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Montréal transférera 800 millions d’argent fédéral au projet de tramway de Québec, en échange de quoi le gouvernement Legault s’engage à financer un tramway entre le centre-ville et Lachine. Réactions.

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Valérie Plante célèbre le début de sa « ligne rose »

Valérie Plante a mis sur les rails un projet de tramway entre le centre-ville et Lachine, hier, avec l’appui du gouvernement du Québec. Pour la mairesse, il s’agit du début de sa fameuse « ligne rose ».

Le tracé, l’échéancier, les coûts et la nature exacte du système demeurent incertains, mais la province a tout de même accepté de l’inscrire dans sa planification à long terme, une victoire pour Mme Plante.

« Aujourd’hui, je célèbre », a dit Mme Plante. « Ce lien viendra s’intégrer au tramway qui verra le jour dans l’axe de la rue Notre-Dame, dans l’est de Montréal », un projet cher au cœur de la Coalition avenir Québec pour la revitalisation de ce secteur.

En contrepartie, Montréal offre 800 millions d’argent fédéral au projet de tramway de Québec, qui a besoin de financement immédiat. Le gouvernement du Québec s’engage à investir la même somme dans les projets de transport de Montréal.

La mairesse de Montréal Valérie Plante s’est réjouie de voir naître « le tronçon ouest de la ligne rose », sa fameuse promesse phare des dernières élections. Mme Plante et le président du Conseil du trésor Christian Dubé étaient d’ailleurs habillés en rose pour l’occasion.

« Notre gouvernement a pris un virage vert il y a quelques mois pour le transport collectif », a dit ce dernier.

« Moi, j’ai toujours vu un petit peu rose, mais il y a eu une évolution de notre vision pour Montréal. »

— Christian Dubé, président du Conseil du trésor

Pendant la période des questions avec les journalistes, Valérie Plante a admis que le projet final ne serait pas nécessairement un tramway, mais pourrait prendre une autre forme.

« Là, on vous parle d’un tramway, mais ce sera à déterminer. Au final, ce n’est pas tant la couleur ni la technologie, mais on est tous d’accord qu’il faut du transport structurant », a dit la mairesse. Ce sera un moyen de transport « lourd ou mi-lourd », donc pas une ligne de bus. « Un métro léger, peut-être », a ajouté Chantal Rouleau, ministre responsable de Montréal.

« Tellement contente »

Dans Lachine, on célébrait, hier. La mairesse de l’arrondissement du même nom, Maja Vodanovic, est une partisane du projet depuis plusieurs années.

« Je suis tellement contente », s’est-elle réjouie en entrevue téléphonique.

La mairesse de l’arrondissement est bien consciente que le projet en est à ses balbutiements et qu’il risque de changer du tout au tout dans les prochaines années. Elle a toutefois une nette préférence quant à la technologie à choisir. « On est convaincus que le tramway, c’est ce qu’il y a de plus structurant et de meilleur pour construire des écoquartiers et les développer », a affirmé Mme Vodanovic, élue de Projet Montréal.

Deux éléments principaux convainquent la mairesse d’arrondissement de cette option : une ligne de tramway compte généralement beaucoup d’arrêts et les utilisateurs s’y rendent souvent en marchant, a-t-elle dit.

La mairie d’arrondissement planchait déjà sur un tracé préliminaire pour un éventuel tramway (voir carte). Il utiliserait notamment l’emprise d’une ancienne voie ferrée qui longe la rue Victoria, transformée en promenade et en piste cyclable.

« Ça nous appartient, alors il n’y a pas d’expropriations à faire à Lachine », a-t-elle dit.

Transfert de fonds fédéraux

Jusqu’à hier matin, le gouvernement du Québec se disait devant une « impasse », alors que la Vieille Capitale était presque prête à construire son tramway, mais que son financement n’était pas bouclé.

Montréal, qui avait une enveloppe fédérale, mais pas de projet immédiatement prêt, a accepté de voler au secours de Québec en lui transférant 800 millions. En contrepartie, le gouvernement du Québec allouera une « somme équivalente » à la métropole pour ses propres projets de transports en commun, dont le nouveau projet de tramway entre Lachine et le centre-ville.

« On est passés d’un projet de tramway qui était en danger, celui de Québec, à deux projets de tramway qui vont se réaliser. »

— Valérie Plante, mairesse de Montréal

Parmi les autres projets qui devraient être financés, on compte l’installation de portes antisuicides sur les quais de certaines stations de la ligne orange, ainsi qu’un nouveau centre de contrôle pour la ligne bleue.

Ottawa et Labeaume approuvent

Ottawa a donné sa bénédiction au transfert de son enveloppe initialement destinée à Montréal.

« Je me réjouis de l’entente qui a été conclue entre la Ville de Montréal et le gouvernement du Québec afin que le projet du tramway de Québec puisse aller de l’avant rapidement », a déclaré le ministre fédéral de l’Infrastructure, François-Philippe Champagne, dans un communiqué. « Nous avons toujours été en mode solution afin que ce réseau de transports en commun du XXIe siècle puisse voir le jour. »

Le maire de Québec, Régis Labeaume, absent de l’annonce, s’est lui aussi réjoui.

« C’est un pas dans la bonne direction et cela permet de régler une étape importante dans la répartition des fonds de l’enveloppe fédérale pour le financement du transport en commun au Québec », a déclaré M. Labeaume, lui aussi par communiqué. « Je salue l’excellente négociatrice qu’a été Valérie Plante. Elle a permis aux Montréalais d’obtenir des gains considérables pour le transport en commun. »

Chronique

Ces millions qui voyagent

J’avoue que cette transaction de centaines de millions de dollars provenant du fédéral entre les villes de Montréal et Québec me laisse perplexe. En fait, tout cela me fait douter. On a eu beau répéter toute la journée hier que c’était une entente « gagnant-gagnant », je demeure dubitatif.

Je ne peux m’empêcher de penser qu’en cédant à la Ville de Québec les 800 millions du fédéral dont elle disposait, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, prend un risque. Le gouvernement du Québec saura-t-il satisfaire pleinement ses demandes lorsqu’elles viendront ?

Hier, en conférence de presse, on n’a pas voulu chiffrer l’ensemble des projets montréalais, dont celui d’un moyen de transport (peut-être un tramway) qui relierait Lachine et le centre-ville. Mais il est clair que cela dépassera très largement les 800 millions offerts au projet de Québec et pour lequel elle devrait recevoir ultérieurement le montant équivalent.

Quelles sont les garanties dont dispose Valérie Plante pour foncer lorsqu’elle sera enfin prête ? Il faut espérer très fort que le gouvernement Legault ne reculera pas et respectera ses engagements. Comment fera-t-elle pour aller de nouveau frapper à la porte du fédéral ? Lui répondra-t-on que son tour est passé ? À quelques mois d’élections fédérales et compte tenu des risques d’un changement de gouvernement, ça s’appelle jouer avec le feu.

Mais au-delà des interrogations que suscite cette négociation, on doit y voir l’importance capitale que prennent chez nous les enjeux reliés aux transports collectifs. 

Depuis des décennies, les éternels pôles santé-éducation étaient nos grands centres de préoccupation. À ceux-ci, il faut ajouter ceux de l’environnement et du transport en commun.

Sans doute en raison du contexte dans lequel on vit (longues distances et climat rude), nous avons développé une relation privilégiée avec la voiture. Alors que des pays européens ont développé (à grands frais) un système de transport collectif efficace, nous avons négligé cet aspect. Le rattrapage est énorme.

La négociation qui a eu lieu pour débloquer l’impasse que connaissait la Ville de Québec avec son projet de tramway et pour mettre de l’avant les ambitions montréalaises témoigne de l’intérêt que manifestent les élus à l’égard du développement des transports collectifs. On est aussi bien de s’y faire car ils seront un chantier très important au cours des prochaines années. Ce jonglage avec les millions ne fait que commencer.

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Parmi les divers projets que Valérie Plante souhaite voir adopter dans le Plan québécois des infrastructures 2020-2030, il y a celui de l’ajout de portes palières, que certains appellent aussi les portes « antisuicides ». Vous avez peut-être vu de ces portes vitrées dans les métros de Paris ou Londres. À Montréal, on commencera par quelques stations « névralgiques » de la ligne orange, là où roulent déjà les trains Azur.

À la Société de transport de Montréal (STM), on répète souvent que 50 % des arrêts de trains sont causés par des interventions d’urgence pour des raisons de santé ou les comportements de certains passagers. Des gens risquent leur vie en tentant de récupérer sur les rails le téléphone ou le sac à dos qu’ils ont échappé. Il arrive que des gens marchent carrément dans les tunnels afin de se déplacer.

Ces comportements entraînent des centaines de retards chaque année. Et comme personne n’aime les retards, la STM tente d’y remédier. Mais cela coûtera cher. Très cher. Le coût d’installation de portes palières dans une seule station varie entre 10 et 15 millions de dollars. Et comme toutes les stations de métro de Montréal sont différentes les unes des autres, les défis seront nombreux et divers. Les stations avec de hauts plafonds feront l’objet d’une attention particulière.

Plus de 50 ans après la création du métro de Montréal, les portes palières sont devenues incontournables pour diverses raisons. Et ça me rend triste… pour diverses raisons.

L’aberration de la semaine

La palme de l’aberration de la semaine va au montant déboursé par l’Agence du revenu du Canada (ARC) dans des campagnes de sensibilisation diffusées sur Facebook et dont le but était de mettre en garde les contribuables contre l’évasion et l’évitement fiscaux.

L’ARC a investi plus de 250 000 $ pour la publication de ces campagnes au cours des trois dernières années sur le célèbre réseau social. La chose a rebondi à la Chambre des communes grâce à un document déposé par le député néo-démocrate Peter Julian et rapporté hier par Le Journal de Montréal.

À l’instar d’autres géants du numérique, Facebook (même s’il a fait preuve, il y a quelques mois, d’ouverture quant à une taxation) jouit d’avantages fiscaux très généreux chez nous.

Précisons qu’en 2016, Google, Facebook, Twitter et d’autres sites web étrangers auraient généré 3,9 milliards de dollars en revenus publicitaires au Canada, selon les chiffres fournis par les Amis de la radiodiffusion et un rapport du Canadian Media Concentration Project de l’Université Carleton.

Non seulement le gouvernement actuel n’a-t-il pas eu le cran d’agir sérieusement avec ces gros acteurs américains en appliquant des règles plus strictes, mais encore il injecte de l’argent dans ces médias pour dire aux contribuables de ne pas frauder. Et après tout cela, il promet aux médias canadiens en pleine crise (une crise liée en grande partie à la perte importante de revenus publicitaires) qu’il va venir à leur rescousse.

Suis-je le seul à penser que des millions et des millions volent au-dessus de ma tête ? Et qu’ils ne vont pas tous dans la même direction ?

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