Critique

Sortir les enfants de l’école

Documentaire

Être et devenir

De Clara Bellar

1 h 38

2 étoiles et demie

Depuis la nuit des temps, l’humanité s’est demandé quelle était la meilleure façon d’éduquer ses enfants. Certains, dont des professeurs de tous les niveaux, en sont venus à la conclusion qu’il valait mieux les retirer du système scolaire. Pas pour leur faire l’école à la maison. Plutôt pour les laisser apprendre par eux-mêmes, ce que les Anglos appellent l’unschooling. Clara Bellar a voulu fouiller la question controversée dans son documentaire bancal Être et devenir.

La première réalisation de l’actrice française est née d’un questionnement à la suite de la naissance de son enfant, en 2008. Peut-il apprendre de façon autonome, ou doit-il, dès son plus jeune âge, s’intégrer à un système qui coupe tout ce qui dépasse et étouffe toute autonomie ?

Elle prend donc sa caméra pour interroger des experts sur la question. Ceux-ci lui répondent que l’enfant est naturellement créatif et qu’il doit apprendre en choisissant ses centres d’intérêt. « On formate la pensée, ce qui empêche les enfants de sortir des sentiers battus », lui fait-on valoir.

La plupart des intervenants sont des universitaires bardés de titres. N’empêche. Elle angoisse : est-ce un choix irresponsable ? Pourra-t-il aller à l’université s’il veut exercer une profession qui l’exige ? Oui, conclut-elle, preuves à l’appui, filmant des familles qui ont choisi de laisser leurs enfants libres de leur choix. Après tout, l’école n’est pas garante de réussite.

Clara Bellar interroge plusieurs familles épanouies qui ont fait ce choix et dont les enfants tirent leur épingle du jeu, dont ceux de la rectrice de l’Université Brown, aux États-Unis. Elle démontre aussi que le phénomène est loin d’être marginal dans certains pays, dont l’Angleterre.

La grande force d’Être et devenir est de remettre en cause nos idées reçues sur l’éducation et sur la notion de succès. Et de forcer la réflexion et les discussions (ce que j’ai fait avec mes trois enfants).

On peut lui pardonner l’amateurisme flagrant de la réalisation et son côté vidéo maison. Malheureusement, sur le fond, son jupon dépasse trop. Clara Bellar est partiale, à la limite du prosélytisme, ce qui gâche son travail.

Des gens pour qui l’expérience s’est avérée malencontreuse ? Je n’en ai pas rencontré, dit-elle. Hum. La réalisatrice évacue aussi rapidement les contraintes qu’impose ce choix, notamment la marginalisation des enfants et l’impact sur la vie de couple.

Car plusieurs d’entre eux ont des vies parallèles : elle travaille le jour, lui, le soir (ou l’inverse). Ou bien l’un d’eux, très souvent la femme, reste à la maison, un choix financier parfois douloureux. « La seule chose que je peux vraiment leur donner, dit l’une d’elles, c’est du temps. » Ça se défend.

Ce tableau idyllique d’un mode de vie alternatif, néohippie écolo-granola, peut facilement être écarté de la main, voire ridiculisé. Il reste qu’il est troublant de voir qu’une majorité des parents interrogés sont professeurs – même si l’échantillon est biaisé, ça demeure troublant. Et qu’on peut comprendre la volonté des parents d’offrir la possibilité à leurs enfants d’être et de devenir le meilleur d’eux-mêmes.

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