écrire des pièces jeunesse pour le Théâtre de l’Œil. Ainsi, la prochaine création sera signée par Olivier Kemeid. « Et Fanny Britt a déjà accepté de collaborer avec nous. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.