Régime forestier du Québec

Le Ministère doit être plus transparent pour gagner la confiance du public

Le feu couvait depuis quelques mois et le récent reportage de l’émission Enquête a ravivé le brasier. On pensait que les problèmes étaient réglés avec le nouveau régime forestier. Aujourd’hui, avec les enjeux soulevés, on ne sait plus quoi penser. Qui dit vrai ?

Dans ce contexte, il importe de donner rapidement l’heure juste de la situation, en toute transparence, rigueur et neutralité dans une vision large des ressources et des services du territoire forestier. Un autre élément clé pour gagner la confiance réside en l’amélioration des modalités de participation. Le présent épisode pourrait être une occasion à saisir par le ministre des Forêts pour démontrer son engagement à redresser la situation.

En 2010, les espoirs étaient grands en instituant un régime forestier établissant que le territoire forestier doit être géré comme un tout, de manière participative et décentralisée, en s’inspirant de la dynamique naturelle des forêts. Les intentions étaient claires et il y avait lieu d’être optimiste quant à leur mise en œuvre. Cependant, plusieurs enjeux de gestion forestière ont refait surface au cours des derniers mois, dont ceux ciblés par la récente enquête de Radio-Canada, soit l’harmonisation des usages des ressources du territoire, le déploiement des chemins forestiers, l’établissement d’aires protégées, le mesurage du bois et la collecte des redevances.

Nous pourrions aussi évoquer, parmi d’autres sujets, l’état de l’environnement d’affaires, la vitalité des communautés et des travailleurs forestiers, la participation des communautés autochtones, la production de bois ainsi que la lutte aux changements climatiques et l’adaptation à ceux-ci.

Bref, la fragile confiance à l’égard du régime forestier est durement malmenée ces temps-ci, d’autant plus que plusieurs intervenants – des trois dimensions environnementale, sociale et économique – y perçoivent même un certain recul.

Un silence inquiétant

Dans un contexte fortement polarisé entre les parties intéressées, de difficultés d’accès aux informations par l’externe et d’un déséquilibre des forces en présence, il ne manque pas de signaux contradictoires sur l’état des forêts publiques et de leur gestion. Qui dit vrai ? Une chatte n’y retrouverait pas ses petits ! Pour redresser la situation, il apparaît essentiel de gagner la confiance du public à l’égard du régime forestier en assurant la transparence, la rigueur, la neutralité et une gouvernance participative.

À titre d’exemple, la commission Coulombe sur les forêts, en 2004, recommandait de rendre le système de mesurage du bois plus transparent, en publiant chaque année les résultats des vérifications ministérielles. À l’époque, le Ministère s’était engagé à publier ces résultats sur son site internet dès 2007, ce qui n’a pas été fait à ce jour. Ce défaut a certainement contribué à alimenter la controverse actuelle.

Afin d’amorcer une correction de la situation, il faudrait, à court terme, que le ministère des Forêts ouvre ses livres à l’externe. Il devrait fournir les explications sur l’état de la situation pour que la population saisisse la portée réelle des enjeux soulevés par la gestion forestière. Le silence est inquiétant.

Ces explications devraient être soutenues par des informations probantes accessibles, voire validées par un groupe d’experts externe au Ministère et doté d’une vision large des ressources et des services écosystémiques du territoire forestier. La mise en place d’un observatoire de la forêt rattaché au milieu universitaire, récemment proposée dans une lettre cosignée par 67 chercheurs universitaires, est une option qui mérite d’être examinée.

Une participation à améliorer

Pour gagner la confiance de manière durable, il est aussi essentiel d’améliorer de manière tangible les processus participatifs de consultation, de concertation, de cogestion et de dévolution pour gérer le patrimoine forestier dans le meilleur intérêt de la population.

Le Ministère reconnaissait d’ailleurs dans son bilan 2013-2018 qu’il faudrait améliorer les mécanismes de participation publique. Il y a beaucoup à faire sur cet enjeu, un parent pauvre du régime forestier.

Pensons, à cet effet, à l’harmonisation des multiples usages, au déploiement des forêts de proximité, à la décentralisation de la gestion forestière, à la gestion intégrée des ressources et du territoire forestier, à la mise à jour de la politique de consultation de 2003, au consentement préalable, libre et éclairé des Premières Nations. Il faut cependant signaler que des initiatives intéressantes se produisent sur le terrain et représentent des sources d’inspiration utiles pour améliorer les pratiques.

La confiance du public se gagne sur le long terme, mais peut se perdre rapidement. Les efforts à cet égard doivent être déployés en continu. La recrudescence de l’intérêt et des inquiétudes quant à la gestion des forêts pourrait être une occasion à saisir afin de redresser la situation et poursuivre la mise en place du régime forestier québécois.

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