Aide aux entrepreneurs noirs

Deux ans plus tard, où en est-on ?

Des inégalités persistantes lancées en plein visage notamment lors de la mort de George Floyd, il y a presque deux ans, sont nés un désir de faciliter l’intégration des entrepreneurs de la communauté noire dans le milieu des affaires et un souci de soutenir les OBNL au Québec, au Canada. De façon concrète, des gens se sont mobilisés pour faciliter l’accès aux prêts et à l’aide. Qu’en est-il aujourd’hui des fonds et des programmes lancés en 2020 ?

La résilience n’a soudainement plus eu sa place. Sur le coup de l’émotion, de la colère et d’une impatience qui avait atteint ses limites, il y a eu une soif de structurer l’aide à la communauté noire, en 2020. Des organismes et des fonds ont été créés. Les actions se sont multipliées par et pour les entrepreneurs et gestionnaires noirs. Gestes pieux du moment ? Non, à en juger par le parcours de plusieurs initiatives que La Presse a couvertes à l’époque.

Lancée par l’homme d’affaires de Toronto Wes Hall (fondateur de Kingsdale Advisors) en juin 2020, l’Initiative BlackNorth compte maintenant 500 entreprises et fondations (41 au Québec – Banque de Montréal, Mouvement Desjardins, Banque Laurentienne) qui agissent ou se sont engagées à appuyer la communauté noire afin de briser des barrières auxquelles elle se heurte, de faciliter l’accession de ses membres aux hautes directions et aux conseils d’administration. La liste des gestes faits, comités, ateliers et bourses mis sur pied ou en voie de l’être est longue.

Du côté du Black Opportunity Fund (BOF), créé aussi en juin 2020 par une cinquantaine de gens d’affaires issus de la communauté noire du Canada, on assure que 40 entreprises et des centaines de particuliers ont versé de l’argent. Des millions, notamment de la Banque TD (10 millions), de la Banque Nationale (6,25 millions) et de la CIBC (2 millions). À l’été 2021, Meta (Facebook) a appuyé 55 entreprises, dont 9 au Québec, à hauteur de 250 000 $.

BOF s’est structuré rapidement. « On a eu beaucoup de demandes pour du financement », affirme Colin Lynch, cofondateur du BOF et directeur, investissements immobiliers mondiaux, de la Banque TD. « C’est compréhensible, car c’était la pandémie. On savait aussi que bien des entrepreneurs et OBNL avaient besoin de capital. Environ 300 volontaires ont levé des capitaux, écouté la communauté, organisé des réunions sur différents sujets de société. Il a fallu bien des efforts pour s’assurer qu’on nous connaisse partout au Canada. On ne voulait négliger aucun territoire. On s’est liés à des organisations et à des partenaires partout. »

Aller jusqu’au bout

Administrée notamment par le Groupe 3737, l’initiative gouvernementale Appuyer les communautés noires du Canada (IACNC) a soutenu financièrement jusqu’ici 561 OBNL, dont 186 au Québec. « Il y a eu un gros boom », lance Ed Vertus, directeur, innovation sociale, de Groupe 3737 et responsable du programme IACNC. « Les besoins étaient très grands. Le fédéral a très bien répondu et a triplé ses budgets. »

Les OBNL ont généralement reçu 45 000 $ en subventions (pour un total de 20,3 millions jusqu’ici). Le programme se terminant officiellement en 2024, ses administrateurs se sont assurés de soutenir les bénéficiaires pour les faire croître et les structurer. « On se soucie d’où va être cette organisation deux ans plus tard, explique Ed Vertus. On augmente la capacité organisationnelle des OBNL, on améliore leur gouvernance, leur gestion et on diversifie les sources financières. On les connecte à d’autres acteurs de l’écosystème. Très peu d’organismes noirs sont soutenus par le secteur privé, par exemple. Or, certains ont eu jusqu’à 95 000 $ de fonds privés, du gouvernement du Québec et de la Ville de Montréal. On les a aidés à mieux formuler leurs demandes, à augmenter leur attractivité globale. »

Dans la tête d’Ed Vertus, il n’a jamais été question que le programme soit éphémère.

« Le renforcement de capacité, c’est continuel, juge-t-il. En tant qu’intermédiaires, on a comme rôle de pérenniser ce programme notamment grâce au privé. »

– Ed Vertus

Desjardins s’est notamment engagé pour 500 000 $ sur quatre ans. « Par ailleurs, des partenaires forment notre équipe de conseillers pour bien accompagner les organismes. »

Du côté de Futurpreneur, on assure que le volet Démarrage pour les entrepreneurs noirs, lancé en mars 2021, remplit bien sa mission. Plus de 100 jeunes pousses (services professionnels, restos, commerces en ligne) gérées par de jeunes entrepreneurs noirs au Canada ont reçu des prêts pouvant aller jusqu’à 60 000 $. « On appelle ça un programme, mais une entreprise peut nous contacter à n’importe quel stade, dit Mona-Lisa Prosper, directrice du programme de Futurpreneur. On accompagne les entrepreneurs dans leur plan d’affaires. On a énormément de demandes en phase d’analyse. On envoie certains dossiers vers d’autres types d’accompagnement, pour développer les idées. »

Appuyé par la RBC, Futurpreneur a revu sa façon de répondre aux barrières, comme celle du financement, auxquelles doivent faire face les entrepreneurs noirs. Deux ans suivant le prêt, ces derniers peuvent recevoir jusqu’à 40 000 $ supplémentaires. « La popularité du programme nous a fourni des données par rapport à l’entrepreneuriat noir, note Mona-Lisa Prosper. Ça a aussi confirmé l’intérêt pour l’entrepreneuriat, un clivage, le manque d’accès à un réseau et de ressources, le fait que beaucoup de membres de la communauté noire ne nous connaissaient pas et qu’un volet d’accompagnement était nécessaire. »

Toutes des raisons pour que ces initiatives ne soient pas menées à courte vue. « Rien ne peut se résoudre rapidement, estime Colin Lynch. On essaie d’augmenter les chances de croître, de changer les perceptions, et ça prend du temps. On veut que les entrepreneurs noirs puissent être perçus comme des gens qui grandissent, réussissent et contribuent. »

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