Coronavirus

Le danger relatif de la grippe et du COVID-19

L’an dernier, de 18 000 à 46 000 Américains sont morts de la grippe. Cela signifie-t-il que le COVID-19, responsable de quelque 3300 décès, n’est pas dangereux ? Pas nécessairement : les estimations pour la grippe sont basées sur de multiples extrapolations.

Ventes de médicaments et fréquentation des hôpitaux

« On sait que ce n’est pas tout le monde qui a la grippe qui va à l’hôpital », indique Maryse Guay, spécialiste de la question à l’Université de Sherbrooke et au Centre de recherche de l’hôpital Charles-Le Moyne. « Mais avec un bon programme de surveillance, il y a moyen de capter toutes les manifestations de la grippe. On peut regarder les visites en clinique ou à l’hôpital, les éclosions d’absentéisme, dans certains pays même les achats de médicaments en vente libre, comme l’acétaminophène ou le sirop. Après, on compare avec les évaluations à plus long terme des études sérologiques, les anticorps que les gens ont dans le sang. Cela dit, ça donne des tendances. Pour la grippe espagnole, par exemple, on parle de 20 à 40 millions de morts, du simple au double. Même si les moyens de surveillance étaient différents, ça montre qu’il est difficile de lier un décès à la grippe. » Et au Québec ? Divise-t-on le chiffre américain par 40, pour refléter les rapports de population ? « Des fois on fait ça, on regarde les chiffres américains ou canadiens et on divise. Mais à l’INSPQ [Institut national de santé publique du Québec], Rodica Gilca fait de bonnes études de surveillance en milieu hospitalier. »

Plus ou moins grave ?

« Il fallait répondre comme on l’a fait, explique la Dre Guay. Au départ, et encore maintenant, on n’est pas sûrs du taux de mortalité. Si on prend la pandémie de 2009, au début, on se demandait si ça allait être aussi grave que la grippe espagnole avec ses dizaines de millions de morts. Finalement, c’était moins grave qu’on pensait, mais pour une société, ne pas travailler pendant deux ou trois semaines, c’est quand même lourd. » Christl Donnelly, épidémiologiste à l’Université d’Oxford et au Collège impérial de Londres, estime que même avec un taux de mortalité de 1 %, le COVID-19 serait plus inquiétant que la grippe saisonnière. « Ce serait beaucoup plus haut que la grippe, et il n’y a pas d’immunité dans la population contre le COVID-19, alors il faut garder les mesures de santé publique actuelles », dit la Dre Donnelly, qui a publié des estimations sur le COVID-19.

Les trous des systèmes de santé

Le calcul du péril d’une infection respiratoire est compliqué par les disparités entre les systèmes de santé. « Les moyens de surveillance peuvent varier d’un pays à l’autre, dit la Dre Guay. En Corée, en Chine et en Iran, le nombre de cas qui ne se sont pas présentés à la clinique ou à l’hôpital, ou n’ont pas été détectés, n’est sûrement pas le même. »

Le taux d’infectiosité

Depuis le début de l’épidémie de COVID-19, les chercheurs veulent savoir quel est le « taux de reproduction de base », aussi appelé R0 (R zéro), du virus. Il s’agit du nombre de personnes que va infecter une personne infectée. Le R0 du COVID-19 semble légèrement plus élevé que celui de la grippe saisonnière, mais en janvier, une estimation du Collège impérial de Londres qui évoquait un R0 de 3,5 a suscité beaucoup d’inquiétude. « On est toujours en présence d’un R0 maximal de 3,5, dit la Dre Donnelly. Mais il faut préciser que c’est l’infectiosité en l’absence de mesures de santé publique comme la quarantaine. »

Le problème des cas asymptomatiques

Le retard dans l’identification de la vague de COVID-19 en Italie signifie-t-il qu’il y a plus de cas asymptomatiques que prévu ? « Un nombre substantiel de cas sont passés inaperçus au départ en Italie, répond diplomatiquement la Dre Donnelly. Un nombre élevé de cas asymptomatiques a deux effets : c’est une bonne nouvelle si vous avez la maladie avec un diagnostic avant d’avoir des symptômes, mais ça veut dire que les patients infectés peuvent transmettre la maladie incognito. Ça peut même être très mauvais. »

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