Train à grande fréquence

Alstom plaide pour une « solution du XXIe siècle »

Une « solution du XXIe siècle » — la grande vitesse — est indispensable pour améliorer le service ferroviaire entre Québec, Montréal et Toronto, estime Alstom, en invitant Ottawa à voir plus grand avec le train à grande fréquence (TGF). La porte serait ouverte, selon des documents gouvernementaux.

Passer plus de quatre heures dans un train pour se déplacer entre la métropole et la Ville Reine, comme le prévoit actuellement le TGF, « c’est beaucoup trop long » pour inciter la population à tourner le dos à l’automobile ou à l’avion, affirme Michael Keroullé, président d’Alstom Amériques.

« On pense que le bon niveau, c’est un temps de trajet sous les trois heures, a-t-il dit, lundi, au cours d’un entretien avec La Presse, en marge d’une annonce (voir capsule). Pour nous, il faut aller sur une solution du XXIe ou du XXIIe siècle. C’est la haute vitesse. »

Le TGF prévoit la construction de voies ferrées réservées dans le couloir entre Québec et Toronto, ce qui n’est pas le cas actuellement. Cela permettrait aux trains de rouler plus rapidement, jusqu’à 200 km/h. Un train à grande vitesse (TGV) peut atteindre 300 km/h.

Tout à fait d’accord avec la construction de voies réservées, le numéro deux mondial du matériel roulant estime que le gouvernement Trudeau devrait chercher à combiner la fréquence et la vitesse.

« On a l’expérience des TGV dans des pays comme la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne, souligne M. Keroullé. Pour que cela fonctionne de manière pérenne et longtemps, la vitesse est importante. Nous sommes conscients que chaque pays est différent, mais que cela fonctionnait comme ça partout. »

Un modèle à proximité

D’après M. Keroullé, Ottawa pourrait s’inspirer d’un projet au sud de la frontière dans lequel Alstom est impliqué : l’Acela, un train d’Amtrak (construit par le géant français) qui circule dans le couloir ferroviaire du Nord-Est américain et qui relie des villes comme Boston, New York et Washington. Sur certains tronçons, les trains peuvent rouler à plus de 250 km/h.

« Ce qu’on dit au gouvernement, c’est : ne pensez pas que vous devez choisir aujourd’hui entre la fréquence et la vitesse, vous pouvez avoir les deux », affirme le président d’Alstom Amériques.

Le gouvernement Trudeau a déjà dit avoir analysé l’option du TGV, mais il a tranché en faveur de la fréquence. La facture d’un TGV entre Québec et Toronto pourrait s’élever à 65 milliards, selon des estimations de Transports Canada. M. Keroullé a également reconnu que la proposition d’Alstom comporte un « niveau d’investissement plus élevé ».

Malgré tout, un document du Bureau de projet conjoint — sous la responsabilité de VIA Rail et de la Banque de l’infrastructure du Canada — obtenu par La Presse l’automne dernier révélait que le couloir entre Montréal et Toronto serait l’un des plus adéquats pour le TGV en Amérique du Nord.

Lisez « Un trajet des plus prometteurs »

Spécialiste de la planification des transports, Pierre Barrieau, de l’Université de Montréal, n’est pas étonné par la sortie d’Alstom. S’il est d’accord avec certains arguments du géant français, l’expert ajoute qu’il y a une logique commerciale en trame de fond.

« Pour l’Amérique du Nord, Alstom n’a que des TGV en production, dit M. Barrieau. Siemens n’a pas de TGV et CAF non plus. Quand on regarde cet aspect, il y a une guerre commerciale qui va se jouer sur la vitesse. »

Critères modifiés ?

Plusieurs étapes doivent être franchies avant la première pelletée de terre du TGF, prévue vers le milieu de la décennie. Ottawa, qui sollicite l’opinion de l’industrie, ne semble pas fermé à changer son fusil d’épaule, selon un document de 23 pages diffusé en ligne le mois dernier. Parmi les 71 questions reçues par Transports Canada, l’aspect de la vitesse des trains « limitée à 200 km/h » est soulevé à deux reprises.

« Des vitesses plus élevées dans certains segments peuvent être envisagées si elles représentent une bonne valeur pour les Canadiens », répond-on dans le document.

Interrogé, le cabinet du ministre des Transports, Omar Alghabra, a répondu que les « normes minimales » du projet avaient été définies et qu’Ottawa accueillerait « certainement les propositions qui visent davantage de vitesse, de fréquences et des temps de trajet plus ambitieux ».

Le cabinet du ministre Alghabra a refusé de s’avancer davantage sur le sujet.

Un engagement à Saint-Bruno-de-Montarville

Propriétaire de Bombardier Transport, Alstom a concrétisé l’un de ses engagements annoncés il y a plus de deux ans avec l’implantation d’un « centre d’innovation » en banlieue sud de Montréal, où le géant français veut embaucher 80 ingénieurs d’ici la fin de l’année. Propulsion hybride, batterie et hydrogène… l’équipe de la multinationale a le mandat de développer les plateformes visant à décarboner le secteur ferroviaire nord-américain. Les activités sont intégrées au centre de prototypage situé à Saint-Bruno-de-Montarville, à proximité du quartier général d’Alstom pour les Amériques.

Lisez l’article complet


EN SAVOIR PLUS

12 milliards
Ottawa a déjà chiffré la facture du TGF à 12 milliards, mais le ministre des Transports, Omar Alghabra, a fait marche arrière en mars dernier.

Source: source : la presse

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.