Grande entrevue  Alfredo Barrios, PDG de Rio Tinto Aluminium

Pas de reprise à court terme pour l’aluminium

La demande mondiale pour l’aluminium a beau rester forte avec une progression prévue de 4 % par an au cours des 15 prochaines années, il ne faut pas espérer pour autant une hausse de production chez Rio Tinto Aluminium, confirme son président Alfredo Barrios, dans la première entrevue qu’il accorde depuis sa nomination il y a bientôt deux ans.

C’est dans les locaux – en pleins travaux de finition – du nouveau siège social de Rio Tinto, au 24étage de la tour Deloitte, qui jouxte le Centre Bell, que je rencontre Alfredo Barrios, qui a succédé, en juin 2014, à Jacynthe Côté comme PDG de Rio Tinto Alcan, devenue aujourd’hui Rio Tinto Aluminium. Il n’avait pas accordé d’entrevue depuis sa nomination.

« On va entreprendre notre déménagement dans quelques semaines et d’ici quelques mois, tous les effectifs administratifs de Rio Tinto vont être regroupés ici dans les cinq étages supérieurs de la tour Deloitte », m’explique Alfredo Barrios qui, en plus de superviser les activités mondiales de Rio Tinto Aluminium, est aussi maintenant responsable du chapeautage de toutes les activités canadiennes de Rio Tinto.

Le siège social montréalais de Rio Tinto abritera donc les effectifs administratifs de Rio Tinto Aluminium, d’Iron Ore Canada et de Québec Fer et Titane. Au total, 600 personnes s’activeront à gérer les ressources humaines, les finances et la sécurité pour toutes les activités canadiennes de la multinationale minière.

« Rio Tinto compte 11 000 employés au Canada, dont 5000 dans le seul secteur de l’aluminium. À l’échelle mondiale, Rio Tinto Aluminium compte 12 000 employés, avec, outre le Canada, une forte présence en Australie, en Europe et en Amérique du Sud », souligne M. Barrios.

Si Rio Tinto Alcan demeure la personne morale qui désigne l’entreprise au Québec, le groupe australo-britannique a décidé de miser sur la marque Rio Tinto à l’échelle internationale en nommant maintenant sa division Rio Tinto Aluminium.

Alfredo Barrios confirme également que quelque 200 postes administratifs ont été supprimés chez Rio Tinto Aluminium dans la dernière année, dans un effort mondial de réduction de coûts.

« Dans le secteur de l’aluminium, avec un prix de 1500 $US la tonne, on n’a pas le choix, il faut réduire nos coûts. On a fait des efforts dans ce sens partout dans le monde en réduisant nos effectifs administratifs. Ce n’est pas dans les bureaux que les affaires se font, mais sur le terrain », insiste-t-il.

Alfredo Barrios donne l’exemple de la maison mère mondiale de Rio Tinto à Londres, qui a vu ses effectifs passer de 600 à 250 personnes au cours des quatre dernières années.

Lorsque les prix se sont ressaisis l’an dernier, Rio Tinto Aluminium a réussi à dégager un profit net de plus de 1 milliard, mais le retour au niveau de prix de 1500 $US la tonne force le groupe à anticiper tout juste l’atteinte du seuil de rentabilité cette année.

UN MARCHÉ EN CHANGEMENT

Depuis 2008, le marché de l’aluminium fait face à une surabondance de production qui torpille la hausse pourtant constante de la demande.

« Il y a 15 ans, la production mondiale est passée de 25 millions de tonnes par année à 60 millions de tonnes. La Chine produisait seulement 2 millions de tonnes en 2000 et elle en produit aujourd’hui 32 millions. Le marché a complètement changé », rappelle le PDG.

Durant cette période de 15 ans, la production d’aluminium aux États-Unis a chuté de 75 % et Alcoa a récemment annoncé qu’elle allait fermer au cours de la prochaine année trois des quatre alumineries qu’elle exploite sur le sol américain, expose Alfredo Barrios.

« Si on réussit à poursuivre nos opérations, c’est qu’on est l’entreprise du secteur qui a le plus investi pour améliorer la productivité. On a injecté 10 milliards en cinq ans, dont 7 milliards au Canada. On est les plus productifs au monde et ça nous permet de mieux passer au travers. »

— Alfredo Barrios, PDG de Rio Tinto Aluminium

Malgré l’utilisation sans cesse grandissante de l’aluminium dans le secteur automobile, le PDG de Rio Tinto Aluminium n’entrevoit pas de hausse de production à court terme dans ses installations québécoises.

Il va falloir, dit-il, attendre que les prix franchissent la barre des 2000 $US la tonne pour que Rio Tinto augmente ses capacités de production.

« Chose certaine, nos opportunités sont clairement identifiées. On va être en mesure d’investir pour produire davantage à Alma et Arvida tout comme on pourrait le faire à l’Aluminerie Alouette », précise Alfredo Barrios.

Originaire de Madrid, le gestionnaire de carrière avoue très bien s’acclimater à la vie montréalaise, lui qui avait passé les deux dernières années de sa vie en Russie où il était vice-président-directeur de la coentreprise russo-britannique TNK-BP.

Physicien de formation, Alfredo Barrios a commencé sa carrière comme chercheur au Conseil européen pour la recherche nucléaire, le CERN à Genève, avant de poursuivre des études doctorales en économie et en énergie, à Londres.

« J’ai travaillé durant 22 ans pour BP. À Londres, Bruxelles, en Espagne, aux États-Unis, en Russie. On a vécu dans 12 villes différentes de 8 pays et, chaque fois, ma femme et moi, on se dit que c’est la ville où on voudrait finir notre vie.

« C’est le meilleur moyen d’en profiter pleinement », constate-t-il, en précisant qu’il vient tout juste de faire un séjour familial d’une semaine de ski à Tremblant.

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