Robertson Rhapsody
Toronto — Le festival de Toronto a été lancé hier avec un documentaire portant sur l’un des plus illustres musiciens du pays. Once Were Brothers : Robbie Robertson and The Band ne révolutionne rien sur le plan cinématographique, mais il fait écho à une époque qui filera un bon coup de nostalgie aux admirateurs de la scène musicale des années 60 et 70.
Il est loin le temps où le TIFF sélectionnait obligatoirement un film canadien pour ouvrir les festivités. Once Were Brothers : Robbie Robertson and The Band est le premier film produit au pays à avoir droit à cet honneur depuis Score : A Hockey Musical, en 2010. La présence de ce documentaire, réalisé par le Torontois Daniel Roher, n’a cette fois rien de déshonorant, même s’il ne correspond pas tout à fait non plus à l’idée qu’on puisse se faire d’un long métrage choisi pour lancer l’un des plus grands festivals de cinéma du monde.
Inspiré par Testimony, le récit biographique qu’a publié Robbie Robertson il y a deux ans, Once Were Brothers : Robbie Robertson est un documentaire de forme très classique, qui se démarque toutefois par la qualité des propos des différents intervenants, parmi lesquels Bruce Springsteen, Eric Clapton, Van Morrison et Bob Dylan. Martin Scorsese, qui a immortalisé sur film The Last Waltz, le tout dernier spectacle donné par The Band, agit ici à titre de producteur délégué, tout comme le tandem Brian Grazer et Ron Howard.
La formule est simple : Robbie Robertson se raconte. Né à Toronto d’une mère d’ascendance mohawk et d’un père « gangster hébreu » mort avant sa naissance, l’homme de 76 ans a vécu son adolescence au moment de l’émergence du rock and roll. Dès l’âge de 15 ans, il compose des pièces que Ronnie Hawkins, star canadienne du rockabilly, intègre à son répertoire.
Parsemé de témoignages et de nombreux documents d’archives, le récit retrace ainsi le parcours du guitariste de façon chronologique en s’attardant bien sûr sur la musique, mais aussi au lien fraternel particulier qui unissait les cinq musiciens de la formation, tout simplement appelée The Band, dont il ne reste aujourd’hui que deux survivants. Rien n’est romancé à la Bohemian Rhapsody. Il n’y a ici que du vrai, que de l’authentique.
Car au-delà du récit des tournées avec Bob Dylan, de la première marquée par les huées des admirateurs qui, soir après soir, ne pardonnaient pas à leur idole son virage électrique, jusqu’à la dernière, triomphale, le témoignage de ces rockers des années 60 et 70 est particulièrement émouvant.
Roher laisse aussi parler Denise Robertson, la femme québécoise de Robbie, mère des enfants du couple. Le récit de la rencontre entre la Montréalaise et le Torontois, à une époque où le Front de libération du Québec faisait exploser des boîtes aux lettres, est à cet égard assez savoureux.
Passé cette anecdote, le témoignage de cette femme est aussi précieux, dans la mesure où elle a pu observer mieux que personne la dynamique particulière qui unissait les hommes de la bande, minée toutefois par les excès en tous genres, principalement la drogue et l’alcool.
Robbie Robertson confie aussi qu’après The Last Waltz, le fameux concert d’adieu de The Band à San Francisco en 1976, il a voulu s’accorder une pause pour prendre soin de ses amis afin, éventuellement, de les réunir et d’enregistrer un autre album.
« Mais tout le monde a simplement oublié de revenir », lance-t-il avec, visiblement, un pincement au cœur.
Ce documentaire ne réinvente rien sur le plan cinématographique, mais il ravira assurément les admirateurs du groupe et de tous ceux qui ont gravité autour.
Au Canada, Once Were Brothers : Robbie Robertson and The Band sera présenté sur la plateforme Crave. Hier, la société Magnolia Pictures en a acquis les droits d’exploitation pour le territoire américain.
Les films québécois sélectionnés au TIFF cette année reflètent une actualité cinématographique automnale conjuguée au féminin. Les trois longs métrages francophones lancés ici en primeur mondiale au cours des prochains jours, autour desquels flottent des rumeurs très favorables, ont en effet été écrits et réalisés par des femmes.
La première à se lancer sera Louise Archambault avec Il pleuvait des oiseaux, une adaptation cinématographique (magnifique) du roman de Jocelyne Saucier, dont la première présentation aura lieu samedi. Suivront dimanche Kuessipan, un film de Myriam Verreault, librement inspiré de l’œuvre de Naomi Fontaine (aussi cosignataire du scénario), et, lundi, Antigone, une vision contemporaine de la tragédie de Sophocle, que signe Sophie Deraspe.
On remarque aussi la présence de Pompéi, une production de la société québécoise micro_scope, dirigée par Kim McCraw et Luc Déry. Coréalisé par Anna Falguères et John Shank, ce film met en vedette Garance Marillier, Aliocha Schneider et Vincent Rottiers.
Du côté des courts métrages, Chloé Robichaud viendra présenter Delphine à Toronto après l’avoir fait à la Mostra de Venise, et l’on attend aussi particulièrement Physique de la tristesse, le nouveau film d’animation de Theodore Ushev, dont la narration est assurée par Xavier Dolan.
Des longs métrages tournés en anglais, on ne peut passer sous silence Jordan River Anderson, the Messenger, le 53e film de la vénérable Alanis Obomsawin. Ce documentaire, sélectionné dans la section Masters, clôt le cycle de sept films, amorcé en 2012 avec Le peuple de la rivière Kattawapiskak, que la cinéaste abénaquise a consacré aux droits des enfants et des peuples autochtones. François Girard aura de son côté droit à une présentation de gala dimanche en fin de soirée. Clive Owen et Tim Roth sont les têtes d’affiche de The Song of Names, le nouveau film du réalisateur du Violon rouge.
Blood Quantum, de Jeff Barnaby, et The Twentieth Century, de Matthew Rankin, seront lancés dans la section Midnight Madness, consacrée aux films d’horreur.