Montérégie

Placés par erreur en zone chaude

Près d’une centaine de patients de la Montérégie ont reçu un faux diagnostic positif de COVID-19 ces derniers jours, dont 18 qui ont été placés dans une zone chaude de leur hôpital, a appris La Presse. Pendant ce temps, un collectif regroupant des professionnels de la santé et des groupes de défense des aînés presse Québec d’agir pour prévenir une nouvelle hécatombe en CHSLD, où 10 % des résidants ont succombé au virus pendant la première vague.

Montérégie

Près de 100 faux diagnostics positifs

Près d’une centaine de patients de la Montérégie ont reçu un faux diagnostic positif de COVID-19 ces derniers jours. En tout, 18 patients ont été placés dans une zone chaude de leur hôpital avant que l’erreur dans leur test de laboratoire ne soit découverte.

C’est un bris d’équipement de laboratoire qui est à l’origine de la méprise. Ce bris a entraîné un « désalignement mineur lors de l’analyse » des échantillons, explique le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Centre.

Les patients visés par cet incident avaient subi un test de dépistage le 15 octobre. La plupart avaient subi leur test dans des cliniques mobiles ou de la communauté, et non pas à l’hôpital.

Les échantillons de ces patients ont été traités au laboratoire du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) de Saint-Hyacinthe. Ce laboratoire collabore avec le réseau de la santé pour l’analyse des échantillons de COVID-19. C’est lors d’un processus de « contrôle des tendances » mené la fin de semaine dernière que l’incident a été découvert.

Porte-parole du CISSS de la Montérégie-Centre, Martine Lesage explique que les prélèvements ont été récupérés et analysés à nouveau dimanche dernier. En tout, 95 prélèvements « se sont avérés être de faux positifs ». La plupart (64) concernent des patients provenant de l’est de la Montérégie.

Dans sa déclaration quotidienne du nombre de cas de mardi, le ministère de la Santé avait réajusté ses données de cas quotidiens pour retirer 90 cas en Montérégie. Cinq cas ont aussi été retirés mercredi pour tenir compte de l’ensemble de la situation.

Des patients déménagés par erreur

Les 95 patients ayant reçu un faux résultat positif ont tous été contactés par les autorités de santé publique. Mais pour certains d’entre eux, l’incident a eu des répercussions plus importantes.

Dans l’est de la Montérégie, 11 personnes ont été envoyées dans des zones chaudes alors qu’elles étaient négatives, confirme le porte-parole du CISSS de la Montérégie-Est, Hugo Bourgoin. Sept patients de l’hôpital du Suroît ont aussi été transférés dans une zone chaude de l’hôpital Anna-Laberge le 16 et le 17 septembre après avoir reçu leur test positif de COVID-19. Il a été impossible de savoir si des patients déplacés par erreur en zone chaude ont contracté la COVID-19.

« Le 18 octobre en fin de journée, le CISSS de la Montérégie-Ouest a été avisé par le laboratoire que les cas de l’hôpital du Suroît étaient de faux positifs », explique la porte-parole du CISSS de la Montérégie-Ouest, Jade St-Jean. Ces patients « ont été [regroupés] dans un secteur dédié spécialement pour eux, tant au niveau des lieux physiques que du personnel ». « Une surveillance accrue de l’apparition de symptômes sera effectuée et des tests de dépistage seront faits tous les 5 jours pendant 14 jours », explique Mme St-Jean.

19 décès, 1072 nouveaux cas

Le Québec rapportait mercredi 1072 nouveaux cas confirmés de COVID-19 et 19 nouveaux décès. Le nombre d’hospitalisations, qui avait fait un bond marqué mardi, est toutefois demeuré au même seuil que la veille.

Ces nouvelles données portent à 96 288 le nombre de Québécois infectés depuis le début de la crise. Quant aux décès, notons que 17 sur 19 sont survenus dans la dernière semaine, alors que deux autres se sont produits avant le 14 octobre. « Dix-neuf décès, c’est dix-neuf décès de trop », s’est désolé le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, en dévoilant le portrait quotidien de la pandémie.

Mardi, la Santé publique avait rapporté une forte hausse de 33 nouvelles hospitalisations. Il s’agissait de la plus forte hausse du nombre d’hospitalisations depuis le 5 octobre dernier. À peine 24 heures plus tard, on ne recense cette fois ni augmentation ni diminution de leur nombre ; 64 personnes sont sorties, et 64 autres sont entrées. Le cumulatif atteint donc toujours 565 patients hospitalisés au Québec. De ce nombre, 94 patients se trouvent aux soins intensifs. Il s’agit d’une baisse de six cas par rapport à la veille.

Le nombre de tests de dépistage, quant à lui, est reparti à la hausse, après avoir connu une baisse soudaine en début de semaine. Ce sont 21 902 tests qui ont été réalisés le 19 octobre, soit plus de 5000 que la veille, où on en avait enregistré à peine 16 291.

La Mauricie–Centre-du-Québec entièrement en zone rouge

La région de la Capitale-Nationale demeure sous haute surveillance ; on y enregistre 190 nouvelles infections. C’est une centaine de plus que la veille, mais moins que le record de 272 survenu lundi. En Montérégie, la hausse est forte : 212 cas y sont répertoriés, alors que la moyenne oscillait autour de 170 depuis lundi. Le nombre de cas est aussi en augmentation constante dans Lanaudière, où on recense mercredi 82 nouveaux cas. À population égale, c’est l’une des régions les plus touchées actuellement dans le Grand Montréal.

Ailleurs dans la province, la Mauricie montre aussi une hausse des infections, avec 68 nouveaux cas déclarés mercredi. L’ensemble de la région de la Mauricie–Centre-du-Québec passera d’ailleurs en zone rouge samedi, a annoncé Québec mercredi après-midi.

Une stabilité « relative »

Pour le spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif de Montréal, le DMatthew Oughton, les chiffres démontrent que le Québec a atteint une « stabilité relative » depuis l’implantation des mesures de restriction, surtout en zone rouge. Mais l’expert ne se dit pas satisfait du rythme de diminution des nouvelles infections dans plusieurs régions.

« Il faut qu’on ait plus de données sur la provenance des cas actuellement. Est-ce que c’est encore simplement de la transmission communautaire ? Est-ce que les familles se rassemblent ? On doit déterminer ça avec précision. »

— Le Dr Matthew Oughton, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif de Montréal

À Ottawa, la Santé publique enquête actuellement sur plusieurs cas de transmission liés au sport ; 14 équipes font l’objet d’une enquête. Au moins 28 personnes auraient contracté la COVID-19 – en lien avec un minimum de cinq éclosions reconnues –, sans compter les contacts de ces individus qui pourraient se compter par centaines.

« C’est exactement le genre de chose qui pourrait survenir au Québec également », illustre le DOughton, qui se réjouit toutefois que le nombre de décès demeure pour l’instant « beaucoup moins élevé » que lors de la première vague.

COVID-19

« C’est comme un âgicide ! »

Un collectif regroupant plusieurs intervenants du milieu de la santé interpelle le gouvernement pour éviter une nouvelle hécatombe en CHSLD

Lors de la première vague de COVID-19 au printemps, 10 % des personnes habitant en CHSLD sont mortes de la maladie. Un taux nettement supérieur à ce qui a été constaté en Ontario (2,6 %) ou en Colombie-Britannique (0,6 %). Pour le Collectif Action COVID, qui regroupent plusieurs intervenants, dont le Collège des médecins, l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, des chercheurs et des groupes de défense des droits des aînés, le gouvernement doit rapidement agir pour ne plus qu’un tel drame se reproduise.

Porte-parole du Collectif Action COVID, le gériatre Réjean Hébert estime que le Québec s’est tristement distingué à travers le monde lors de la première vague pour le nombre de décès en CHSLD. « C’est comme un âgicide ! » lance-t-il, en parlant du taux de décès de 10 %.

Le DHébert explique que les membres du Collectif sont particulièrement inquiets alors qu’une deuxième vague de COVID-19 touche la province. « Il faut absolument éviter de revivre ce qu’on a vécu lors de la première vague », dit-il. Pour le Collectif, le gouvernement doit rapidement adopter une série de mesures pour prévenir les éclosions en CHSLD et agir plus rapidement.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a annoncé ces dernières semaines avoir engagé un gestionnaire par CHSLD au Québec. « Mais pour nous, ces gestionnaires doivent être responsables. Ils devraient être des cadres supérieurs qui peuvent prendre des décisions », dit le DHébert.

Le Collectif souhaite aussi que le gouvernement entame une véritable réforme des CHSLD, qu’il conventionne les CHSLD privés et établisse des normes de soignants par résidant en CHSLD. « Il y a 15 ans, quand j’étais médecin en CHSLD, on avait un médecin pour 75 résidants. Aujourd’hui, on est à un médecin pour 200 résidants. Il faut une réflexion sur les normes de personnel », dit le DHébert. Des formations approfondies en prévention et contrôle des infections doivent aussi être offertes et les infrastructures des CHSLD, rénovées.

« L’homme est le seul animal qui trébuche deux fois sur la même pierre ; espérons qu’en ce domaine, les leçons de la première vague permettront d’éviter à tout jamais une telle catastrophe et d’assurer aux aînés en perte d’autonomie des services sécuritaires et de qualité. »

— Le Collectif Action COVID, dans une lettre ouverte publiée dans nos pages Débats

Listes à jour

Cette sortie survient alors que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a mis à jour, mercredi, ses listes montrant les CHSLD et résidences privées pour aînés (RPA) actuellement touchés par des éclosions de COVID-19. La semaine dernière, La Presse avait souligné en point de presse au ministre de la Santé que les données publiées par son ministère ne reflétaient pas la réalité.

Selon la nouvelle liste, 502 résidants de RPA sont actuellement touchés par la COVID-19, ainsi que 340 résidants de CHSLD. Neuf RPA et quatre CHSLD sont classés « rouges », c’est-à-dire qu’ils ont plus de 25 % de leurs résidants contaminés.

La résidence privée Villa St-Joseph à Saint-Hyacinthe est la RPA la plus touchée de la province alors que 85 % de ses occupants sont positifs à la COVID-19. Le CISSS de la Montérégie-Centre dit avoir dépêché du personnel sur place. « Il s’agit de personnel dédié qui est stabilisé dans cette résidence. Nous avons aussi envoyé une équipe en prévention et contrôle des infections pour s’assurer que tout était conforme à ce niveau », explique le porte-parole, Hugo Bourgouin.

Avec 76 % de ses résidants touchés, le CHSLD de Lambton est le CHSLD le plus touché de la province.

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