Pour Josef Martínez, le « plaisir » passe avant tout

Orlando — Il est 9 h, samedi, dans le hall de l’hôtel du CF Montréal à Orlando. Josef Martínez a encore ses petits yeux et sa voix grave du matin. Il s’apprête à rejoindre le groupe de joueurs qui ne disputera pas la rencontre de présaison en après-midi pour un court entraînement. Juste avant, il a rendez-vous avec La Presse.

« Ouf, c’est tôt ce matin », souffle-t-il, sourire en coin.

Il faut dire que les derniers jours du nouvel attaquant vedette du CFM n’ont pas été de tout repos. Il a fait le voyage de Montréal vers Orlando mardi soir. Mercredi, rencontre avec les médias et les membres de son nouveau club. Jeudi, au cours d’un entraînement léger pour le CFM, Martínez a couru. Beaucoup. Vendredi, le travail de remise en forme en vue de la saison a continué, entre ses frappes costaudes qui trouvaient régulièrement le fond des filets.

Mais Martínez ne se plaint pas de cette lourde charge de travail physique. Au contraire.

« Finalement, je peux m’entraîner, dit-il, soulagé. Ça fait un bail. »

Lors de notre discussion, le latéral Raheem Edwards est assis sur le siège d’à côté. Il regarde le match de Manchester City contre Everton, sur son téléphone. Il célèbre lorsque City marque enfin un but d’assurance en fin de match. Quand notre entretien avec Martínez se termine, on en profite pour interroger Edwards sur son nouveau coéquipier.

« Qu’est-ce que je peux ne pas dire, mec ! », lance le sympathique natif de Toronto.

« Le gars est un buteur qui a fait ses preuves, qui t’amène ce but dont tu as besoin quand tu en as besoin. On est contents de l’avoir. »

— Raheem Edwards

« Quand tu regardes son premier entraînement, tu vois qu’il n’est pas encore à son maximum, mais qu’il est quand même très fort, ajoute Edwards. Tu vois à quel point il prend l’entraînement au sérieux. Et ça, c’est contagieux. »

« On va se battre ensemble »

Lorsque le CF Montréal a annoncé avoir fait l’acquisition de cet ancien marqueur de 31 buts et de 27 buts (en 2018 et 2019) en MLS, on a aussi noté ses dernières saisons plus laborieuses, conséquence de différentes blessures subies depuis 2020. Rapidement, donc, on en est venu à la conclusion que s’il ne parvenait pas à marquer comme il en a été capable par le passé, l’expérience de ce joueur de 30 ans pourrait sans doute être bénéfique pour les jeunes attaquants du club, comme Sunusi Ibrahim et Jules-Anthony Vilsaint.

Edwards parlait plus tôt d’un effort « contagieux ». Martínez compte bien se servir de son statut de vétéran à bon escient.

« Il y a beaucoup de jeunes gars. J’ai un peu plus d’expérience que certains d’entre eux. On est une équipe, on va se battre ensemble. Je souhaite leur apprendre ce que je connais, et aider du mieux que je le peux. »

— Josef Martínez

L’entraîneur adjoint Eddy Sebrango, du fait de son passé de joueur, a son mot à dire dans le développement des attaquants de l’équipe. Il voit l’arrivée de Martínez d’un bon œil.

« Pour les gars comme Sunu, Vilsaint, [il peut les aider] dans le timing des appels, explique le Cubain d’origine à La Presse. Il est très bon, et dans la boîte aussi. Juste de le regarder et voir comment il fait les choses, ça va les aider. »

Il y a les jeunes, oui, mais pas que. Matías Cóccaro vient tout juste de débarquer dans un environnement complètement différent de celui qu’il a connu en Uruguay et en Argentine. Il ne parle ni anglais ni français. En revanche, Martínez, notamment grâce à ses séjours dans des clubs européens, parle pas moins de cinq langues : l’espagnol, l’anglais, le portugais, l’allemand et l’italien.

« Je traduis pour lui, parfois, confirme-t-il. Je sais que c’est difficile quand tu déménages dans un nouveau pays pour la première fois. Si j’ai la chance d’aider, c’est mon travail. »

Visiblement, l’attaquant est à l’aise avec les langues. Compte-t-il en apprendre une sixième ?

« J’ai toujours voulu apprendre le français, alors c’est le bon moment pour le faire ! »

— Josef Martínez

« Je ne veux que m’amuser »

À eux seuls, et avec l’ajout du milieu de terrain offensif Dominik Iankov, Cóccaro et Martínez viennent de changer du tout au tout le visage de l’attaque du CF Montréal. Il n’y a pas que les partisans qui s’en réjouissent.

« J’ai envie de courir sur le terrain avec eux ! », lance Laurent Courtois lorsqu’on l’interroge sur le sujet.

« Par défaut, c’est ça que tu veux », ajoute l’entraîneur-chef, qui souhaite pouvoir « canaliser » l’énergie de ses deux nouveaux artilleurs.

« Ce sont des gars que tu as à freiner, et pas à pousser. Il y a du boulot, mais on est très excités, et sur le bon chemin. »

— Laurent Courtois, entraîneur-chef du CF Montréal

À ce sujet, Martínez convient que « ça ne fait que quelques jours », qu’il aura « besoin de temps pour comprendre » les enseignements de ses nouveaux entraîneurs.

Une patience prônée par à peu près tous les intervenants interrogés par La Presse dans les derniers jours.

Pour l’instant, avec un contrat d’un an en poche assorti d’une année d’option, on présume que la légende d’Atlanta United a fait le pari qu’il pourra retrouver sa forme d’antan. C’est ce qui occupe tes pensées, Josef ?

« Je ne veux que m’amuser, répond-il. Peu importe ce qui se passe dans un mois, six mois, un an, je m’en fous. Je veux avoir du plaisir et aider l’équipe à conquérir des trophées. »

La conversation d’un peu moins de dix minutes se conclut. Il se lève, souliers à crampons à la main, et se dirige vers le bus de l’équipe.

« Il est tellement tôt… », lâche Martínez de nouveau.

Défaite du CF Montréal en présaison

Cinq observations, des lignes de côté

Le vent de fraîcheur qui souffle depuis la nomination de Laurent Courtois a beau faire baigner le CF Montréal dans le positivisme, tout le monde au sein du club continue malgré tout de prôner la patience. Une vertu qui vaut bien d’être rappelée à nouveau après la défaite de 6-2 subie contre les Rapids du Colorado, samedi après-midi à Orlando. Voici quelques observations de notre envoyé spécial sur la troisième rencontre préparatoire du CFM.

« Réveillez-vous, bordel ! »

Un résultat de match de présaison, ça vaut ce que ça vaut, surtout lorsque ledit match compte 120 minutes divisées en 4 périodes de 30 minutes. Cela dit, nous avions une place de choix pour cet affrontement, installé tout juste derrière le banc des joueurs et des entraîneurs, les pieds sur la même pelouse que les acteurs du match. Notre vue était donc parfaite pour examiner Laurent Courtois pendant une rencontre de son équipe.

Les Rapids marquent à la 6minute, gracieuseté de l’ancien Montréalais Djordje Mihailovic. Quelques instants plus tard, on a un premier exemple du style de Courtois à la barre. « Réveillez-vous, bordel ! » [wake the f*** up !], lance-t-il à ses joueurs.

Courtois et Laurent Ciman sont les plus loquaces du groupe d’entraîneurs. Lorsque l’adjoint remarque un geste de reprise de balle qu’il apprécie, notamment envers le jeune Alessandro Biello – « Bien joué, poulet ! Et après qu’est-ce qu’on fait ? –, Biello se met à courir pour suivre le jeu. « Ouaiiis. »

Samuel Piette est entré en jeu pour le deuxième 60 minutes. Des lignes de côté, Courtois lui demande : « Sam, où veux-tu Rida ? », en parlant du milieu de terrain Rida Zouhir. C’est nouveau pour toi, Samuel, qu’un entraîneur te demande de choisir l’emplacement de tes propres coéquipiers pendant la rencontre ?

« Laurent et son staff veulent qu’on soit très vocal sur le terrain, explique le capitaine après la rencontre. […] De me donner ce rôle-là, les clés pour guider les attaquants, ça fait plaisir. Mais c’est une responsabilité que je dois apprendre. Je ne suis pas un expert au niveau tactique, j’apprends beaucoup de trucs en même temps. C’est super intéressant. »

Un 30 minutes encourageant, mais…

La volonté de Courtois de voir ses joueurs se réveiller a éventuellement eu l’effet escompté. Le deuxième 30 minutes a été le meilleur du CF Montréal, samedi. On a bien vu le beau jeu de passes que le Français tente d’instaurer. Malgré un deuxième but concédé, Dominik Iankov et Nathan Saliba ont marqué coup sur coup au terme de séquences offensives efficaces.

« La deuxième mi-temps du premier groupe a été celle qu’on veut voir. Mais pourquoi attendre la deuxième mi-temps ? […] C’est surtout les attitudes de la première mi-temps du premier groupe que j’aimerais corriger. »

— Laurent Courtois

Vous comprendrez donc que malgré ce bon moment dans un match sinon difficile, Courtois n’en ressort pas vraiment satisfait.

« C’est ma faute de ne pas avoir donné suffisamment de repères pour concéder moins d’erreurs, lâche-t-il au sujet du match en général. On va se remettre au travail pour voir quelles sont les erreurs qui sont acceptables, et les erreurs qui ne le sont pas. »

Piette, Wanyama et les réservistes

Pour les 60 minutes suivantes, le groupe essentiellement composé de joueurs qui devraient graviter autour du XI cette saison a laissé place à des réservistes et des académiciens, à l’exception de Piette et de Victor Wanyama.

C’est pendant cette période que l’équipe a concédé quatre buts. Est-ce que ceci explique cela ?

« C’est gentil d’essayer de nous trouver des circonstances atténuantes, répond Laurent Courtois à la question de La Presse. Ils ont marqué quatre buts, on ne peut pas encaisser autant. […] Même avec la jeunesse ou l’inexpérience, on doit être plus compétitifs. Il y a des notions défensives de solidarité qui doivent être là. Aujourd’hui, on ne les a pas trouvées, surtout dans le deuxième groupe. C’est à moi de resserrer et d’inculquer ça. »

Pour Piette, les buts ont été « totalement de la faute » du Bleu-blanc-noir. Des erreurs techniques « stupides » liées à des passes ratées, entre autres. « En même temps, c’est le style de jeu qu’on veut jouer. C’est normal de faire des erreurs, surtout au début quand on commence à apprendre ce nouveau système-là. C’est bien de faire les erreurs maintenant. On apprend à la dure. »

Les déboires de Sebastian Breza

Loin de nous l’envie de nous acharner sur le cas de Sebastian Breza. Le gardien montréalais, de retour au club après son départ au terme de la saison 2022, a en quelque sorte été le souffre-douleur des partisans cette année-là, avant que James Pantemis ne devienne le titulaire régulier. Mais en cette présaison, Breza n’inspire toujours pas confiance, disons-le ainsi.

Qui plus est, Courtois demande à ses gardiens d’être offensif balle au pied. Le Montréalais est entré après Jonathan Sirois pour le troisième 30 minutes, samedi. Après une erreur loin hors de sa zone avec le ballon, Courtois s’est retourné vers son personnel et a fait appel à Luca Bucci, responsable de la méthode de développement des gardiens de but chez le CFM. Une courte discussion discrète entre les deux hommes a suivi.

Logan Ketterer, troisième gardien, est ensuite entré pour les 30 dernières minutes.

« C’est le timing, nous a expliqué Laurent Courtois lorsqu’interrogé au sujet des lacunes de Breza. Il y a des moments où il essaie de s’incorporer. Et quand on est incorporé, il y a des décisions à prendre pour essayer de minimiser les revirements. On va apprendre, rectifier, ajuster. Il y a du travail. »

De bonnes notes pour Doody et Álvarez

Malgré le résultat et l’allure du match, quelques joueurs se sont tout de même démarqués. On a bien aimé la percussion de Grayson Doody, latéral droit américain repêché au dernier SuperDraft de la MLS.

Fernando Álvarez, entré en remplacement de Joaquín Sosa dans la première demie, a aussi bien paru en défense. Il a l’air en confiance, le jeune Colombien, et ne semble pas faire beaucoup d’erreurs.

Sa réputation n’est plus à faire, mais le défenseur Joel Waterman a montré de belles qualités de leadership sur le terrain. Avec le brassard de capitaine en première demie, il a semblé dicter le jeu de l’arrière en transmettant le ballon vers l’avant avec efficacité, tel un quart-arrière au football américain.

À ce sujet, bon Super Bowl à tous !

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