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Comment expliquer le succès du Big Mac ?

Il y a 50 ans, un hamburger garni d’une curieuse sauce faisait son apparition dans les McDonald’s des États-Unis et du Canada. Après avoir propulsé l’expansion de l’entreprise à l’étranger et avoir généré des ventes faramineuses, le Big Mac est aujourd’hui le sandwich le plus connu du monde. Comment expliquer cet engouement qu’aucun autre restaurateur n’a réussi à reproduire ?

Un mets phare

Pour certains, il s’agit d’un emblème, d’un symbole de la culture américaine au même titre que l’iPhone et les jeans Levi’s. D’autres y voient un mets signature unique ou réconfortant. Pour d’autres, c’est de la simple malbouffe. Mais impossible de nier la grande notoriété et le pouvoir d’attraction du Big Mac auprès de toutes les générations, et ce, partout dans le monde.

Le secret ? « Si on le savait, on le reproduirait ! », lance en riant Alain Girard, sociologue et chercheur à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ).

Plus sérieusement, il y voit à la fois « un symbole du capitalisme triomphant et de la vie américaine », un « produit spécial » qui fait maintenant partie « de la culture pop ».

« Le Big Mac a échappé à McDo. Il a sa propre vie dans la culture pop, la musique, le film, le roman. Il a une vie autonome. Il en est venu à symboliser les États-Unis à lui seul. »

— Alain Girard, sociologue et chercheur à l’ITHQ

Indissociable de « la marque iconique américaine McDonald’s », le Big Mac doit une partie de son succès à sa capacité de faire rêver les clients aux quatre coins du monde, note Jean-François Ouellet, professeur de marketing à HEC Montréal. « Tu n’iras peut-être jamais aux États-Unis de ta vie parce que tu n’en as pas les moyens, mais en mangeant un Big Mac, tu te rapproches un peu de la statue de la Liberté. »

Vu son immense succès, le Big Mac est « LE produit phare » que tous les restaurateurs rêvent d’inventer, dit le professeur Jordan LeBel, expert en marketing alimentaire à l’Université Concordia. Or, « c’est plus compliqué qu’on pense de développer un mets signature. D’ailleurs, est-ce qu’un autre restaurateur a réussi à en créer un qui a eu la longévité du Big Mac ? Je suis incapable d’en nommer un ».

Une affaire de goût

Tous s’entendent pour dire que le Big Mac n’aurait pu avoir le succès international qu’on lui connaît uniquement avec des campagnes de marketing redoutables. Le goût y est forcément « pour quelque chose », soutient Jordan LeBel.

« Qu’on l’aime ou pas, le Big Mac a un goût unique qu’on ne peut lui enlever, ajoute Alain Girard. Les chefs disent que c’est un tout harmonieux qui se tient. On ne goûte pas des choses séparées, mais un tout. C’est très distinctif, ce mélange de sucré, salé, amer et acide. C’est un goût spécial. »

Et puis, « le Big Mac, qui goûte la même chose partout, c’est un attrait pour bien du monde. D’ailleurs, les touristes vont manger du McDo, parce que ça peut être rassurant », ajoute Jordan LeBel.

Jean-François Ouellet, professeur de marketing à HEC Montréal, convient que, « fondamentalement, le succès d’un produit, c’est son goût. Si ce n’est pas bon, ça ne marche pas ». Mais puisqu’il y a un paquet d’autres hamburgers tous plus savoureux les uns que les autres dans le monde, le goût ne suffit pas à créer une chaîne de restaurants milliardaires.

Il faut nécessairement d’autres ingrédients.

Le troisième nom fut le bon !

Après avoir porté « un nom qui n’avait pas d’allure » pour une chaîne de fast-food qui s’adresse à la masse, soit The Aristocrat, rappelle Alain Girard, l’invention du franchisé Jim Delligatti a été rebaptisée Blue Ribbon Burger. Mais ça n’allait toujours pas.

Une jeune secrétaire publicitaire a plutôt suggéré le nom Big Mac, ce qui a eu pour effet de propulser les ventes. C’était en 1967, un an avant que le sandwich soit ajouté aux menus des tous les McDonald’s des États-Unis.

« Le nom Big Mac est en soi est excellent ! C’est court, c’est simple et facilement mémorisable et évocable. »

— Jean-François Ouellet, professeur de marketing à HEC Montréal

Son confrère Jordan LeBel partage cet avis. « Ça se prononce bien. Et “big”, ça évoque la perception de la culture américaine. The Big Apple… tout est “big” aux États-Unis, Elvis Gratton le disait ! Ça s’est inscrit dans la génétique culturelle américaine. »

Entreprise extravertie

McDonald’s a été particulièrement dynamique pour prendre sa place dans le marché avec des « emplacements extrêmement stratégiques, note Alain Girard. On l’a vu à l’international, sur la belle place [de la Vieille Ville] à Prague, sur la place Rouge en Russie, près de la place Tiananmen… »

Cela a bénéficié à la chaîne et à son fameux Big Mac. « L’un nourrit l’autre », résume Jean-François Ouellet.

La commandite des Jeux olympiques lui procure une grande visibilité partout dans le monde. De même que ses publicités aussi percutantes que nombreuses qui ont souvent joué sur un terrain inusité.

« Il n’y a pas grand monde qui vise les enfants pour les fidéliser à l’âge adulte, ajoute l’universitaire. Et si tu as grandi à manger des McCroquettes et des Joyeux festins, éventuellement, tu migres vers les sandwichs d’adultes et le Big Mac, c’est pas mal ça ! »

« Ça a été l’un des plus importants annonceurs publicitaires de l’histoire, conclut Jean-François Ouellet. Dans le secteur du fast-food, c’est assurément le plus dynamique. »

Le Big Mac à toutes les sauces

La monnaie

En août, le MacCoin a été mis en circulation dans une cinquantaine de pays pour souligner le 50e anniversaire du Big Mac. À l’échelle mondiale, 6,2 millions de pièces ont été distribuées, dont 50 000 au Canada. Il en existe cinq modèles, qu’on peut désormais se procurer sur eBay pour environ 30 $. Sept langues (l’arabe, l’anglais, l’indonésien, le mandarin, le portugais, le français et l’espagnol) apparaissent sur la pièce souvenir.

L’indice

Créé en 1986 par le magazine The Economist, l’indice Big Mac permet de comparer facilement le pouvoir d’achat entre les pays. Le sandwich est bien représentatif de l’économie, puisqu’il nécessite des intrants végétaux et animaux, mais aussi des services. Autres avantages : il est vendu partout dans le monde et sa composition tout comme sa taille sont uniformisées. Selon la plus récente édition, le Big Mac coûte l’équivalent de 6,54 $US en Suisse, contre 1,75 $US en Égypte.

Les chiffres

1,3 milliard

Nombre de Big Mac vendus en 2017

49 cents

Prix de vente en 1968

520 calories

No1

Le restaurant du Québec qui vend le plus de Big Mac est à Saint-Hyacinthe

200

Nombre moyen de graines de sésame sur le pain du Big Mac

L’avenir

Selon une enquête publiée par le sérieux Wall Street Journal à l’automne 2016, « seulement » 20 % des Américains de 18 à 34 ans ont déjà mangé un Big Mac. Certains experts ont alors prédit sa disparition. Alain Girard croit plutôt « qu’il a encore de belles années devant lui » étant donné qu’il « répond à un besoin de transgression ». C’est un besoin qui pourrait même s’accroître à mesure que la tendance santé se répand. Jordan LeBel croit que le Big Mac est un intouchable. « S’ils voulaient l’enlever du menu, il y aurait un tollé ! »

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