L’art inclusif s’expose

L’Écomusée du fier monde accueille ces jours-ci la 18e édition de D’un œil différent, exposition rassembleuse et inclusive réunissant artistes émergents et professionnels ayant une déficience intellectuelle, un trouble du spectre de l’autisme, ou pas. Unis par l’art et pour l’art.

Et on vous met au défi de déceler ici les professionnels. Ou pas. Parce que c’est là que réside toute la raison d’être de l’évènement, finalement : « faire comprendre qu’on peut avoir une déficience intellectuelle et être un artiste professionnel », résume la cofondatrice Geneviève Guilbault, en entrevue.

Au début, se souvient-elle, ce n’était pas exactement « clair » dans l’esprit de tous. « Les gens nous disaient : les professionnels, ce sont ceux qui n’ont pas de déficience. Mais pas toujours ! » Tranquillement, et avec le temps (et la sensibilisation, notamment cette exposition), les mentalités changent.

À preuve : le vernissage, mercredi à partir de 16 h, devrait attirer les foules. Lors du dernier évènement du genre en présentiel, pas moins de 500 personnes se sont pointées. « Et les gens arrivent tôt pour choisir leurs œuvres », se félicite-t-elle. Celles-ci se déclinent en moyenne autour de 150 $.

Cette année, on attend près de 200 œuvres (peintures, photos, en 3D, mosaïques, tricots, tissages) incluant plusieurs collectifs et en provenance de 11 organismes participants. Parmi ceux-ci : La Gang à Rambrou, atelier d’art au cœur d’Hochelaga-Maisonneuve où nous sommes allés faire un tour la semaine dernière pour assister aux derniers coups de peinture d’une demi-douzaine d’artistes, encadrés par leur professeur, Fred Péloquin, coprésident d’honneur de l’évènement.

« C’est beau, travailler ensemble avec Fred ! », « c’est pas facile ! », « c’est du travail ! Oh oui ! », nous lancent les participants en chœur et avec enthousiasme, dès notre arrivée.

Après avoir travaillé dans la rue à titre de médiateur, puis enseigné en prison, Fred Péloquin, animé par une soif de justice, consacre désormais beaucoup de son temps ici. « Parce que s’il y a une population qui souffre d’injustice, c’est bien les gens qui vivent avec des déficiences intellectuelles ou un trouble du spectre de l’autisme », dit-il. Entre des cours de musique, de conte ou de BD, il offre en prime cet atelier de peinture.

Sa démarche ? « J’enseigne ici comme dans d’autres milieux, je n’ai pas une attitude complaisante, répond-il. Mon but : les pousser à être une meilleure version d’eux-mêmes. »

Et ça marche, « ils sont de plus en plus autonomes, meilleurs », affirme-t-il.

Jenny-Lee Amyot, membre du comité organisateur de l’évènement, duquel le comédien Vincent-Guillaume Otis sera également coprésident d’honneur, abonde : « On les entend dire : ‟Je suis fier de moi !” » Et ils ne sont pas seuls. « Ce qu’on souhaite, enchaîne-t-elle, c’est qu’ils sortent de l’ombre. On souhaite valoriser le travail qu’ils font, au même titre que le travail d’un artiste. » En finir avec la stigmatisation, ou pire, l’invisibilité : « Ce sont des gens qui sont souvent invisibilisés. Mis en marge. Là, le but, conclut-elle, c’est de les faire briller ! »

D’un œil différent se déroule du 15 au 26 mars à l’Écomusée du fier monde. Vernissage ce mercredi de 16 h à 19 h. Entrée libre.

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