« On est en train d’étouffer la STM »
Le directeur général de la Société de transport de Montréal (STM), Luc Tremblay, quitte le navire. Il démissionnera en avril, après une carrière de 28 ans au sein de l’organisme, qui se trouve dans une « situation financière critique ».
La société de transport a confirmé que « M. Tremblay a avisé le conseil d’administration mercredi qu’il ne désirait pas renouveler son contrat qui venait à échéance le 31 décembre prochain ». Comme 2022 est « une année de préparation du prochain plan stratégique organisationnel 2030, qui définira les 10 prochaines années », il a été « convenu d’un départ le 2 avril prochain ».
D’ici là, un processus d’embauche sera lancé pour remplacer Luc Tremblay. Ce dernier était directeur de la STM depuis 2014. Il y avait par le passé occupé diverses fonctions, notamment celles de trésorier et de directeur des finances dès 2007 et de président des comités des régimes de retraite.
« C’est assez émotif pour moi aujourd’hui. Quand on est dans ce domaine-là, on est passionnés, on est convaincus que le transport collectif, c’est l’avenir. Cette décision me demande beaucoup d’énergie », a expliqué M. Tremblay à La Presse. Se disant « inondé d’amour et de messages positifs », il ne cache pas qu’il entame un certain « deuil », ne sachant pas encore exactement à quoi ressemblera la suite pour lui.
Son départ survient quelques mois après celui de l’ex-président du conseil d’administration Philippe Schnobb, qui a été remplacé par le conseiller municipal Éric Alan Caldwell. Plus récemment, à la mi-janvier, la société de transport s’était dite dans une « situation financière critique », avouant ignorer comment elle pourra boucler l’année. Au centre du problème : « une chute drastique » de la fréquentation du réseau, conséquence directe de la pandémie.
Semblant régler ses comptes, le DG sortant a déploré mercredi dans une déclaration qu’il manque deux éléments fondamentaux pour débloquer le plein potentiel de la STM : « une refonte du financement des transports collectifs et une gouvernance métropolitaine efficace ». « La structure de financement, qui date des années 1990, est totalement déconnectée des nouveaux besoins pour notre secteur », fustige-t-il.
En entrevue, il précise que la STM n’a tout simplement « pas les moyens de ses ambitions depuis longtemps ». « Oui, le gouvernement nous a soutenus pendant la pandémie, mais le problème date de bien avant, et il n’y a pas eu d’aide pour ça. On ne pourra pas continuer d’avancer si on ne change pas réellement la structure financière », juge-t-il, en implorant Québec de mettre sur pied des « sources de fonds indexées et récurrentes », voire des « fonds dédiés » au transport collectif. « On doit développer, certes, mais il ne faut pas oublier l’entretien de nos infrastructures, qui ont entre 60 et 100 ans. »
Il dénonce aussi que la gouvernance métropolitaine soit « dysfonctionnelle à plusieurs égards ». Alors qu’il était favorable à sa création à l’origine, M. Tremblay constate aujourd’hui que l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) « tarde à démontrer des résultats ». « On est en train d’étouffer la STM. […] La planification se fait par le privé, et pas par les acteurs qui sont supposés le faire. Même le plan de développement, cet automne, a été désavoué par le gouvernement », conclut-il.
À l’hôtel de ville de Montréal, la mairesse Valérie Plante a remercié M. Tremblay en promettant de « continuer d’appuyer la STM et de travailler avec tous les paliers pour assurer du transport collectif performant, durable et sécuritaire ».
Du côté de l’opposition, on interprète le départ de M. Tremblay comme un symptôme de la façon dont l’administration gère le dossier du transport en commun depuis quelques années. « Le déficit de 43 millions de dollars dans le budget 2022 de la Société de transport de Montréal a dû être la goutte qui a fait déborder le vase », a affirmé le chef de l’opposition Aref Salem, par courriel. Il a ajouté : « Selon nous, Luc Tremblay voit l’administration Plante embarquer dans le mauvais wagon depuis des années. Il l’a vue faire dérailler la STM en présentant un budget déficitaire et n’a probablement pas voulu être associé à une telle gestion, qui ne présente aucune alternative pour remettre la Société sur le droit chemin. »