Un cadre juridique est nécessaire, selon la Commission d’accès à l’information
Québec — La Commission d’accès à l’information du Québec (CAI) recommande au gouvernement Legault d’adopter « un cadre juridique spécifique » avec assez de mordant pour assurer la protection des renseignements personnels des Québécois, s’il choisit d’aller de l’avant avec le déploiement d’une application de traçage pour combattre la pandémie.
« Ce serait idéal parce qu’il y a des enjeux particuliers à cette mesure que l’on veut exceptionnelle », a fait valoir jeudi la présidente de la CAI, Me Diane Poitras, au deuxième jour de la commission parlementaire sur l’utilisation des outils de traçage et de notification.
Il existe un flou dans les lois actuelles sur les enjeux que pose ce type d’application, notamment au chapitre de la protection des données. « Je me contenterais de tout encadrement juridique qui serait adopté », a-t-elle ajouté, en expliquant qu’un décret pourrait faire l’affaire étant donné les délais serrés.
Québec se réserve le choix d’aller de l’avant ou non avec le déploiement d’une application pour limiter la propagation du virus. Si on donne le feu vert, l’appli pourrait être offerte dès la mi-septembre.
L’application Alerte COVID, téléchargée 1,8 million de fois au Canada, a été lancée par le gouvernement fédéral à la fin de juillet. Seul l’Ontario l’utilise pour l’instant.
Le « cadre juridique » réclamé par la CAI devrait tenir compte des spécificités des lois québécoises en matière de protection des renseignements personnels, si Québec décidait d’utiliser la solution fédérale. La détermination du partage des responsabilités dans ce contexte est aussi primordiale, souligne la Commission dans son mémoire.
Il faudra aussi interdire « toute autre collecte de renseignements », prévoir « les personnes qui y auront accès » et « circonscrire les objectifs de santé publique » que l’on cherche à atteindre avec le déploiement de ce genre d’application. Ce cadre devrait aussi « affirmer clairement le caractère volontaire de l’application », dit-on.
À ce sujet, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui a aussi présenté un mémoire jeudi, a dit craindre que des employeurs obligent leur personnel à utiliser une application de notification. Il s’agit là d’un risque « quand même assez conséquent », a prévenu le président de l’organisme, Philippe-André Tessier.
Rien dans la loi actuelle ne pourrait empêcher les employeurs, les locateurs ou les commerçants d’obliger leurs employés, leurs locataires ou leurs clients à l’utiliser, si une application était lancée au Québec, a-t-il expliqué devant les parlementaires. « Dans les faits, oui, ils peuvent le faire », a aussi souligné Me Poitras, interrogée sur la question.
« Je vous dirais qu’on est conscients que des employeurs ont développé des outils et des applications et qu’ils exigent de leurs employés qu’ils les portent », a-t-elle ajouté avant d’affirmer que la CAI enquêtait actuellement sur un cas du genre. Voilà pourquoi l’adoption d’un cadre législatif ou d’un décret est important.
« La vie privée et le respect des données personnelles, c’est quelque chose d’assez préoccupant que l’on prend au sérieux », a quant à elle assuré Joëlle Boutin, députée de la Coalition avenir Québec. S’il va de l’avant, le gouvernement Legault a déjà assuré que l’application retenue ne devrait pas utiliser la géolocalisation et la biométrie ni faire du stockage de données.
La CAI a par ailleurs souligné le « caractère général » de la consultation alors que l’utilisation d’une telle application demeure théorique au Québec. « Une analyse plus poussée d’une éventuelle solution retenue par le gouvernement » sera nécessaire pour « formuler des recommandations spécifiques », prévient-elle.
Me Poitras a confirmé que la Commission « prendrait l’initiative » de procéder à une « analyse indépendante » pour « s’assurer que les droits des citoyens soient respectés » lorsqu’une solution sera choisie.
Les consultations se poursuivent ce vendredi à Québec. Les partis de l’opposition ont déjà exprimé des réticences quant au déploiement d’une application de traçage, alors que l’efficacité d’une telle mesure n’a pas encore été démontrée scientifiquement ailleurs dans le monde.
— Avec La Presse canadienne