Billet

Qui sont ces gens qui se parlent tout seuls ?

Le transport en commun est un territoire riche en personnages de tous genres. La station Radisson est particulièrement hétéroclite puisqu’elle est située tout près de l’hôpital psychiatrique Louis-H. Lafontaine. Des passants parlent à voix haute sans interlocuteur. J’ai voulu en savoir davantage.

Territoire fertile d’observation

J’entends au loin un débit de paroles rapides et décousues. Je passe mon chemin sans trop y prêter attention. De nature anxieuse, je dois faire preuve de prudence lors de mes déplacements. J’ai remarqué que la plupart des gens détournent le regard quand ce genre de comportement arrive, même si certains parlent très fort.

J’observe constamment les personnes hors norme qui m’entourent dans le métro.

C’est plus fort que moi. J’utilise ma peur des gens pour en apprendre davantage sur les différentes personnalités avec lesquelles je dois cohabiter, puisque je vends le magazine dans le métro.

Et il y a aussi ceux qui, simplement, parlent au téléphone, mais n’en ont pas. Moi, ça me fascine, mais je ne crois pas que les gens partagent cette idée. Ont-ils des amis imaginaires ? Souffrent-ils d’une maladie mentale ou sont-ils juste trop intoxiqués ? Il faut avouer que ce n’est pas facile de faire la part des choses.

Je crois que le phénomène de tenir un discours à soi-même est mal connu, c’est pourquoi j’ai mené ma petite enquête. Faire comme si le problème était inexistant est de mon point de vue un signe qu’on n’est pas aussi inclusif qu’on aimerait le croire. Je me suis donc penchée sur la bonne attitude à adopter.

Agent de la paix

Un agent de la STM que je connais passe devant moi par hasard.

« Est-ce que je peux vous poser une question ?

— Oui, me répond-il gentiment.

— Est-ce que vous avez remarqué si le nombre de personnes qui se parlent toutes seules a augmenté dernièrement ?

— Tout est en hausse : toxicomanie, maladie mentale, suicide », m’a-t-il informée.

La violence aussi l’est, comme j’en avais parlé dans une édition précédente. Je continue mon entrevue non officielle rapidement, car je sais que les agents de la STM sont très occupés.

« Qu’est-ce que vous faites quand vous voyez quelqu’un qui se parle genre très fort à lui-même ?

— Mon premier réflexe est de voir si quelqu’un s’en est plaint. Sinon, on essaye de lui parler. On va à la pêche, on pose des questions pour savoir s’il est dangereux pour lui-même ou pour les autres. Puis, s’il me répond, je lui demande s’il a des gens autour de lui, un intervenant, un professionnel de la santé qui s’occupe de lui. Je peux même le référer à des équipes spécialisées et à certaines ressources. Il a le droit de ne pas me répondre, mais ma job, c’est de s’assurer que tout le monde est en sécurité. »

De quoi parle-t-on ?

Le terme qu’on utilise pour les gens qui se parlent à eux-mêmes est la logorrhée, qui est une forme de discours solitaire que tient une personne avec elle-même.

Dans certains cas, c’est l’effet d’une accélération du flux de pensées et ce n’est pas nécessairement associé à une pathologie spécifique. Certaines personnes ont des logorrhées anxieuses. Celles-ci libèrent un trop-plein de pensées, ce qui aide à gérer leur stress.

Ça a déjà été mon cas. En raison de l’arrêt trop rapide d’anxiolytiques, par exemple. Lorsque j’ai diminué ce médicament, on aurait dit que j’avais plusieurs personnes dans ma tête, les mots s’entremêlaient, je n’arrivais pas à m’exprimer à voix haute et j’ai dû utiliser l’écriture pour m’aider à maîtriser mes tempêtes psychiques.

Sans jugement

Depuis que je suis camelot à L’Itinéraire, mon regard a changé face aux personnes en général. Mon sens de l’observation exacerbé par mon hypervigilance m’amène à la curiosité. Je veux comprendre les autres et ainsi évoluer en tant qu’être humain.

Avant, cette partie de moi qui éprouvait jugement et répulsion envers les autres a changé. J’ai acquis une ouverture d’esprit qui me fait grandir. Nous sommes tous concernés par cet enjeu de société qui s’accentue de jour en jour. Essayons ensemble de comprendre ces gens au lieu de les ignorer. Nous avons tous et toutes nos propres couleurs psychiques. J’ajouterais : la morale de cette histoire, c’est qu’il vaut mieux s’informer que de juger sans savoir.

Cet article a été édité. Pour lire la version intégrale, procurez-vous une copie de l’édition du 1er mai sur le site de L’Itinéraire.

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