Qui sont les victimes du coronavirus ?

Si la transmission semble ralentir dans la province, le virus, lui, n’a pas pour autant cessé de circuler dans différents milieux. Qui sont exactement les victimes de la COVID-19 au Québec ? Qui l’attrape, qui est hospitalisé, qui en meurt ? Le point en cinq pistes de réflexion.

Davantage d’hommes aux soins intensifs

Selon les données de l’Institut national de santé publique (INSPQ), le nombre d’hospitalisations en fonction du sexe est pratiquement le même. Pendant que la gent féminine représente 49 % des patients, ce chiffre atteint 51 % chez les hommes. C’est toutefois aux soins intensifs que la situation change dramatiquement. Dans ces unités, près de 64 % des malades sont de sexe masculin, soit près du double par rapport aux femmes (36,3 %).

« En France, on retrouve une situation similaire : il y a beaucoup plus d’hommes que de femmes qui sont admis en réanimation et qui y meurent ; le pourcentage d’hommes, 73 %, y est même plus extrême que le pourcentage d’hommes parmi les décès survenus dans les hôpitaux », remarque la professeure de l’École de santé publique de Montréal (ESPUM), Roxane Borgès Da Silva. À ses yeux, ce déséquilibre pourrait entre autres s’expliquer par le fait que les hommes sont souvent plus susceptibles de développer des maladies chroniques, l’un des premiers facteurs de risque pour les hospitalisations liées à la COVID-19.

Les 80 ans et plus décèdent massivement

Depuis le début de la pandémie, ce sont les personnes âgées de 70 ans et plus qui succombent majoritairement au virus. En fait, plus de 90 % des décès touchent cette tranche d’âge, et ce, tant pendant la première vague que durant la deuxième. L’âge moyen des décès au Québec serait d’environ 85 ans, selon une compilation effectuée par La Presse. Environ 33,5 % des décès sont survenus chez les 90 ans et plus depuis ce printemps, alors que chez les 80-89 ans, ce chiffre oscille autour de 40 %. Mais des nuances s’imposent. « Ce qu’on constate, c’est que la mortalité chez les personnes âgées est plus faible que pendant la deuxième vague. Ce printemps, nos aînés décédaient en masse. Les taux de mortalité étaient énormes ; dans certains centres, 50 % des patients COVID mouraient. Aujourd’hui, on est plus dans du 5, 10 ou 20 %, donc c’est beaucoup plus bas », illustre la coprésidente de la Communauté de pratique des médecins en CHSLD (CPMC), la Dre Sophie Zhang. Celle-ci affirme par ailleurs que l’âge moyen des décès pourrait diminuer avec le temps, si la transmission ne repart pas à la hausse dans les milieux de vie. « Nos patients décèdent moins et la majorité des cas sont chez les jeunes qui, eux, décèdent autant que pendant la première vague. On peut donc faire l’hypothèse que la moyenne d’âge des décès va diminuer », soutient Mme Zhang.

Deux vagues distinctes

Beaucoup moins touchés par la contamination ce printemps, alors que les CHSLD étaient ravagés par la transmission, les 20-60 ans ont rapidement connu une hausse du nombre de cas cet automne, dans la foulée de la deuxième vague. Avec la rentrée des classes, les 10 à 29 ans ont notamment vu leurs cas monter en flèche à partir de la fin août. Ce mois-là, les 20-29 ans représentaient à eux seuls plus de 26 % des infections, soit plus du double qu’en mai dernier. De manière générale, la proportion d’infections dans la population au sein des 20-60 ans a constamment augmenté depuis la première vague. De 52 % en avril, elle frise aujourd’hui les 60 %. Ce changement explique entre autres que le nombre de décès soit plus faible que pendant la première vague ; les plus âgés et donc les plus vulnérables sont moins touchés qu’avant. « Le changement dans la transmission s’explique assez facilement, dit Mme Borgès Da Silva. Au départ, on n’a pas fait attention aux CHSLD, on n’était pas équipés. Puis on s’est mieux préparés, mais l’été venu, les gens ont beaucoup voyagé au Québec. C’est là que la transmission communautaire s’est répandue. »

L’évolution des milieux de contamination

Ce n’est plus un secret pour personne : durant la première vague, les milieux de vie ont été durement frappés par la COVID-19, entraînant nombre d’infections et de décès parmi des usagers très vulnérables. Selon les plus récentes données du gouvernement, on compte actuellement 546 cas actifs dans les CHSLD. Dans les résidences pour personnes âgées (RPA), ce chiffre frise les 1100. « Il y a clairement eu un shift dans la transmission entre la première et la deuxième vague. Ça ne me surprend pas. Ce sont deux réalités très différentes, en termes de fermetures de secteurs et de circulation », indique le Dr Quoc Nguyen, gériatre au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Le DNguyen affirme que la courbe de transmission dans les milieux de vie pour aînés est tout de même encourageante. « On va dans la bonne direction, mais ça reste fragile comme toujours jusqu’aux vaccins », insiste-t-il. D’abord épargnés ce printemps, parce que tout le Québec était confiné, les milieux de travail représentent aujourd’hui plus de 40 % des éclosions actives. Les milieux de vie et les milieux de soins, eux, comptent pour 33 % des foyers, alors que le milieu scolaire en représente tout près de 12 %.

Une troisième vague en vue ?

Alors que le Canada et plusieurs pays resserrent de nouveau les mesures sanitaires pour contrer une éventuelle troisième vague de COVID-19, aggravée par les nouveaux variants plus contagieux de la maladie, le Québec n’est pas à l’abri d’un redémarrage de la transmission, craignent des spécialistes. « On peut penser qu’une troisième vague s’en vient avec les nouveaux variants. Tout le monde dit que ça va bien et que ça s’est réduit, mais en réalité, on n’est pas du tout tirés d’affaire », résume Mme Borgès Da Silva. La Dre Sophie Zhang, aussi chef adjointe à l’hébergement au CIUSSS du Centre-Sud de Montréal, affirme que les mesures pourraient bientôt changer dans le réseau de la santé en fonction de nouveaux variants. « Actuellement, on considère que nos patients guéris à l’intérieur de trois mois sont immunisés. Mais avec les mutations, on est en train de regarder si on devra imposer un isolement à tout le monde, même s’ils ont été guéris dans les trois derniers mois. Ce changement de consigne est en train d’être débattu », conclut-elle.

— Avec Pierre-André Normandin, La Presse

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