Lettre du DLavigueur

Des faussetés et des demi-vérités à corriger

Les réflexions du DLavigueur reflètent les inquiétudes d’une partie de la population en lien avec la vaccination pédiatrique contre la COVID-19 et illustrent les tensions sociales ayant émergé pendant la pandémie. Nous déplorons toutefois certaines faussetés et demi-vérités qu’il semble important de corriger.

Le DLavigueur laisse croire que la vaccination des enfants contre la COVID-19 est actuellement en cours au Québec, ce qui n’est pas le cas. Il mentionne aussi que l’« Organisation mondiale de la santé ne le recommande pas », ce qui suggère que l’OMS s’est prononcée contre la vaccination des enfants. Ce n’est pas le cas. L’OMS suggère de privilégier la vaccination chez tous les adultes dans le monde avant la vaccination des enfants dans les pays où la vaccination adulte est terminée.

Il est important de comprendre que les données disponibles sur la vaccination des enfants sont en cours d’analyse par la plupart des organismes réglementaires et des comités d’experts sur la planète. La Food and Drug Administration américaine s’est d’ailleurs prononcée sur le sujet dans la journée du 26 octobre et a recommandé son utilisation chez les enfants de 5 à 11 ans.

La décision de vacciner ou non les enfants doit peser les bénéfices et les risques que cette vaccination occasionnera. Puisque le risque de complications à la suite d’une infection par la COVID-19 est beaucoup plus faible pour les enfants que pour les adultes, leur bénéfice personnel apporté par la vaccination sera aussi plus faible. Il est donc primordial de s’assurer de la sécurité des vaccins dans cette population. C’est le rôle des comités d’experts de se pencher sur ces questions, et ils le feront avec la même rigueur qu’ils l’ont fait pour d’autres populations.

Les éléments les plus dérangeants de la lettre du Dr Lavigueur concernent les insinuations qui laissent croire que le vaccin « échappe à toute surveillance », ce qui est manifestement faux.

Contrairement à ce qui est avancé, il existe des programmes rigoureux de surveillance des effets secondaires liés à la vaccination au Québec, au Canada et partout dans le monde. Le DLavigueur affirme que des évènements survenus à la suite de la vaccination contre la COVID-19 chez certains de ses patients, comme des décès et des AVC, ont été causés par la vaccination. En dehors de toute vaccination, chaque jour, des Québécois meurent subitement ou font des AVC. Afin d’évaluer si les vaccins sont la cause d’un problème de santé, il est essentiel de comparer sa fréquence parmi les personnes vaccinées à celle qui est observée chez des non-vaccinés ou à la fréquence attendue dans une population non vaccinée.

Confiance du public

Actuellement, les données avec des groupes témoins sont d’ailleurs claires sur le fait que le vaccin ne cause pas, par exemple, d’AVC. Cependant, les études comparant l’incidence chez les vaccinés et les non-vaccinés ont montré que les vaccins ont causé certains problèmes de santé importants, mais rares. Ainsi, le vaccin d’AstraZeneca a causé des thromboses avec thrombocytopénie et les vaccins à ARNm ont causé des myocardites dans certains groupes d’âge. Ces problèmes ont été détectés par les programmes de surveillance et les recommandations sur l’utilisation des vaccins ont été ajustées par la suite.

L’apparition d’un problème de santé à la suite d’une vaccination est souvent une malheureuse coïncidence dans le temps et non la preuve qu’il a été causé par le vaccin. Le Dr Lavigueur semble avoir oublié ce concept important.

Il a aussi omis de parler des risques associés à la COVID-19 elle-même (ex. : thromboses, myocardites) qui seront prévenus par la vaccination. Cette omission est grave et biaise la vision du rapport risque/bénéfice du vaccin. Les vaccins causent parfois des effets secondaires graves, mais ils sont heureusement rares et les avantages de la vaccination contre la COVID-19 surpassent ces risques.

La confiance du public envers les vaccins est solide, mais il ne faut pas la tenir pour acquise. Voilà pourquoi les professionnels de la santé publique mettent tant d’efforts depuis des décennies à recueillir et à investiguer toutes les manifestations cliniques inhabituelles associées à la vaccination pour maintenir cette confiance. Cela doit être connu et réaffirmé. De plus, bien qu’il soit sain de laisser la place à la discussion et l’argumentation autour des programmes vaccinaux, il est important que ces discussions se basent sur des faits conformes à la science afin d’éviter d’alimenter une désinformation déjà trop présente.

* Cosignataires : Jean Barbeau, microbiologiste, responsable de la prévention et du contrôle des infections, faculté de médecine dentaire, Université de Montréal ; Joseph Dahine, intensiviste, CISSS de Laval ; Yves Robert, médecin-conseil en maladies infectieuses, Direction de santé publique des Laurentides, membre fondateur du Comité sur l’immunisation du Québec ; Amélie Boisclair, intensiviste, hôpital Pierre-Le Gardeur ; Nathalie Grandvaux, chercheuse en interaction hôte-virus au CRCHUM, co-directrice du réseau québécois COVID-Pandémie

Alex Carignan est également professeur titulaire et chercheur à la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke

Mise au point

La science d’abord

Chers lecteurs,

Permettez-moi de revenir sur la publication d’une lettre dans notre section Débats, mardi. Un médecin qui abordait l’enjeu de la vaccination des enfants a glissé dans son texte de nombreuses informations qui ne tiennent pas la route sur le plan scientifique et qui alarmaient inutilement le public.

Pour remettre les pendules à l’heure, nous publions aujourd’hui une réplique signée par Alex Carignan, médecin microbiologiste-infectiologue et épidémiologiste, professeur titulaire et chercheur à la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke. Cinq autres cosignataires réputés se joignent d’ailleurs à sa voix pour envoyer un message clair et sans équivoque à la population. Un message fondé sur la science.

La désinformation n’a pas sa place dans La Presse. Notre rôle est de faire un tri judicieux à travers les quelque 140 000 lettres et commentaires que nous recevons de la part des lecteurs chaque année. Nous avons à cœur de donner la parole à des gens de tous les horizons, de tous les points de vue, afin d’alimenter le débat public.

Si chacun a droit à son opinion, nos pratiques journalistiques nous imposent toutefois de nous fonder sur des faits. Et cela s’applique aussi aux lettres que nous publions. C’est ce qui différencie le forum d’échange d’idées que constitue notre section Débats d’autres médias sociaux où circulent des théories non fondées que nous combattons dans nos pages.

Nos excuses pour cette lettre qui ne respectait pas les standards de qualité et de rigueur de La Presse et qui n’aurait donc pas dû être publiée.

— Stéphanie Grammond, éditorialiste en chef

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.