« C’est un fléau national »

Lundi, 53 véhicules volés ont été retrouvés dans le port de Montréal. La métropole pourrait connaître une année record de vols en 2023.

Plus de 50 véhicules volés ont été retrouvés lundi dans des conteneurs au port de Montréal. Cette importante saisie vient mettre en lumière la hausse fulgurante des vols dans la métropole et de l’exportation vers d’autres pays.

Alors qu’en moyenne, 810 véhicules sont volés chaque mois sur le territoire du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), on en compte déjà 303 en avril, entre le 1er et le 9 inclusivement, en neuf jours à peine.

Lundi, en collaboration avec l’Agence des services frontaliers du Canada et Équité Association, les enquêteurs du SPVM ont retrouvé 53 véhicules volés entassés dans 25 conteneurs dans le port de Montréal. Il s’agit de la plus importante saisie dans les installations portuaires depuis le début de l’année.

« C’est un fléau national », affirme le commandant Yannick Desmarais, de la section des enquêtes criminelles Nord et responsable des vols de véhicules à moteur.

« La tendance de cette année démontre qu’on devrait battre les chiffres de l’an passé », ajoute celui qui est aussi codirecteur de l’Équipe intégrée contre les vols de véhicules.

La Presse a rencontré le commandant Desmarais et son homologue, le commandant Dominic Monchamp des Enquêtes générales de la région Est, lundi matin, pour discuter de la problématique des vols de véhicules.

Les deux officiers ont expliqué que les vols de véhicules ont explosé depuis la pandémie de COVID-19 car celle-ci a causé une diminution de l’offre de véhicules neufs et usagés, pas seulement en Amérique du Nord, mais partout dans le monde.

Alors qu’à des époques pas si lointaines, les véhicules étaient volés pour être découpés ou clonés, beaucoup sont dérobés aujourd’hui pour être exportés vers des pays où ils sont vendus deux ou trois fois plus cher.

Le port de Montréal est une installation stratégique pour l’exportation vers l’Europe ou l’Afrique.

Les véhicules volés se retrouvent dans le port non pas parce que les réseaux de voleurs sont aidés par des employés corrompus, mais parce qu’ils ont enregistré des entreprises qu’ils utilisent pour simuler des envois de marchandises.

Des véhicules pour des armes à feu

Au Québec, ce sont principalement des groupes du crime organisé du Proche et Moyen-Orient (PMO) qui organisent ces exportations, et ce sont beaucoup des membres de gangs de rue émergents qui volent les véhicules, ayant ainsi trouvé un nouveau créneau.

« Effectivement, nos membres de gangs émergents, on les voit traverser vers d’autres provinces. C’est un problème interprovincial. L’opportunité est là, la demande est présente », explique le commandant Desmarais.

« Ce qu’on voit également, ce sont des jeunes d’ici, défavorisés, qui sont attirés par l’appât du gain et amenés en Ontario pour voler des véhicules. Mais quand ils en volent un premier, ils ont le bras pris dans l’engrenage, ils sont menacés et n’ont plus le contrôle de ce qu’ils font », renchérit son collègue Monchamp.

Le vol d’un seul véhicule peut rapporter plus de 3000 $ à un jeune membre de gang.

En entrevue avec Paul Arcand au 98,5 il y a quelques jours, le chef du SPVM, Fady Dagher, a affirmé que les vols de véhicules servent, entre autres, à acheter des armes à feu.

« Auparavant, les voleurs de véhicules, on ne les arrêtait jamais avec des armes. Mais maintenant, c’est une tendance lourde. »

— Le commandant Dominic Monchamp, des Enquêtes générales de la région Est

« Une proportion de nos voleurs de véhicules sont armés. Nous ne sommes pas en mesure de le quantifier, mais ce n’est pas anecdotique », confirme le commandant Monchamp.

Tout le monde en paye le prix

On retrouve parmi les 53 véhicules volés découverts lundi dans le port de Montréal des Toyota RAV4 et Highlander, des Dodge Ram, des Jeep Cherokee et Wrangler, des Lexus RX 350, un Range Rover et un Chevrolet Tao.

Trente-six ont été dérobés dans une autre province, presque exclusivement en Ontario, et dix-sept au Québec, dont dix à Montréal.

Les commandants Desmarais et Monchamp insistent auprès des propriétaires de véhicules pour qu’ils se dotent d’outils pour empêcher les vols.

Les trois principaux sont l’installation, dès l’achat, d’un système de repérage, la pose d’une barre servant à verrouiller le volant et l’utilisation d’un cadenas sur la prise OBD, pour empêcher que le voleur ait accès à l’ordinateur de bord.

« Aujourd’hui, barrer nos portières, ce n’est pas suffisant », dit le commandant Monchamp.

« Actuellement, les services policiers et partenaires, nous sommes en restructuration. Nous y travaillons déjà, mais nous allons y mettre encore plus d’efforts, surtout en raison des liens que nous faisons de plus en plus avec les violences armées. Mais il n’y a pas que la police qui doit s’y attaquer. Tout le monde en paye le prix. Il faut que tout le monde s’implique et prenne ses responsabilités », conclut le commandant Desmarais.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.

Vols de véhicules à Montréal 

2022 : 9500

2021 : 6500

2020 : 4700

Véhicules volés saisis à Montréal

2022 : 1031

2021 : 1006

2020 : 800

Port de Montréal en 2023 

251 véhicules saisis

 76 % : volés en Ontario

• 11 % : volés à Montréal

• 12 % : volés ailleurs au Québec

• 1 % : Autres

Bilan 2022 de l’Équipe intégrée contre les vols de véhicules

(SPVM, SQ, SPAL, police de Terrebonne, GRC)

47 dossiers d’enquête

187 conteneurs ouverts

318 véhicules saisis

28 arrestations

343 000 $ saisis

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