Semaine tragique pour les piétons

Notre inertie tue

Dans les derniers jours, cinq personnes ont perdu la vie et cinq autres ont vu leur vie changer à jamais après avoir été happées alors qu’elles marchaient, tout simplement…

En se levant le matin, ces 10 personnes n’avaient aucune idée que leur déplacement vers le travail, l’épicerie, la pharmacie ou leur voiture leur coûterait la vie. Ces personnes étaient possiblement grands-parents, parents, enfants, elles avaient des amies ou amis, des collègues de travail. Derrière chacun de ces décès et blessures graves, il y a des drames humains et des vies bouleversées.

Quand va-t-on se dire : « Ça suffit ? »

On a longtemps traité les décès de la route comme faisant partie des règles du jeu. On a souvent accusé le piéton distrait d’être responsable. Mais c’est faux. On sait comment faire⁠1 pour prévenir les décès piétons.

On l’a compris, d’ailleurs. La Sûreté du Québec a adopté l’approche vision zéro décès et blessés graves. Les villes de Montréal, Drummondville, Trois-Rivières, Québec et Gatineau mettent en œuvre cette approche ou s’en inspirent dans leur stratégie de sécurité routière. La Politique de mobilité durable du ministère des Transports et de la Mobilité durable a établi l’objectif, il y a maintenant quatre ans, d’en faire le cadre de référence du Québec en sécurité routière.

Maintenant, il faut agir. Immédiatement et systématiquement.

L’approche vision zéro est simple. Elle consiste à empêcher physiquement qu’une personne soit soumise à un choc qui risque de la tuer, qu’elle se déplace à pied, à vélo ou en voiture.

On parlera ainsi non seulement de comportements prudents, mais surtout de vitesses, de rues et de véhicules sécuritaires.

Pour un piéton, une collision a de grands risques d’être mortelle au-delà de 30 kilomètres par heure. Lorsqu’on autorise des vitesses plus élevées, il faut donc prévoir des aménagements qui évitent aux piétons de se trouver exposés au danger de la circulation motorisée et qui contribuent à la ralentir.

Des aménagements connus

On les connaît, ces aménagements : des trottoirs suffisamment larges, des saillies qui rétrécissent la chaussée à traverser, des îlots centraux où se réfugier, des intersections surélevées, etc. On sait que l’on conduit plus vite sur une rue plus large, qu’on tourne plus vite quand le rayon de virage est trop généreux – et qu’inversement, on ralentit lorsque les rues et les voies sont plus étroites et mieux encadrées par des bâtiments ou des arbres.

Mais bâtir des rues sécuritaires ne sera pas suffisant. Les véhicules qui y circulent doivent aussi prendre en compte la sécurité des usagers à l’extérieur de ceux-ci. Comment faire pour éviter une collision si le design des véhicules et des camions qui circulent dans nos milieux de vie crée d’énormes angles morts ?

Des camions lourds avec nez plat, des voitures avec un capot plus bas, des caméras et senseurs sont toutes des solutions connues et simples qu’il suffit d’appliquer.

On sait donc quoi faire, mais le défi reste entier : pour vaincre l’inertie et appliquer ces solutions systématiquement au Québec, une révolution est nécessaire…

Il faut révolutionner notre système routier, notre culture, notre aménagement du territoire, nos lois et notre Code de la sécurité routière, nos normes, la formation de nos ingénieurs civils ; parce que tout est encore trop centré sur la fluidité des déplacements motorisés, souvent au détriment de la sécurité des usagers vulnérables.

Nous avons toutes et tous un rôle à jouer dans cette révolution. C’est aujourd’hui qu’on peut agir pour sauver des vies dans cinq ans, dix ans ! Nous devons nous mobiliser pour faire en sorte qu’à chaque intervention et réfection de rue, les enfants et les personnes âgées puissent la traverser en sécurité pour les 25 prochaines années et pour nous assurer que les véhicules qui y circulent soient plus sécuritaires. Nous pouvons aussi faire une différence en faisant preuve de prudence derrière le volant. Parce qu’après tout, cet enjeu concerne tout le monde : que ce soit pour parcourir quelques pas ou des dizaines de kilomètres, nous sommes tous et toutes piétons et piétonnes.

Malheureusement, ces récents décès ne sont pas des exceptions. En moyenne, un piéton meurt tous les cinq jours au Québec. Alors, êtes-vous prêts à sauver des vies ?

1. Lisez « On sait comment réduire les collisions mortelles impliquant les piétons ? Vrai »

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